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Le successeur de Tati ?

Par Borokoff

A propos de Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec ★★★★☆

Serge Bozon - Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec - Borokoff / Blog de critique cinéma

Serge Bozon

A Poitiers, Rosalba, une jeune guide touristique introvertie, souffre d’un syndrome étrange. Dès qu’elle entend le son d’une musique ou un accord, elle est prise d’une frénésie qu’elle ne peut stopper ni réprimer dans son corps. De son côté, Alain, son collègue chauffeur de mini-bus, est aussi un grand timide adepte de musique « soul » qui le met en transe lorsqu’il l ’écoute seul. Ces deux-là parviendront-ils à passer la soirée ensemble sans que la situation ne dégénère ?…

Voilà un court-métrage qui dépote ! Il n’y a pas d’autre mot pour le dire. Premier film d’un quasi-inconnu (Yann Le Quellec a surtout œuvré dans la production cinématographique mais il a aussi conçu une bande dessinée, Love is in the air guitare, sortie en août 2011), Je sens le beat qui monte en moi provoque l’enthousiasme de bout en bout. A tel point qu’on trouverait presque le film trop court.

Rosalba Torres Guerrero - Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec - Borokoff / Blog de critique cinéma

Rosalba Torres Guerrero

Il faut dire que c’est un objet inqualifiable. Ovni burlesque de 32 minutes, court-métrage dont l’univers loufoque et visuel doit (beaucoup) à Jacques Tati, Je sens le beat qui monte en moi est porté par une actrice formidable, Rosalba Torres Guerrero, au demeurant danseuse professionnelle chez Teresa de Keersmaeker et les Ballets C de la B. Son déhanchement est aussi inimitable que la manière jubilatoire avec laquelle elle joue le transport qui la prend soudain et qui entraine son corps dans des déhanchements et des gesticulations aussi furieux qu’improbables. Je sens le beat qui monte en moi , c’est l’anti Les chaussons rouges ou l’exact pendant inverse et comique du film de Powell. Le film aurait pu s’appeler « Les démons de minuit » ou « La fièvre du samedi soir » tant on rit.

Dans une ville aux rues désertes, Alain, tenue bleue cintrée et coupe de cheveux rétro qui rappelle les années 1960, conduit un combi Volkswagen non moins vintage. Seul, il se déchaine sur de la musique « soul ». En compagnie de Rosalba, il n’ose plus rien dire ou presque. Le groupe de touristes, tout droit issu de Playtime (1967), prend en photo des jets d’eau sans intérêt, conduit par une Rosalba tout de rouge vêtue et qui redoute le moment où son corps la trahira et l’emmènera dans des valses folles. Pour le spectateur, c’est évident le moment qu’il attend.

Le parallèle avec Tati est d’autant plus justifié que le comique chez Le Quellec est teinté de poésie et d’un burlesque avant tout visuel. Très peu de paroles donc, mais un comique de situations où la gêne des personnages confine au grotesque. Drôle voire épique, le dîner aux chandelles, dans lequel Alain rivalise de maladresse voire de goujaterie avec Rosalba, donnera lieu plus tard à une danse exaltée voire extatique où nos deux tourtereaux essayeront de s’ouvrir l ’un à l ’autre et de s’épanouir (enfin !) grâce au langage du corps.

Pas de doute, on nage en plein absurde, mais on trépigne devant tant d’excentricité et de délires. On trouverait presque dommage que le film se termine si vite, de manière un peu soudaine et abrupte. Mais on se dit qu’à défaut de savoir encore faire de bons thrillers, on peut compter en France sur des réalisateurs de comédie aux univers vraiment décalés, drôles et originaux. C ’est le cas de Forgeard, de Chabat (et de son Didier entre autres) sans oublier Dupieux, le duo Kervern / Delépine ni Artus de De Penguern (dont le prochain film sort dans une semaine). De quoi envisager un bel avenir pour la comédie en France…

http://www.youtube.com/watch?v=bcZGnwi09kc

Film français de Yann Le Quellec avec Rosalba Torres Guerrero, Serge Bozon. (32 minutes).

Scénario de Yann Le Quellec :

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½
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Mise en scène :

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½
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Acteurs : 

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Dialogues :

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Compositions de Mozart, The Coasters, Bach et Al Wilson :

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