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Front républicain et moralisation de la vie politique

Publié le 21 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

Autant tourner la page de la période Chirac qui fit élire, face au spectre du Front national, des candidats d’extrême-gauche, voire suspectés de corruption.

Par Marc Crapez.

Front républicain et moralisation de la vie politique

Jacques Chirac (CC, Remibetin)

On compte sur les doigts de la main les commentateurs qui récusent l’idée d’une droitisation de l’UMP. En fait partie le journaliste Guillaume Tabard, sur son blog des Echos. Il souligne que le thème de la collusion entre UMP et FN a été monté en épingle à partir des exemples de Nadine Morano et de Roland Chassain (à Arles), qui constituent « 2 cas sur plus de 500 matchs ».

En second lieu, l’UMP n’a pas repris le thème des frontières à l’occasion des législatives et cette campagne moins à droite que la présidentielle s’est avérée moins performante. Le procès en droitisation était donc écrit d’avance et, faute d’avoir été intenté à Sarkozy du fait de son score meilleur que prévu, rejaillit lors des législatives. Ajoutons que les appels du pied sont le propre des périodes électorales et que les défaites de Nadine Morano, ou encore de Jean-Paul Garraud, ne témoignent d’aucune sanction des électeurs en comparaison de circonscriptions similaires. Mais restons sur le terrain de la moralisation de la vie publique.

A Arles, Roland Chassain ne s’est pas maintenu au 2ème tour, favorisant le candidat FN face au PS. Il faut toutefois préciser que son adversaire, le socialiste Michel Vauzelle, a décidément du mal à choisir ses proches : quatre de ses collaborateurs directs furent mis en examen (dont son directeur de cabinet, son directeur général des services et le secrétaire du groupe socialiste). Ce président de conseil régional a lancé, dans l’entre-deux-tours, un « appel à la résistance citoyenne », déclarant « nous sommes les soldats de la République », tandis que le conseiller régional socialiste Mohamed Rafaï déclarait « dimanche c’est une guerre civile qu’on doit mener avec nos bulletins de vote ».

« Je ne soutiendrai jamais une candidate renvoyée en correctionnelle pour des détournements de fonds »

Dans une circonscription voisine, la candidate UMP Nora Preziosi ne pouvait, de toute façon, pas se maintenir au 2ème tour, dans un duel entre la socialiste Sylvie Andrieux et un candidat FN. Cette candidate UMP de la « diversité », peut-être à ce titre moins culpabilisée, a fait voler en éclats le Front républicain, en déclarant qu’elle ne voulait « pas élire une femme renvoyée en correctionnelle », qu’elle ne « soutiendrai jamais une candidate renvoyée en correctionnelle pour des détournements de fonds ».

Dans l’entre-deux-tours, la candidate PS a appelé, en jargon d’extrême-gauche, à « faire barrage à la haine » car « les électeurs de gauche sont fortement conscientisés, ils savent ce que représentent les thèses du Front national, même repeint en bleu marine ». En février dernier, le procureur de la République considérait qu’elle est intervenue « très concrètement » pour subventionner des associations inexistantes et qu’elle est au cœur d’un clientélisme destiné à une « fidélisation de l’électorat et d’intérêts politiques ». On comprend pourquoi le candidat FN a été battu, d’une courte encolure néanmoins.

Pendant vingt ans, la droite s’était montrée incapable de critiquer l’extrême-droite avec d’autres arguments que ceux de l’extrême-gauche. Un système sectaire de terrorisme intellectuel a même préféré faire élire, contre des candidats du Front national, des politiciens d’extrême-gauche, voire suspectés de corruption. Les plus ardents propagandistes de cette stratégie se réclamèrent de la morale politique, mais il leur arriva d’être condamné par la justice (Carignon, Chirac, Douste-Blazy, Juppé, Mouillot, Noir).

Ces vingt ans de chiraquisme ont déporté la droite vers la gauche de plusieurs crans. Même à supposer un retour d’un cran vers la droite, le balancier n’est donc nullement déséquilibré vers l’extrême-droite. La thématique de la droitisation est surtout symptomatique d’une propagande médiatico-politique qui renseigne davantage sur elle-même et ses émetteurs que sur le phénomène qu’elle prétend décrire. Il en va de cette thématique comme du catéchisme jacobin déconstruit par François Furet : « l’illusion consiste à prendre ces représentations pour des éléments explicatifs, alors qu’elle sont au contraire ce qui est à expliquer ».

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