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Un gazouillis empoisonné

Publié le 22 juin 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Un gazouillis empoisonné

La formulation « réseaux sociaux » faisant maintenant partie du langage courant de tous les internautes aguerris est souvent trompeuse. On pourrait y comprendre que toutes les interactions générées par le Web 2.0 se valent et seraient du même standing. Ce qui a été décrit par les « faiseurs d’actualité » comme « l’affaire Trierweiler » a au moins le mérite de rappeler la différence fondamentale sur laquelle se basent Facebook et Twitter : le rayonnement de leurs utilisateurs.

Comme l’explique François Jost, professeur des sciences de l’information et de la communication à la Sorbonne, deux lieux communs ont accompagné le développement de l’internet : le premier se veut promouvoir la démocratie sur la toile. Chacun peut y prendre la parole sans difficulté aucune. Le second proclame le déclin de l’auteur comme source unique « au profit d’une intelligence collective et multiple ».

En version décodée, l’univers du Tweet est un univers profondément inégalitaire où tout le monde peut être mais où tout le monde ne peut pas exister. Nous pouvons ainsi répartir les usagers en deux catégories bien distinctes : les abonnés et les abonnements. « Si la balance penche du côté des suiveurs, c’est un leader d’opinion ; sinon, il appartient à la foule des anonymes ». Ceci est donc le retour de l’auteur de source unique car il donne du crédit à sa parole par son nom. C’est ainsi que vous devez certainement à l’unanimité accorder beaucoup de crédit à WhoTheFuckAreYou qui légitime ses propos par son nom, son image, ses goûts, ses choix.

Les gazouillis des millions de tweets échangés chaque jour noient les 140 caractères dans un flot incessant quotidien. Ils ne trouvent d’échos que s’ils sont ancré dans le nom qui les extrait du vacarme incessant des piafs bleus. Ainsi, les écrivains les plus lus sont les spécialistes de « paroles immédiatement consommables ». On y met les chroniqueurs de webzines, de fictions ou « quick books » et leur photo prend plus de place que leur nom sur les couvertures.

A l’époque, les vieux médias faisaient déjà partie du phénomène dans lequel le dévoilement de l’intimité est lui-même devenu une information. De cette manière, ses sentiments et ses réflexions sont le résultat de la « publicisation de l’intimité » qui va au-delà de la vie privée.

Les personnalités du paysage politique en général sont devenues leurs propres paparazzis. En matérialisant leurs paroles, ne serait-ce qu’en quelques caractères, ils fournissent une source explicite d’information. « Elles donnent à la parole quotidienne, celle que l’on échange normalement au café au autour de la télévision, l’autorité de la chose écrite ».

La limite entre informer et communiquer est alors très fine et facile à franchir. Ceux qui peuvent se prévaloir d’un statut d’auteur au quotidien, « d’expert de la parole volante », utilisent donc la place publique comme exutoire de leur pensée.


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