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L’aide financière publique à l’industrie pharmaceutique : les Québécois sont-ils entrain de se faire plumer?

Publié le 28 juin 2012 par Shadlaw @rachadlaw
L’aide financière publique à l’industrie pharmaceutique : les Québécois sont-ils entrain de se faire plumer? Selon un article de recherche publié par Marc-André Gagnon, « L’aide financière à l’industrie pharmaceutique québécoise : le jeu en vaut-il la chandelle? » dans la Revue Interventions économiques les aides financières publiques accordées à l’industrie pharmaceutique québécoise pour encourager la R&D sont jusqu’à 6 fois supérieures aux retombées économiques de l’Industrie. Par exemple, le Québec a dépensé entre 455 $ M et 1703 $ M en aide de toutes sortes en 2010 pour générer seulement 252 $ M en R&D de la part des entreprises. Pire, les chiffres du Ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE) montrent que l’industrie pharmaceutique au Québec n’est pas en train de se développer puisqu’elle est aujourd’hui environ au même niveau d’emploi qu’en 2001. Les récentes mises à pied dans les entreprises pharmaceutiques au Québec (plus de 350 en 2012 seulement) portent a plus de 3000 en 5 ans le nombre de pertes d’emploi dans ce secteur.
Il semble donc que les contribuables dépensent des centaines de millions de dollars pour maintenir les activités économiques d’une industrie privée qui ne nous rapporte que des pinettes collectivement, à part l’image pimpante d’un Québec « pharmeutiquement » innovante.
Le développement de l’industrie pharmaceutique québécoise est souvent considéré comme l’histoire d’une réussite industrielle issue d’une politique ciblée d’aide aux industries à haute valeur ajoutée. Toutefois, le Québec paie cher ses incitatifs financiers au secteur pharmaceutique à travers une série de mesures qui vont au-delà d’une simple politique de brevet : 1) crédits d’impôt, 2) politique de prix généreuse, 3) règle des 15 ans et 4) subventions directes aux entreprises. En contrepartie, le Québec bénéficie de retombées économiques importantes, dont les dépenses en recherche et développement (R&D) et la création d’emploi dans un secteur à haute valeur ajoutée. L’article chiffre le montant de l’aide publique reçue par l’industrie pharmaceutique au Québec et compare ce montant aux retombées économiques de ce secteur au Québec. L’article démontre que les aides financières publiques accordées à l’industrie pharmaceutique québécoise pour encourager la R&D sont en fait de 1,81 à 6,76 fois supérieures à l’ensemble des dépenses nettes de l’industrie pharmaceutique québécoise en R&D.
Les principales conclusions de la recherche
Si le secteur pharmaceutique est en déclin au Québec, certains y verront la nécessité d’offrir des aides publiques encore plus généreuses pour soutenir ce secteur. En effet, l’importance du secteur pharmaceutique au Québec se caractérise aussi par le développement d’une expertise dans ce domaine, incluant des programmes de recherche et de formation universitaire. Comment alors créer les emplois pour les nouvelles cohortes de doctorants qui arrivent sur le marché du travail si ce n’est en continuant d’attirer la recherche pharmaceutique par de l’aide publique?
Toutefois, le Québec a dépensé entre 455 $ M et 1703 $ M en aide de toutes sortes en 2010 pour générer seulement 252 $ M en R&D de la part des entreprises. Puisque les aides publiques actuelles ne génèrent pas autant de bénéfices que ce qu’elles coûtent, il semble nécessaire d’envisager des alternatives puisque l’aide publique pourrait être redistribuée en tout ou en partie de manière plus profitable pour tous les Québécois. Par exemple, le Québec pourrait ré-enligner cette aide publique afin de financer non pas la recherche privée, mais la recherche publique. Cette dernière participe souvent plus directement à une véritable innovation thérapeutique (Stevens 2011; Sampat et Lichtenberg 2011) et se trouve moins orientée par des considérations commerciales (Gagnon 2012). En misant sur l’innovation thérapeutique (recherche fondamentale) plutôt que sur les retombées commerciales (développement d’extension de gammes de médicaments avec peu ou pas de bénéfices thérapeutiques), une stratégie fondée sur l’investissement dans la recherche publique pourrait permettre au Québec de redevenir un leader technologique dans le secteur biopharmaceutique, à un coût moindre que ce qu’il paie en ce moment en subventions pour soutenir des firmes en déclin. À noter que faisant face à des défis similaires au Québec dans le secteur pharmaceutique, l’administration Obama aux États-Unis a annoncé en janvier 2011 qu’elle allait financer un large centre public de recherche médicale à hauteur de 1 milliard par année pour faciliter la commercialisation de la recherche académique (Harris 2011).
 À noter que la Nouvelle-Zélande compte une population d’environ 4,4 millions d’habitants alors que (...)
De plus, si le Québec cessait complètement de soutenir le secteur pharmaceutique privé et tentait plutôt d’obtenir les meilleurs prix possible pour ses médicaments, comme le fait la Nouvelle-Zélande14, tout en abolissant la règle de 15 et les subventions directes, il pourrait économiser jusqu’à 1,66 $ milliard en médicaments. Ces économies lui permettraient non seulement de financer massivement la recherche publique, mais il pourrait réduire de manière significative les coûts en santé.
Malgré tous les efforts pour développer une industrie pharmaceutique solide au Québec, le déclin de ce secteur démontre l’échec d’un régime d’innovation extrêmement généreux qui n’a pas réussi à générer les retombées économiques voulues. Le calcul des coûts des aides publiques pour la R&D en comparaison aux retombées économiques en R&D montre que le Québec s’appauvrit dorénavant avec une politique d’innovation devenue irrationnelle et injustifiable.
La politique d’innovation pharmaceutique du Québec n’est toutefois pas sans mérite puisqu’elle a permis le développement d’une expertise scientifique et technologique importante. Ce qu’il faut toutefois remettre en cause est l’efficience économique de cette politique dans le cadre de la restructuration actuelle du secteur et de son déclin important depuis les dix dernières années. Il s’agit alors d’envisager les alternatives qui permettraient de relancer le développement d’un pôle technologique dans le secteur pharmaceutique au Québec, sans engraisser inutilement avec une aide publique généreuse un secteur privé incapable d’engendrer des retombées intéressantes pour tous les Québécois. S’entêter à bonifier les aides publiques au profit des firmes privées n’est simplement plus une solution rationnelle pour assurer le développement de ce secteur.
Pour consulter l’étude détaillée, cliquez ici.

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