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Après Sarkozy, la rigueur, c'est maintenant !

Publié le 03 juillet 2012 par Letombe
Après Sarkozy, la rigueur, c'est maintenant !

Il était attendu, ce rapport d'audit réclamé par François Hollande. Il est arrivé en ce premier jour de juillet, à point nommé: deux jours avant le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault.
Didier Migaud, le président de la Cour des Comptes, confirma ce que nous savions déjà: les comptes publics sont dans un état désastreux. Et les ténors de l'UMP répondirent, presque soulagés: « vous voyez, ce n'est pas si grave! » Ils n'avaient pas compris.
Ce rapport était là pour rappeler au pays, et notamment à sa gauche, qu'il faudrait bien de la rigueur.
L'addition Sarkozy
Le rapport est tombé, avec quelques jours de retard. L'addition est toujours aussi salée. Elle résume presque 5 années de sarkozysme peu triomphant. Pour la seule année 2012, la Cour confirme qu'il faudra trouver entre 8 et 12 milliards d'euros d'économies ou de recettes pour tenir les engagements de la France. Sinon, le budget initial, voté par la précédente majorité, ne sera pas respecté à cause de dépenses non couvertes (1,5 milliards d'euros) et du ralentissement de la croissance.
Après Sarkozy, la rigueur, c'est maintenant !

A l'UMP, la critique restait schizophrène: on dénonce les premières dépenses «inconsidérées » du gouvernement Ayrault (en négligeant qu'elles sont toutes couvertes par des mesures fiscales ou de cotisations), et l'effort de rigueur annoncé. La réaction de Gilles Carrez, président UMP de la Commission des finances de l'Assemblée, fut exemplaire de cette schizophrénie. Pécresse et Copé crièrent que ce rapport était surtout un avertissement pour Hollande.... L'UMP voulait-elle s'indigner contre le recrutement, en urgence, de 2.000 agents en CDI à pôle emploi, annoncé par Michel Sapin lundi 2 juillet ? 


Le rapport de la Cour était lourd, et long: 255 pages d'analyses et de chiffres. Nous avions pris l'habitude, du temps de la Sarkofrance, de commenter ces effroyables constats de l'inefficacité sarkozyenne. 
Le portrait général du pays était effectivement connu: il est désastreux. 

  • Une croissance faible: 1,7 % en 2010 puis en 2011, et 0,4% prévue pour 2012.
  • Un chômage endémique et en croissance ininterrompue: de 9,6 à 9,8 % entre les quatrièmes trimestres de 2011 et 2012.
  • Une inflation qui repart, + 2,1 % en 2011, contre +1,4% en 2010.
  • Un déséquilibre des échanges extérieurs exceptionnel (73 Md€);
  • Un pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages en ralentissement depuis 2010: +0,9% en 2010, +0,5% en 2011 (et -0,6% prévu par l'INSEE pour 2012!) 
  • Un taux de marge des sociétés non financières en chute pour « revenir à son niveau le plus bas depuis 1986 ». 

Quelques surprises du rapport
Du côté des comptes publics, la gestion sarkozyenne n'est pas mieux lotie
1. L'arnaque date du temps où le ministre du budget s'appelait Jean-François Copé: « de 2004 à 2010, la croissance des dépenses fiscales a pour partie permis de contourner les normes de dépenses budgétaires. » En 2011, l'immense effort de rigueur réalisé par le dernier gouvernement Sarkozy/Fillon a permis de les réduire de ... 800 millions d'euros. 
2. A fin 2011, la dette publique atteignait 86,0 % du PIB soit 1.717 milliards d'euros. La seule charge d'intérêt s'établissait à 52 milliards d'euros l'an passé... En 2011, la dette publique supplémentaire a cru de 121 milliards d'euros (sic!), dont 89 milliards provenant des administrations de l'Etat, 30 milliards de la Sécurité sociale et ... 5 milliards des collectivités locales.  Pour 2012, la Cour confirme que la dette publique atteindrait 89%. Aucune surprise...
3. Les collectivités locales ont amélioré leur situation, mieux que celle de l'Etat: et hop! Voici un autre dogme sarkozyen («les problèmes, c'est la faute aux collectivités gérées par la gauche !») qui tombe à l'eau... D'ailleurs, la Cour des Comptes insiste: « Dans un contexte de crise des finances publiques, de réforme de la fiscalité locale et de difficultés d’accès au financement bancaire, les collectivités locales présentent, contrairement aux anticipations, des résultats globaux en amélioration. »
4. Comparé à ses voisins européens, la France ne brille pas: une dette en plus forte augmentation, un déficit plus creusé, un chômage plus important que la moyenne...
5. En 2011, le gouvernement Sarkozy/Fillon a alourdi les prélèvements obligatoires à un niveau historique: +1,4 point de PIB, dont 1,1 point (soir 23 milliards d'euros!) lié à des mesures nouvelles. La Cour distingue les alourdissements pérennes (14 milliards de cotisations et impôts nouveaux) des temporaires (8 milliards). Contrairement au story-telling sarkozyen (« je n'augmenterai pas les impôts » avait coutume de répéter l'ancien Monarque), « malgré un ralentissement notable de la croissance des dépenses, l’effort consenti a principalement reposé sur des hausses des prélèvements obligatoires.» 
6.  La Sécurité sociale a réduit son déficit ... grâce à une progression des recettes(c'est-à-dire une augmentation des cotisations), et non une baisse des dépenses: « La réduction de 6,5 Md€ du déficit du régime général s’explique par une forte progression des recettes (+5,3% après 2% en 2010) alors que les dépenses ont conservé un rythme de croissance voisin de 3 % (3,1% après 3 % en 2010). » Ici encore, un autre dogme sarkozyen s'effondre, celui qui voudrait que la droite préfère les baisses de dépenses aux hausses d'impôt...
Les oublis de Sarkozy/Fillon 
La Cour évalue l'effort de redressement entrepris par le gouvernement en quelques phrases plutôt cinglantes: certes, «l’année 2011 a constitué une première étape dans le redressement des comptes. » Ainsi, le déficit public s'est « limité » à 5,2 % du PIB, soit 103 Md€, en repli de 34 Md€ par rapport à 2010. 
Pour 2012, la Cour pointe sur un dérapage de 1 à 2 milliards d'euros des dépenses. Il paraît que ce n'est pas si grave: « Des risques de dépassement ont été identifiés pour ce qui concerne l’Etat, mais ils sont d’ampleur limitée. » Jean-François Copé s'est rapidement réjoui, au nom de l'UMP, que la Cour n'ait trouvé aucun « cadavre caché ». Fichtre ! Quelle satisfaction ! 
La Cour ajoute un manque de recettes de 6 à 10 milliards d'euros (à cause, dénonce-t-elle, de « prévisions initiales trop optimistes »), et la sous-évaluation de l'impact de deux contentieux fiscaux perdus pour la coquette somme de 7 à 8 milliards d’euros à payer entre 2013 et 2014: « Leurs conséquences, pourtant prévisibles, n’ont été que très partiellement prises en compte dans le budget 2012 et dans le programme de stabilité. » Et d'ajouter: « Depuis plusieurs décennies, la France est loin d’avoir été exemplaire dans la gestion de ses finances publiques. Sa crédibilité en est affectée.» Effectivement, nous avons perdu notre Triple A le 13 janvier dernier. 
Maintenant, la rigueur !
L'objectif promis est de ramener le déficit budgétaire, de 102 milliards d'euros l'an dernier (5,2% du PIB), à moins de 4,5% du PIB en 2012 et moins de 3% en 2013. Pour ce dernier exercice, la Cour affiche la couleur: « L’effort à fournir en 2013 sera beaucoup plus important : dans l’hypothèse d’une croissance de 1%, la Cour l’évalue à 33 Md€ de mesures nouvelles, qui devront être partagées entre économies sur les dépenses et recettes nouvelles.»
Au gouvernement ou au sein de sa majorité parlementaire, on évite de parler de rigueur, a fortiori d'austérité. Politiquement, ils ont raison. Médias et personnel politique adorent ses termes qui permettent d'alimenter des polémiques sémantiques à longueur de journées, voire de semaines.
Mais entre nous, appelons un chat un chat. Il va falloir passer par une phase de rigueur. Après cinq années d'irresponsabilité budgétaire, ce n'est pas de la rigueur sarkozyste mais du redressement juste qu'il faut au pays. 
La Cour des Comptes prévient: avec 1,5% de croissance du PIB l'an prochain, il faudra quand même 28 milliards d'euros de baisse du déficit. Avec seulement 1%, l'effort monte à 33 milliards. Si le ralentissement se poursuit, avec 0,5% de croissance seulement, l'addition monte à 38 milliards d'euros.
Les recommandations de la Cour sont sans surprise:
1. Une « stabilisation » des frais de personnel de l'Etat (80 milliards d'euros par an). Pour se permettre d'augmenter le traitement des fonctionnaires, il faudrait réduire leur nombre («Seule une baisse globale des effectifs laisse des marges de manœuvre en matière de politique salariale. »). On connaît l'argument, Sarkozy l'a pratiqué... avec le succès que l'on sait.
2.  En matière de dépenses d'intervention, et « notamment celles qui touchent à la solidarité et à la protection des plus démunis, ou encore à l’emploi et à la formation,», la Cour dénonce « l’enchevêtrement des compétences entre collectivités publiques, voire organismes paritaires,» qui « est source de complexité et de gaspillages » . Où est passée la Rupture ?
3. La Cour souligne le poids des dépenses publiques, 56% du PIB, le « deuxième rang après le Danemark ». Elle ne suggère pas de réduire l'intervention publique mais d'en réduire la croissance des coûts: « Il est néanmoins probable que la croissance des dépenses publiques peut être réduite en France sans remettre en cause la qualité des services publics et l’ampleur de la redistribution opérée par les dépenses publiques. » Comme d'autres, la Cour réclame une baisse des dépenses plutôt qu'une simple hausse d'impôts. C'est d'ailleurs la voie retenue par le gouvernement Hollande/Ayrault. Il n'y avait que l'UMP et quelques commentateurs pour faire mine de l'ignorer. 
4. Enfin, elle rappelle que le redressement « ne pourra dans l’immédiat éviter un relèvement mesuré des prélèvements obligatoires ». En particulier, elle pointe les niches fiscales et sociales (140 milliards d'euros par an environ), qu'il faudra « réexaminer » et notamment, « s’interroger sur l’égalité devant l’impôt et les charges publiques et sur leur efficience au regard des objectifs économiques et sociaux qu’elles poursuivent ». 
On l'avait compris, nous le pressentions, et François Hollande ne s'en était pas caché. Le pays frôle la ruine, et il faudra bien le redresser. Que l'effort soit compris est une priorité. Qu'il soit juste, tout autant. Que le bilan, désastreux, de la précédente mandature soit lucidement exposé était une nécessité. C'est chose faite.
Ce rapport, commandé par François Hollande, avait un objectif principal: faire comprendre au pays l'ampleur des efforts à accomplir.
Finalement, ce dernier (?) bilan de 5 années de sarkozysme budgétaire ne pouvait se conclure que par ce proverbe sénégalais(*):  « Qui avale une noix de coco fait confiance à son anus »
Chroniques de Juan 
(*) Merci à AnneEecke

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