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De l'esclavage des nègres - Montesquieu

Par Busuainn_ezilebay @BusuaInn_Ezile

"De l'esclavage des nègres" est un extrait de "De l'Esprit des Lois", traité de sociologie politique que Montesquieu publie en 1748, et dans lequel il tente d'analyser comment le climat, les mœurs, l'économie, les lois ... qui ont influé sur les différents régimes politiques qui se sont succédés dans l'histoire.
L'auteur, grand savant et philosophe du siècle des Lumières, fut aussi magistrat à Bordeaux. Il est surtout connu pour des ouvrages tels que "De l'Esprit des Lois" ou "Les Lettres Persanes", qui ont éveillé l'esprit critique des hommes du XVIIIe siècle.
Le chapitre V du livre XV de l'œuvre est souvent utilisé comme exemple de l'usage de l'ironie en littérature des idées. Montesquieu y use en effet de l'ironie pour dénoncer les esclavagistes. 
Il faut  bien préciser que Montesquieu était anti-esclavagiste militant, contrairement à ce que pourrait laisser certains de ses paragraphes pris hors de leur contexte. Il utilise en vérité des arguments en faveur de l'esclavagisme pour bien montrer qu'ils sont ridicules.
Dans cet extrait du livre 15, l'auteur se feint d'être l'avocat de l'esclavage des noirs.

De l'esclavage des Nègres



Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.


Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.
Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.


On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.


Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie, qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une manière plus marquée.


On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, était d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.


Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui chez des nations policées, est d'une si grande conséquence.


Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.


Des petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains : car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié.


 Avec une économie de mots aussi surprenante que redoutable, il  pointe à la fois la brutalité des Européens avec les Indiens (« Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique. »), les mécanismes à la base du racisme qui font justifier la traite des Noirs par les esclavagistes de l'époque (« On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. ») et l'impiété de ceux qui se disent chrétiens et qui pratiquent l'esclavage (« Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens).




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