Magazine Politique

L'Europe entre division et rétrécissement

Publié le 16 juillet 2012 par Egea

La division ou plutôt le rétrécissement, semble désormais l’horizon de la survie européenne.

L'Europe entre division et rétrécissement
source



Constatons tout d’abord qu’elle signifie l’abandon de la ligne stratégique d’élargissement, qui avait orienté l’Union au long des années 2000. On discutait à n’en plus finir du choix entre élargissement et approfondissement. Mais la nécessaire réunification européenne, et la concurrence de l’Otan (qui élargissait à tout va) avaient eu raison des prudences. On s’était retrouvé en 2007 sur les bords de la mer Noire tout en cherchant à surmonter l’échec du référendum sur le traité constitutionnel en 2005. L’arrêt des élargissements s’était focalisé sur le cas turc. Et si on admet des élargissements mineurs (la Croatie ou l’Islande), nul n’imagine d’accueillir aujourd’hui un grand pays.

Toutefois, ...

Toutefois, on pensait à un effet cliquet : bloquer le mécanisme là où il était, temporairement, et instaurer un statu-quo pendant quelque temps, le temps de régler deux ou trois détails techniques, à la faveur des circonstances, avant de passer à une nouvelle étape. Le traité avait même évoqué le moyen de cet approfondissement : il s’agissait des coopérations renforcées, moyen juridique de permettre à un groupe moteur de pays d’avancer.

Las ! Quand on n’avance pas, on recule, la loi est d’airain. Et comme les coopérations renforcées, permises par le traité de Lisbonne adopté en 2008, n’ont pas été mises en œuvre, on assiste à une sorte de dégradation. Car le traité de Lisbonne a été adopté en même temps qu’éclatait la crise systémique de la dérégulation. Alors que l’Europe avait été bâtie sur l’économie (les vingt-cinq premières années, de 1957 à 1986) ce principe étant ensuite renforcé par la dérégulation (de 1986 à aujourd’hui), elle était prise à rebours de sa logique interne : on appelait les Etats au secours pour résoudre la crise des banques, et chacun s’apercevait que les banquiers et les financiers étaient incapables de se réguler, et que le « libre marché » était une illusion.

Ses adversaires disent de l’euro qu’il était aussi une illusion. Mettons que c’est une croyance, ce qui n’est pas illogique en matière monétaire : les créances, comme les croyances, fondent les monnaies, dont les plus « physiques » (billets de banque et pièces de monnaies) sont dites « fiduciaires », au sens premier « objets de foi ». Toujours est-il qu’il reste aujourd’hui à sauver l’euro, car on n’a pas vraiment de créance/croyance de remplacement. Cela passe par les parties prenantes, celles qui font partie du club, c’est-à-dire les 17, voire les seize si la Grèce sort, ce qui est tout à fait possible. Somme toute, 17 sont moins que 27 ou 28, et voici une Europe qui se divise pour se sauver, pas mécontente peut-être d’éloigner, si l’on s’en tient aux critères démocratiques les plus admis, des pays soudainement « douteux » comme la Hongrie (question des minorités et de la liberté de la presse) ou récemment la Roumanie (destitution juridiquement discutable du président de la République).

Après l’élargissement, donc, le rapetissement. Parce que plus petit, c’est plus gérable. La division comme planche de salut.

Mais cela suppose quelque chose qui n’est pas assuré : que les seize ou dix-sept élus réussiront (ce qui n’est pas assuré) et qu’ils continueront d’avoir des relations « normales » (adjectif en vogue) avec les autres. Attardons nous sur ce deuxième point, puisque les autres commentateurs dissertent surtout du premier. Quelles relations cette UE résiduelle entretiendra avec l’Union ? Cette question, les Britanniques la posent déjà. David Cameron ne cesse de planter des banderilles. Il l’a fait lors du sommet de décembre dernier où il s’est retrouvé à sa grande surprise isolé. Il ne cesse depuis d’asticoter les Français, refusant au printemps de recevoir le favori de l’élection, ou formulant des déclarations aigres-douces à l’occasion de tous les sommets, du G8 en mai au sommet franco-britannique la semaine dernière.

Il y a plusieurs raisons à cette aigreur : elles sont pour la plupart intérieures, à cause tout d’abord d’un équilibre politique délicat, puisque sa majorité tory pousse à rompre avec l’UE et promeut un référendum sur la question d’ici deux ans. Il est très possible que les Britanniques voteraient pour une sortie de l’UE. La City et les milieux d’affaires n’y sont pas très favorables, même si elles sont très opposées à une taxe européenne sur les transactions financières. Mais l’esprit politique domine, surtout en ces temps de récession, et il faut bien trouver un bouc émissaire à la rigueur du moment, et au déclassement britannique qui est aveuglant.

Cet esprit de division peut aller fractalement encore plus loin, car il pourrait y avoir la même année deux référendums : l’un britannique pour sortir de l’UE, l’un écossais pour sortir du Royaume-Uni (et qui sait, rester en UE, dans une sorte de nouvelle Auld alliance)… On ne parle pas encore d’un mouvement indépendantiste des Shetlands, car les moutons ne valent pas si cher, mais on peut imaginer celui des Islays, qui trouverait à coup sûr de fervents supporters à travers le monde, à la gloire de la tourbe et du pur malt.

Ainsi, par une sorte d’ironie de l’histoire, ce serait la Grande-Bretagne qui, championne du plus grand élargissement, sortirait elle-même de l’UE lorsque celle-ci se rétrécissait, pour cause de survie. On en viendrait donc à une Europe carolingienne, une Europe à plusieurs vitesses avec un centre et des périphéries. Le centre travaillerait à l’approfondissement, puis intégrerait ultérieurement les marges lorsque celles-ci seraient prêtes…. A supposer qu’elles le veuillent.

Olivier Kempf


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Egea 3534 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines