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La fille qui avait failli se faire prendre en stop par le beau-frère d’Hermann Wilhelm Göring

Par La Chose

La fille qui avait failli se faire prendre en stop par le beau-frère d’Hermann Wilhelm Göring

Parce qu’une blogueuse populaire et glamour aime partager avec ses lectrices un peu simplettes quelques tranches de vie plus vraies que nature et qui se déroulent le plus souvent dans le hall du Hyatt Regency de Saint Barth’

Hier, on était à la plage.
C’était une très jolie plage, avec du sable blanc et de l’eau transparente, tout pareil que dans Le lagon bleu, même le débile mental aux cheveux blonds il était dans le décor, il faisait du scooter des mers en criant “Youhou!” à chaque passage près de la plage et il y avait plein de clones de Brooke Shields en bikinis qui se mettaient à braire en lui faisant des signes de la main et en sautant convulsivement sur le sable. Même quand le scooter a fait un passage tout seul, sans le garçon blond, les filles en bikinis elles ont sauté sur place en faisant “hiiiiiiiii !”, et heureusement que la grosse vieille dame à moustache qui était en train de gronder ses petits-enfants a regardé vers la gauche, sinon personne n’aurait vu le garçon blond en train de flotter entre deux bancs d’algues.
Quand les médecins sont repartis avec le garçon dans l’hélicoptère (ils ont eu du mal à décoller, rapport aux deux filles qui s’étaient agrippées aux patins de l’appareil), ça faisait déjà cinq heures que je coulais Phlegmon, que Frida carbonisait au soleil et que Loutre tournait les pages du Retour en terre de Jim Harrison (l’histoire d’un métis Chippewa-Finnois de 45 ans qui s’appelle Donald et qui souffre d’une sclérose en plaques, tout un programme pour un après-midi à la plage, moi je dis). Alors on s’est dit qu’il était temps de rentrer, surtout qu’avec le départ du garçon blond, il ne restait plus personne dont je pouvais ricaner à part la grosse vieille dame à moustache, mais comme elle était venue avec toute sa famille, j’ai compté le nombre de fusils chargés et puis je me suis dit que je faisais pas le poids.

Pour arriver jusqu’à la route, depuis la plage, c’est très facile: il y a une piste de douze kilomètres de cailloux, en plein soleil et très fréquentée par les guêpes. C’est pour ça que tout le monde vient avec un 4X4, et ça tombait bien parce que nous aussi, on était venus en 4X4, avec Loutre qui conduisait et Frida qui faisait trop bien le copilote. Au retour, c’était comme à l’aller, Loutre conduisait n’importe comment pendant que Frida criait “Ravine à gauche! Virage imminent!” comme un GPS qui aurait eu la voix de Micheline Dax en train de doubler le général Kala dans Flash Gordon. Il faisait très chaud et on avait un peu l’impression d’être dans un mixer géant, c’est pour ça que j’avais vraiment hâte qu’on arrive à la vraie route bitumée, la route normale avec les vaches dessus, les moutons morts sur le bas-côté et les auto-stoppeurs cagoulés.

A un moment, on a dû ralentir, parce qu’il y avait une très grosse voiture devant nous qui roulait vraiment pas vite, même moi j’aurais pu la dépasser en marchant avec un iPod sur les oreilles et une chanson déprimante d’Adèle en boucle.

- Qu’est-ce qu’il fout? a demandé Loutre.
- Accélère! a hurlé Frida, qui était vraiment dedans à fond.
- Je sais pas, j’ai dit, c’est pas un Français, y’a marqué “CH” sur sa plaque, ça veut dire quoi?
- Rentre-lui dans l’cul! a braillé Frida.
- “Coquillage Hallucinogène”, a dit Phlegmon.
- Plus vite! Plus vite! a dit Frida.
- “Confédération Helvétique”, a dit Loutre. C’est un Suisse.
- On s’en tamponne, défonce-le! a dit Frida.

Le 4X4 devant nous, il était gros comme un éléphant et tout neuf, avec plein d’autocollants exotiques partout (comme “Rallye de Neuchâtel” ou “Raid Aventure Genève – Zurich”). On a vite compris que le monsieur qui conduisait, et qui ressemblait un peu au héros de Supercopter en plus vieux, il voulait juste embêter tout le monde, vu qu’il y avait une file de voitures bloquées derrière nous à cause de lui. Loutre a bien essayé de le dépasser gentiment par la gauche, mais le monsieur a donné un grand coup de volant pour nous bloquer et on a failli se prendre un rocher. Après on a voulu dépasser par la droite, mais le monsieur a fait pareil et on a frôlé une clôture.

- Quel gros enculé, j’ai dit.
- La Chose! a crié Loutre.
- Mais quoi, c’est vrai! Il fait exprès juste pour nous emmerder!
- Plus vite! Plus vite! a braillé Frida.
- Je suis sûre que c’est un Suisse Allemand et que son père militait activement aux HitlerJugend!
- La Chose! a crié Loutre.
- Sale nazi! j’ai dit. Vive le chocolat belge!
- C’est quoi, un enculé? a demandé Phlegmon.

Au bout d’un moment, tout le monde s’énervait derrière nous, ça klaxonnait beaucoup et il faisait vraiment très chaud, et j’avais envie de faire pipi, et à la radio ils passaient Toma qui chantait Les bâtisseurs de France, et j’avais mal à la tête, et c’est à cause du mélange de toutes ces choses pas bonnes que j’ai un peu craqué, alors quand Loutre a fini par réussir à doubler le gros 4X4 du Suisse, j’ai ouvert ma vitre en grand et j’ai fait un doigt d’honneur très long et très visible.

- La Chose! a crié Loutre.
- Bah on s’en cogne, j’ai dit, regarde, on l’a laissé sur place, ce blaireau! Dans cinq minutes on sera sur la route pendant que lui, il sera encore comme un con à rouler à deux à l’heure et à mettre en rogne tous les automobilistes du coin.
- Imagine, si on avait une crevaison, a dit Loutre.
- Oui, et si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle, j’ai répondu.

C’est à peu près à ce moment-là qu’on a entendu un grand “PAF!” et puis un long “flêbflêbflêb”.

- Appelle ta tante, a dit Loutre, je pense qu’elle sera ravie d’apprendre qu’elle s’appelle Eduardo.

Après, ben on a essayé de changer la roue, bien sûr, mais comme c’était une roue de 4X4 et qu’elle était un peu grosse et un peu lourde, c’était pas facile, c’est pour ça qu’elle m’a échappé et qu’elle a roulé tout en bas de la falaise dans les ronces, et est-ce que c’est ma faute si la première voiture qui nous a rejoint c’était celle du nazi et qu’il a pas voulu s’arrêter pour nous aider?

Dans la nuit, quand on a fini par rentrer chez Frida (grâce à un cousin de la belle-sœur de son oncle par alliance, qui est chevrier, je te raconterai), on était un peu malades à cause de l’insolation, et puis on avait aussi des ampoules aux pieds et aux mains, et même aux fesses. Moi, j’étais vraiment très contente qu’on puisse enfin se poser, prendre une douche et manger, et j’ai proposé à tout le monde de faire une partie de Monopoly pour fêter ça, et juste après je me suis retrouvée avec Loutre au-dessus de moi qui serrait mon cou et Frida qui l’encourageait en criant “Plus fort! Plus fort!”.


Classé dans:A propos de la tourista, de la fièvre jaune et des crash aériens

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