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La montagne

Publié le 21 juillet 2012 par Litterature_blog

La montagne

Pancrazi © Gallimard 2012

Cette tragédie s’est déroulée Il y a 50 ans. Jean-Noël Pancrazi n’était qu’un enfant. La guerre d’Algérie touchait à sa fin. Les attentats se faisaient de plus en plus rares. C’était une après-midi calme de juin. A l’heure de la sieste, ses camarades étaient montés dans la camionnette de la minoterie. Lui avait préféré rester. Le frère du chauffeur habituel leur avait proposé de faire un tour dans la montagne. L’endroit leur était d’habitude interdit, trop dangereux. Ils étaient partis sans prévenir leurs parents, en secret. En fin de journée, les enfants n’étaient pas réapparus. C’est une patrouille militaire qui les a retrouvés. Les soldats ont redescendu de la montagne six petits corps égorgés. Le soir, on a entendu qui « s’élevait d’un balcon le cri d’un homme, d’un père, ce « Mon Dieu », d’abord presque doux, emporté par les larmes, puis de plus en plus concentré, dur, précis, acéré, métallique, comme s’il voulait atteindre, poignarder à son tour ce Dieu en question qui, sans rien dire, avait regardé en plein jour, des hommes tuer des enfants dans la montagne. »
Douloureux retour en enfance pour Jean-Noël Pancrazi. Sans doute le besoin d’exorciser une fois pour toutes cet abominable événement qui a marqué ses jeunes années. Seul rescapé du massacre, il en vient à culpabiliser. Dans les jours qui ont suivi, la répression militaire fut terrible dans la région. Puis, après la signature des accords d’Evian, il fallu se résigner à quitter cette terre qui l’avait vu naître. L’auteur n’élude pas les exactions et les violences. Le pied noir, à jamais déraciné ne sombre à aucun moment dans la haine. Condamné à l’exil, il décrit l’arrivée en France, le rejet auquel il est confronté dans un lycée de Perpignan. Il revient également sur le destin brisé de ses parents qui ne se remettront jamais vraiment de leur départ forcé.
Un livre court, terrible et profondément humain. Chaque phrase est d’une incroyable longueur. Les mots, uniquement séparés par des virgules ou des points virgules, semblent collés les uns autres, comme si les séparer reviendrait à les isoler et les mettre en danger. La prose reste malgré tout fluide, riche d’images et de sensations. Plus remarquable encore, le fait que Jean-Noël Pancrazi ait réussi le tour de force de laisser son texte à l’écart de toute rancœur. Tout simplement magnifique.
La montagne de Jean-Noël Pancrazi. Gallimard, 2012. 90 pages. 10,00 €.


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