Magazine Société

« Transform 2015 »

Publié le 30 juillet 2012 par Toulouseweb
« Transform 2015 »Air France en crise profonde mais confiante.
Le transport aérien est en perpétuelle mutation et, chaque fois qu’il se retrouve à la croisée des chemins, Air France est violemment secouée par une succession de crises internes, pour l’essentiel d’origine syndicale. Précipitée dans les turbulences, confrontée à une situation financière qui suscite les plus profondes inquiétudes, la compagnie compte sur le plan de restructuration «Transform 2015» (1) pour remonter la pente et recouvrer une bonne santé.
Bien entendu, rien ne se passe comme espéré, encore que les jeux ne soient pas encore faits. Très exactement 5.122 suppressions d’emplois sont prévues, dont un peu plus de 1.700 grâce à des départs naturels. Des incitations sont prévues, le temps partiel pourrait être instauré, des mesures dites d’accompagnement proposées. Deux inconnues de taille subsistent, à savoir les conséquences du mécontentement exprimé par le personnel navigant commercial et la perplexité des pilotes (une consultation est en cours), tout au moins ceux affiliés au syndicat largement dominant, le SNPL. D’autres ont d’ores et déjà exprimé un rejet inconditionnel des réformes, à savoir les membres du SPAF, il est vrai très minoritaire.
L’essentiel n’est pourtant par là. Il convient plutôt de retenir que les personnel navigants, pilotes et PNC, n’ont pas vraiment pris la mesure de la gravité de la situation très mauvaise d’Air France : la compagnie est fragilisée, elle perd beaucoup d’argent (plus de 800 millions d’euros en 2011), elle est couverte de dettes, n’achète plus d’avions mais cherche audacieusement à couper dans ses coûts de manière à redresser la barre en deux ans. C’est la quadrature du cercle, d’autant que certains dossiers n’ont pas encore été traités, d’autant plus délicats qu’ils correspondent à des héritages lointains que beaucoup considèrent comme intouchables.
Lundi, Air France-KLM a annoncé une perte nette de 1,26 milliard d’euros pour le premier semestre, qui en dit long sur ses difficultés. A noter, cependant, que le montant une provision de 368 millions couvrant les frais de restructuration de Transform 2015. Les difficultés conjoncturelles mises à part, Philippe Calavia, directeur financier, a souligné à quel point «les prix du carburant sont frénétiques». Jean-Cyril Spinetta, président du groupe et Alexandre de Juniac, président d’Air France, chacun à sa manière, ont fait preuve d’une forme subtile de neutralité confiante pour commenter des résultats semestriels tout simplement détestables.
Le «pôle» régional (Britair, Regional, Airlinair), qu’il est question de rassembler (le terme n’a pas été explicité) devrait de toute évidence conduire à une intégration pure et simple, c’est-dire à une triple fusion que des susceptibilités locales refusent d’envisager. Dans l’immédiat, il va perdre une vingtaine d’avions, la flotte devant dorénavant être utilisée de manière plus intense. Dans un autre registre, les PNC ont toutes les peines du monde à n’être que trois sur A319, et non plus quatre. D’autant qu’Air France continue de croire sincèrement que ses passagers court-courriers sont incapables de survivre pendant 50 minutes de vol sans lecture gratuite, sans café généreusement offert, sans parler des galettes de Pont-Aven qui font les miettes les plus pernicieuses du transport aérien contemporain.
Quoi que disent le SNPL, l’UNAC, l’UNSA, le SNPNC ou des figurants comme le SPAF, cette-fois, l’époque des zones de turbulences gérées par Bernard Attali, Christian Blanc et leurs successeurs sont entrées dans les livres d’histoire comme des épisodes embarrassants, sans plus. Le monde a changé, rien n’est tabou, tout est possible, même le pire. Les dossiers Swissair, Air Littoral, AOM-Air Liberté, Sabena, Malev, BMI Baby, Spanair, etc., ont été trop vite oubliés. Un ministre disait à juste titre, il y a quelques mois, que «même les compagnies aériennes sont mortelles» (non, ce n’était pas Thierry Mariani !) Dès lors, il n’est plus iconoclaste d’imaginer que la crise actuelle d’Air France finisse par conduire au dépôt de bilan. Pour la première fois depuis la création de la compagnie en 1933, un aboutissement qui serait tout simplement honteux.
La «nouvelle Air France» qui serait constituée le lendemain matin serait sans doute capable d’affronter les low cost sur un pied d’égalité, en s’inscrivant d’entrée dans un monde qui n’est plus celui d’avant Ryanair et EasyJet, dans lequel les petits cafés gratuits ont disparu, un monde de pilotes qui volent 800 heures par an, qui ne s’évertue plus à se poser en concurrent du TGV, qui accepte une fois pour toutes d’entrer dans une ère nouvelle dont il est suicidaire de nier les exigences. Bien sûr, pour ceux qui sont suffisamment âgés pour l’avoir connu et apprécié, nous préférions le transport légèrement élitiste de l’essor, des grands moments, des promesses, celles des premiers Airbus, de Concorde, d’hôtesses distinguées habillées par de grands couturiers. C’en est fini, bien fini. Même les esprits dubitatifs, les nostalgiques, les opposants, les syndicalistes, tous devraient se faire une raison et l’admettre. Sans quoi, bientôt, le choix des voyageurs aériens se limitera à Ryanair, EasyJet et Emirates.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Air France aime franglais et barbarismes

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine