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Exposition « Sacré blanc ! », autour de Thomas Gleb

Publié le 31 juillet 2012 par Savatier

Exposition « Sacré blanc ! », autour de Thomas GlebThomas Gleb (de son nom de naissance, Yehouda Chaïm Kalman, 1912-1991) aurait eu 100 ans cette année. Il fait partie de ces artistes que l’aventure humaine rend attachants autant que l’œuvre. Né à Lodz, en Pologne, dans une famille de tisserands, il apprit ce métier, tout en se consacrant au dessin et à la peinture. Comme beaucoup de peintres de sa génération, c’est à Paris qu’il se rendit, en 1930, pour travailler et se mêler à ses pairs. Engagé dans l’Armée française lors de la deuxième guerre mondiale, puis dans la Résistance juive, il fut arrêté par la Gestapo et déporté. Il put toutefois s’échapper du train qui le conduisait en Allemagne. Thomas Gleb fut donc un rescapé. Il y a, chez lui, une dimension qui rappelle celle de certains héros des romans de Romain Gary.

Mais, si faire partie des rescapés, presque des miraculés, change sans doute le regard porté sur le monde et son propre destin, cette expérience ne transforme personne en artiste de premier plan ; le talent doit animer le créateur et ce talent, Gleb n’en fut pas dépourvu.

Exposition « Sacré blanc ! », autour de Thomas Gleb
Il est intéressant de suivre son parcours, de mesurer les évolutions de son œuvre. Le musée Jean Lurçat d’Angers, qui conserve des peintures et des tapisseries réalisées depuis les années 1940, offre au visiteur cette opportunité. Les premières toiles s’affichent en couleur, comme ce Marché polonais qui plonge le spectateur dans une représentation naïve du monde juif ashkénaze qui n’est pas sans rappeler l’univers des peintures de Chagall des années 1914-1920. D’autres œuvres, de la fin des années 1940, le rapprochent du Picasso pré-cubiste ; les années 1950, passées en Pologne, sont marquées par des variations sur le cirque, le thème du coq (et quelques productions officielles dans le – mauvais – goût néo-réaliste stalinien qui n’étaient, heureusement, qu’alimentaires). Avec les années 1960, s’opère une rupture ; les graphismes s’épurent, se rapprochent, au gré des créations, de Klee, Miro ou Fontana. Progressivement l’artiste, renouant avec sa formation première, choisit comme support le textile, la tapisserie. L’œuvre de Thomas Gleb s’affirme alors dans toute son originalité ; colorée d’abord, sa dimension spirituelle s’accroît au fur et à mesure qu’il s’installe dans la monochromie. Comme Soulages expérimente le noir, Gleb donne sa pleine vigueur dans le blanc – les blancs, devrait-on dire, à partir des années 1970.

C’est à la richesse de ce parcours, et surtout de ce blanc parfois contrarié de quelques notes colorées, qu’est consacrée l’exposition Sacré blanc ! Hommage à Thomas Gleb qui a lieu au musée Lurçat d’Angers jusqu’au 18 novembre 2012.  Une cinquantaine d’artistes y exposent leurs créations, toutes orientées vers le blanc et le sacré. Visions étranges, complexes, inquiétantes, magiques, totémiques qui font appel à la céramique, à la photographie, à la sculpture, à l’impression, à l’installation, à la broderie et, bien sûr, à la tapisserie.

Exposition « Sacré blanc ! », autour de Thomas Gleb
Il est difficile de rendre compte des œuvres de cinquante artistes aux inspirations très variées ; il convient donc, pour en prendre la pleine mesure, se rendre sur place, d’autant que l’aspect tridimensionnel de la plupart ne peut vraiment s’apprécier qu’in-situ. Citons toutefois la curieuse robe longiligne d’Olga Boldyreff (La Conquête de la couleur),  les étonnantes silhouettes de Jean-Marc Cérino (Savoir c’est se souvenir), l’installation murale de Majida Khattari (Les Houris), le Virus d’Angélique et les Palpitations de porcelaine ou de feutre de Martine Schildge, sans oublier le Manteau de crânes multicolores en tapisserie et perles de Jon-Eric Riis, qui renoue dans sa facture avec la tradition des robes de cour chinoises.

Autant d’œuvres qui, dans une complice confrontation avec celles de Thomas Gleb, démontrent que le blanc n’a rien de fade, de neutre, mais se décline pour exprimer une gamme insoupçonnée de nuances.

Les artistes présents sont : Absalon, Amande In, Angélique, Artémis, Fabienne Auzolle, Olga Boldyreff, Anne-Lise Broyer, Monika Brugger, Jean-Marc Cérino, Monique Chapelet, Muriel Crochet, Cécile Dachary, Baptiste Debombourg, Marie-Noëlle Décoret, Marie-Noëlle Fontan, Jill Galliéni, Bernadette Genée et Alain Le Borgne, Josep Grau-Garriga, Marie-Ange Guilleminot, Daniel Henry, Françoise Hoffmann, Patrice Hugues, Majida Khattari, Nadine Lahoz-Quilez, Maria Loizidou, Marie-Rose Lortet, François Marcadon, Annette Messager, Françoise Micoud, Molénac, Cécile Monteiro-Braz, Catherine Noury, Roman Opalka, Philippe Parrot Lagarenne, Frédérique Petit, Christine Peyret, Simone Pheulpin, Denis Polge, Françoise Quardon, Jon-Eric Riis, Magali Rizzo, Nadia Sabourin, Yves Sabourin, Thomas Salet, Marjolaine Salvador-Morel, Mylène Salvador-Ros, Martine Schildge, Skall, Maïté Tanguy, Dominique Torrente, Kimiko Yoshida.

Illustrations : Thomas Gleb, Trace orange, 167 x 200, 1968, acrylique et enduit sur toile, Coll.musées d’Angers © Musées d’Angers, photo Pierre David – Olga Boldyreff La conquête de la couleur, dimensions variables, environ 270 x 300, 1996-2009, crochet et tricotin, Coll. artiste © Yves Sabourin – Angélique, Virus, 39 x 39 x 39 (avec le caisson), 1997, organdi cousu, Coll. Artiste, © B. Debombourg – Jon-Eric Riis, Manteau de crânes multicolores en tapisserie et perles, 86 x 167 x 4, 2009, tissage sur métier basse-lisse et broderie perlée, fils de laine, lurex, perles de corail et d’agate, Coll. artiste, courtesy galerie « Myrna Myers », Paris © Yves Sabourin.


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