Magazine Humeur

Berlin, cinq ans après

Publié le 07 août 2012 par Vinsh

Berlin, cinq ans après
Et donc depuis dimanche je suis à Berlin. J'étais déjà venu il y a cinq ans et j'avais vraiment adoré la ville (rien à voir avc le fait que je sortais avec un allemand à l'époque, hein), qui reste une expérience urbaine assez unique en son genre, avec sa diversité culturelle, architecturale, ses bouts d'Histoire collés partout, son visage marqué par la guerre, ses communautés variées qui coexistent tranquillement... J'y avais passé une semaine, avec l'impression confuse d'être resté beaucoup plus longtemps, et surtout que j'aurais pu rester encore sans m'ennuyer. D'où une certaine idéalisation de la ville depuis cette époque encore toute proche mais pourtant si lointaine.
Cette fois-ci, les choses sont différentes, vu que je ne suis plus étudiant, que je ne suis pas venu avec des copains mais seulement avec l'Homme et que, par la force des choses, je me retrouve dans le rôle du guide. De nous deux, je suis à la fois celui qui connaît Berlin, et le seul qui parle très vaguement l'allemand. On aura tout vu, en somme. Et on est mal barrés, aussi. Je "découvre" également le Berlin gay, puisque j'y avais assez miraculeusement échappé lors de mon premier séjour.
Notre première journée a été consacrée à l'installation et aux premières bribes de tourisme, mais on n'a pas fait long feu parce qu'on était crevés. Mais le soir, vu que notre hôtel (un hôtel vaguement payday sur les bords, avec un sauna, des photos de mecs en slip partout et des écriteaux "Please Disturb" à poser sur la poignée de la porte de la chambre, si jamais tu veux avoir des ennuis avec l'homme de ménage) est en plein quartier de Schöneberg, on lange dehors et on commence à prendre connaissance des us et coutumes de ce qu'on appelle la plus grande communauté gay d'Europe.
Bon, alors pour commencer, mon premier guide dans ces contrées inconnues aura été, au moins au début, un post datant de 2004, du décidément indispensable Matoo. Et même si des choses ont changé, et des enseignes probablement disparu (je suis assez naze pour retrouver ce que les guides indiquent par écrit mais sans carte et GPS incorporé), il y a encore pas mal de vrai dans ce qu'il y racontait : la Fuggerstraße en rue Sainte-Croix de la Bretonnerie de Berlin, et la Motzstraße qui serait un peu la rue des Archives aussi ; les établissements aux devantures discrètes, et ceux qui affichent carrément la couleur (et les accessoires) en vitrine, les bars, les sex-shops, les hôtels complètement payday, les Noël Mamère partout... C'est à la fois étrange (car assez inhabituel pour un français) mais aussi amusant de voir un petit square tranquille jouxter une gentille animalerie et un magasin d'accessoires bondage, avec des couples gays (allant du twink au daddy bear avec option SM) croisant des étudiants et des mamies. Car contrairement au Marais parisien, l'ensemble a un vrai côté "petite ville de province", avec au final assez peu d'établissements dédiés à la consommation ou aux marques, malgré une belle concentration d'enseignes et de lieux dits "gays". Il y a pas mal d'immeubles de résidence, et même un Kindergarten, dans la Motzstraße, juste en face d'une boutique de slings.
Berlin, cinq ans après
Je me faisais la réflexion que c'était probablement une approche assez saine, dans le sens où 1/ des enfants de 2-3 ans ne doivent rien capter de toute façon, et 2/ après tout, ce n'est pas sale, non plus. Mais je dois avouer que je suis quand même content d'être là "en touriste". Déjà qu'à l'année, à Paris, je me sens moyennement adapté au "milieu" et à ses codes, je crois que je finirais par être désarçonné par le milieu gay de Berlin, avec ses sosies de Noël Mamère partout, ses michetons turcs de 19 ans qui draguent des vieux moches, ses appels du pied des communautés "subcultures" (qui prennent clairement le lead à Berlin - hard, tecno, SM, bears) visibles partout, ses postures anti-hypocrites sur le cul "frontal" (franchement, nos yeux de biches et autres ronds de jambe de la drague parisienne, je les aime bien, même si c'est du fake courtois ; j'aurais plus de mal à rester romantique si une vitrine présentait à côté de moi aux yeux de tous les pratiques et accessoires que je vais utiliser d'ici une heure ou deux dans mon pieu avec ma nouvelle conquête), ses voisines mamies à la bienveillante indifférence... 

Berlin, cinq ans après

Ils sont pas trop mignons, ces oursons en sling ?


Si le "milieu" parisien est si propret, aseptisé et dédié au Dieu Shopping, c'est peut-être parce que les parisiens sont ainsi. Si le milieu berlinois est si cash, détendu et canaille, c'est peut-être parce que les berlinois sont ainsi. Ce doit être parce que je suis français, mais je crois que vivre dans un milieu comme celui-ci finirait par déteindre sur moi, sur mes fréquentations, sur mes pratiques sexuelles, ne serait-ce que par pression sociale. Et franchement je ne crois pas que je tiendrais la candence apparemment autoproclamée de dextérité, voire de frénésie sexuelle que semblent promettre les très fun spots gays berlinois en matières de bondage, de fist ou de sex-toys divers. La figure du gay consumériste qui s'affiche beaucoup par ses actes de consommation (et un peu aussi par l'esbroufe sur sa vie sexuelle) a apparemment fini par déteindre un peu sur moi. Normal, probablement. Mais s'il s'agissait d'avoir Le Dépôt à côté de ma boulangerie, du café du coin et d'un sex-shop spécialisé dans les masques de soumission, je ne sais pas si j'aurais assez de gueule, au quotidien, pour laisser croire que tout cela reflète mon existence. 
Tous les touristes français semblent s'extasier du côté marrant, détendu du gland et assez ouvertement trash du milieu gay berlinois. Facile à dire quand on est touriste. La différence culturelle fait que, pour la plupart d'entre nous, assumer un milieu si "marrant" au quotidien  ne serait certainement pas aussi simple. Un milieu est aussi l'addition de ceux qui le constituent. Pas sûr que si on installait tous les gays parisiens à Schöneberg, ils troqueraient facilement leurs boutiques La Prairie ou American Apparel, ou leur Latina, contre le Jaxx, le Connection ou Sling King...

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Vinsh 654 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines