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Explorateurs de l’abîme de Enrique Vila-Matas (épisode 1)

Publié le 25 mars 2008 par Caroline

9782267019674.gifL’une des nouvelles les plus remarquées du dernier livre de Vila-Matas s’intitule “Parce qu’elle ne l’a pas demandé”. Pour simplifier, je dirais qu’elle met en scène l’auteur et la plasticienne Sophie Calle.
Extrait :

Nous nous sommes donné rendez-vous au Flore le 27 décembre à midi. (….) Je suis allé au rendez-vous un peu inquiet, me demandant où elle voulait en venir, si ce qu’elle pensait me proposer ne serait pas bizarre ou dangereux. Pour me donner de l’assurance, je suis entré dans un bar voisin du Flore, le Bonaparte, et là, debout, j’ai bu d’un trait deux whiskies en moins de cinq minutes au comptoir, comme au Far West. Je suis sorti lentement du Bonaparte (il était midi moins dix) et je me suis arrêté devant la vitrine de la librairie La Hune, à dix mètre du Flore.La traduction en français d’un de mes romans y était exposée, mais je ne l’ai pas regardée parce que j’étais très préoccupé par ce qu’allait me dire Sophie Calle.
Soudain, un homme petit et à l’allure nord africaine m’a demandé très poliment s’il pouvait parler avec moi un moment. Je me suis dit qu’il voulait me demander de l’argent, irrité qu’il m’ait fait perdre ma concentration.
“Excusez-moi, mais je vous ai observé et je voudrais vous proposer de vous aider”, a dit l’homme. Et il m’a remis, écrite à la main sur un bout de papier arraché à un petit bloc, une adresse d’Alcooliques anonymes. Il m’avait suivi depuis Le Bonaparte. J’ai été incapable de lui répondre. J’avais envie de lui dire que je n’étais ni alcoolique ni anonyme. De lui expliquer que je ne buvais pas autant que le laissait supposer les apparences, d’ajouter que je n’étais pas exactement une personne anonyme et de lui montrer le livre de moi qui était dans la vitrine. Mais je n’ai rien dit. J’ai rangé l’adresse dans une poche de mon pantalon et essayé de ne pas entrer tête basse et penaud dans le Flore.
J’ai aperçu immédiatement Sophie Calle parmi les clients. Elle était arrivée en avance et s’était assise à une table bien placée. Je lui ai demandé respectueusement l’autorisation de m’asseoir. Elle a souri et me l’a donnée.


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