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retour aux vaches

Publié le 16 août 2012 par Hoplite

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Pas de panique, j’ai juste pris quelques jours de repos en phalange, loin de la foule et de la chaleur…comme chaque année, d’ailleurs.

Petite course matinale au pied du Charvet, seul et heureux, au milieu des torrents, des prairies d’alpages, des gentianes et des saponaires, des biquettes à cornes regardant en l’air et des clarines le museau en bas, sifflements des marmottes à mon approche, sommets déchiquetés accrochés par les nuages, souffrance physique modérée (rien de commun avec celle d’un Kröger dans son village oublié), petite pause sur un éperon rocheux au pied d’un buron (toujours le même) prés duquel je passe l’hiver à ski, le bruit en bas du torrent, la paix enfin. Pas vu mon berger avalin lecteur de Marc-Aurèle dont j’ai déjà parlé ici, ses vaches mais pas lui. Me rappelait un guide des Bossons que j’avais suivi quelques étés, jeune et beau, physiquement assez prés de l’Apollon du belvédère^^ et en lequel j’avais une confiance aveugle (à raison, j’avais 16 ans) : le genre de mec capable de me faire retrouver le sourire dans une paroi merdique et gazeuse sur une ou deux petites arrêtes rocheuses et « assuré » par un ou deux spits auto-bloqueurs qui ne me rassuraient qu’à moitié. Un jour on avait fait une voie facile partant de la vallée blanche et montant à l’aiguille du Midi (voie des Cosmiques pour les connaisseurs), facile mais impressionnante car exposée et débouchant sur la plate-forme d’arrivée du téléphérique (avec le spectacle habituel des touristes asiatiques qui te shootent à l’arrivée alors que tu fais une école d’escalade lambda…ça fait du bien à l’ego, ha ha). Bref, on avait fini par devenir potes et il m’avait invité à boire une mousse chez lui dans sa ferme aménagée (sorte de grange retapée avec du bois partout, des cordes d’escalade au plafond, des posters d’Alpirando avec Edlinger aux murs, un vieux frigo –genre frigidaire- rempli de packs de kro…une vie tranquille avec sa copine, une espèce de bombasse aux yeux verts et cheveux noirs, à mon avis experte dans toutes les techniques de verrouillage pelvien et que je ne quittais pas des yeux (au risque de souiller mon 501). Aucune chance de pouvoir se prévaloir d’une quelconque éthique de la virginité, celle-là. Ouais, ils étaient beaux tous les deux et devaient le savoir ; j’ai souvent remarqué que les gens beaux –et conscients de l’être- étaient gentils, un peu comme s’ils voulaient se faire pardonner cet excès de considération divine ? Mouais.

Revu Jeannette, ma voisine Corrézienne (qui vit passer les maudits de Das Reich en 44), dans sa ferme, au milieu de ses poules, de ses lapins et de son potager luxuriant : la même blouse bleu hors-d’âge reprisée mille fois, le visage tanné par le soleil et marqué de grosses rides, les mêmes verres Duralex, la même toile cirée fixée par des petits clous à la table, la même grosse boite de biscuits, les potins du canton, des nouvelles de son petit (mais terriblement efficace car simple) monde champêtre. Le genre de parenthèse hors du monde qui me permet de recentrer mon jugement et d’affronter le démon quotidiennement, et ses figures grimaçantes à la BHL. Toujours vivant l’apôtre! Et si terriblement nuisible.

« Constamment, comme je marche dans les rues, je ne peux m’empêcher de lever les yeux vers les fenêtres pour repérer celles dont on pourrait faire de bonds nids de mitrailleuses. »

G Orwell cité par Simon Leys (Le studio de l’inutilité, 2012)

Cher, cher Eric Blair, je pensais être le seul à me faire régulièrement ce genre de réflexion (quitte à m’interroger sur ma santé mentale, entouré que je suis de festivus progressistes persuadés de ne point avoir d’ennemis, dès lors qu’ils ne s’en désignent pas -comme le dit si bien Freund- et consternés de me voir de temps à autres nettoyer consciencieusement mes armes ou aller au stand de tir), et bien non. Bon, le Londres des années 40 (où la perspective d’une invasion allemande était bien réelle) n’est pas la France de François Normal mais ce genre de préoccupation singulière me parait bien naturelle dès lors que l’on ne perd pas de vue cet horizon de la guerre (dont parle Venner) que seuls les occidentaux ont oublié, au moins depuis 45.

Le bruit des cloches et des torrents ne m’empêche pas d’entendre la petite musique habituelle des guerres impériales servilement relayée par la diplomatie française et ses sayanims fidèles (BHV ou Fabius (dont le patronyme fut emprunté à un général romain par un de ses ancêtres), par exemple mais pas seulement). Serbie, Irak, Kosovo, Libye, Afghanistan, maintenant la Syrie, sans doute demain l’Iran : derrière la propagande en forme de « protection des populations civiles » ou de « promotion des droits de l’homme » ou de la « démocratie » s’avancent sans trop se cacher les VRP d’Halliburton et les mercenaires de Blackwater…toujours le même scénario et la même volonté inflexible de garder l'hegemon. Ordo ab chaos?

A suivre.


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