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L’appel de la Tunisie: Bien au-delà des positions « antérévolutionnaires »

Publié le 22 août 2012 par Naceur Ben Cheikh

Depuis quelques semaines,  l’on assiste à l’effritement à vue d’œil de la légitimité électorale de l’organisation terroriste d’Ennahdha, au pouvoir, au pays de Bourguiba. Mais ce qui se révèle dépasse de loin  le constat d’incompétence de la bande à Ghanouchi  et son incapacité  à se convertir en parti politique responsable. Incapacité dont  l’échec de son congrès constitutif  de juillet dernier vient d’en administrer la preuve.L’appel de la Tunisie: Bien au-delà des positions « antérévolutionnaires »

Ce à quoi nous commençons à assister, témoigne d’un fait que j’avais souligné il y a plus d’une année et qui se rapporte à la nature « antérévolutionnaire » de tous les partis politiques, au pouvoir et d’opposition  du temps de la dictature de Ben Ali. On oublie souvent qu’un régime en place et l’opposition qui lui est contemporaine  (qui cherche à l’évincer du lieu du pouvoir ou bien à l’obliger à le partager) , participent tous du même horizon politique. Et la caution que les partis d’ »opposition de sa Majesté » apportait au régime de Ben Ali est semblable à la légitimité que le pouvoir, par ses pratiques répressives, créditait ceux qui en étaient les victimes. En conséquence de quoi, l’on peut dire que jusqu’ici, la classe politique dans son ensemble, n’a pu voir dans ce qui est arrivé le 14 Janvier 2011, qu’une manne inespérée de vacance de pouvoir, au point où tout le monde était devenu absolument aliéné par le désir irrésistible de prendre la place de Ben Ali. C’est ce qui explique, en partie, la facilité déconcertante avec laquelle Ghanouchi, comme Ben Ali en Novembre 87, a pu, aux moindres frais d’imagination, rafler la mise. L’épreuve des élections démocratiques a montré qu’à l’origine du succès relatif d’Ennahdha, comme Essebsi en fera l’analyse, il y a d’abord l’indifférence de cette majorité silencieuse mythique, à laquelle Mohamed Ghanouchi a fait allusion le jour même où il en avait donné  l’exemple, en démissionnant.

Les sociologues vous diront qu’il s’agit de la classe moyenne dont la participation à la marche de l’économie et à la reproduction des compétences permet à la Tunisie de Bourguiba de continuer à résister, malgré le racket dont elle est l’objet depuis plus de deux décennies, de la part du clan Ben Ali, relayé depuis une dizaine de mois, par le clan, encore plus vorace, de Rached Ghanouchi. Quant aux électeurs « provisoires » d’Ennahdha, on peut les ramener aux exclus de la croissance que le mode de production d’économie libérale, parasité à souhait par un secteur informel d’économie parallèle, fait d’eux une masse mobilisable, non pas contre un régime en particulier, mais contre l’ensemble de la société dont ils se sentaient n’être que les laissés pour compte. Témoignent de la qualité  de  ces eaux troubles dans lesquelles  les activistes de quartier d’Ennahdha, sont allé pêcher les voix qui on fait accéder leur organisation terroriste au pouvoir, la radicalisation antisociale des militants actifs d’Ennahdha, que le Congrès de Juillet n’a fait que révéler au grand jour, d’un côté et de l’autre la désaffection annoncée de ceux aux yeux de qui Ennahdha n’a pas tenu ses promesses de les dé-marginaliser au plus vite. Ces derniers n’ayant pas assez de maturité politique pour comprendre la nature aléatoire de tout programme politique à vocation  électorale.

Ennahdha et ses acolytes semblent conscients des dangers objectifs que représente pour leur avenir, la continuation du processus démocratique, inauguré avec courage par le gouvernement d’Essebsi. Et étant donné le fait que les trois « partis » en question ne sont en réalité que des regroupements de sociétaires d’une entreprise hasardeuse où chaque actionnaire  va exiger, d’avance, sa part des dividendes, l’on peut observer  que chacun,   selon son mode de formation politique, est entrain d’exprimer son « sentiment de panique » à sa manière.

Ainsi, face à leur avenir de plus en plus incertain, malgré ce qu’en disent les sondages qu’ils sont les premiers à ne plus croire, Marzouki et sa bande, se réfugient dans un discours fou de sa nature utopique et non pas seulement de la folie du Résident, (pas Général du tout) du Palais de Carthage . Alors qu’Ettakatoul de Ben Jaafar  semble fondre à vu d’œil, par le fait de  son abandon par ses propres motakattilin. Quant à Ennahdha, tout indique qu’elle compte désormais revenir à ses pratiques terroristes, pour continuer à faire main basse sur un beau pays que Ghanouchi voudrait « livrer nu » au plus offrant, parmi les plus nantis de « ses ancêtres les bédouins » comme dirait le regretté Salah Garmadi . Et ce, au grand désarroi d’un Mourou, emporté par ses atermoiements et d’un Ali Laarayedh, par son extrême prudence, peut-être parce qu’il en sait trop sur une organisation dont il ne peut facilement se désolidariser, alors que ses collègues au centre effectif de décision ne semblent  pas le ménager, en faisant tout pour le rendre moins crédible.

Face à cette panique dont Ennahdha et ses acolytes font preuve, les autres prétendants au pouvoir de Ben Ali qui font fonction, depuis le 23 Octobre 2011 d’opposition minoritaire, n’ont pas l’air, du tout, de paniquer , parce que apparemment remotivés dans leurs désir de pouvoir, par cette chute  annoncée d’un gouvernement que son incapacité à gouverner condamne à court terme. Et après s’être contenté, jusqu’ici à faire de l’ »antinahdha  primaire » et sentant que la voie d’accès au pouvoir est de nouveau passante, ils commencent à revenir à leurs positions de départ, comme si de rien n’était…au risque  de faire profiter  le clan Ghanouchi, encore une fois, de l’ éparpillement de leurs voix. L’aveuglement dont ils font preuve, aggravé par la sournoise récupération « spectaculaire » des compétences corrompues de l’Administration Ben Ali, qui donne des espoirs de recyclage à certains, s’explique, selon moi, par le fait que, dans sa majorité, la classe politique tunisienne n’a pas encore réalisé l’importance du séisme politique du 14 Janvier 2011. C’est dans ce sens que j’ai commencé mon analyse par l’introduction d’un néologisme, en qualifiant tous les partis politiques actuels qui se présentent comme tels, avant et après la fuite de Ben Ali, d’ »antérévolutionnaires ».

Ce n’est pas donc pas un hasard que ce soit un vieux retraité de la politique qui n’avait pas participé  à la course à la succession de Bourguiba, comme Mestiri  Mzali, Guigua, Sayah, Baccouche, pour ne parler que des plus crédibles parmi les politiques, qui a réussi à faire le diagnostic le plus objectif, de la situation provoquée par la chute imprévue, même si elle était largement désirée par tous, de la dictature de Ben Ali. Je continue, à croire que si Béji Caïd Essebsi à réussi à transformer le Rassemblement de Monastir, voulu au départ bourguibiste, en Appel de la Tunisie, c’est grâce à sa qualité d’homme d’État, se qualifiant lui même de grand serviteur de son pays, sans ambition aliénante de volonté d’accéder au pouvoir suprême. Une attitude que je pourrais supposer proche de celle de feu Bourguiba Junior, conforté par un sentiment de « suffisance digne » d’un Tunisois qui a toujours considéré Tunis comme  la capitale d’un pays qui en porte le nom et non la capitale d’une quelconque dynastie, fût-elle celle des Husseinites. Des Tunisois, qui ne sont pas nécessairement des « béldis », j’en connais d’autres, en particulier, un vieux résistant, condamné à mort pour avoir été impliqué dans l’exécution de Ezzedine Bey, devenu un ami proche depuis que je l’ai connu à la Maison du Parti à la Kasbah vers le début des années 80. Je viens de nommer Salah Bouderbala, qui durant, la période Ben Ali a été l’objet d’un véritable harcèlement, en vue de le déposséder d’un terrain auquel il avait eu droit, comme tous les anciens grands résistants.

Tout cela pour expliquer que le dépassement de la période « antérévolutionnaire » n’est  conditionné, ni par l’âge ni par la classe sociale  de celui qui s’en montre capable. La mauvaise foi de ceux qui sont entrain de s’attaquer à l’Appel de la Tunisie, en dénigrant son vieux fondateur rassembleur, témoigne, en fait de la panique qu’ils ressentent à leur tour de se voir historiquement classés, comme un dossier que l’on ferme, par des hommes politiques expérimentés, jeunes et moins jeunes mais qui ont, jusqu’ici, préféré rester en retrait par rapport au devant la scène politique tunisienne.

A nouveaux horizons, visions nouvelles et pas nécessairement hommes nouveaux que l’on veut « nés après la Révolution »  et dont les points positifs au niveau de leurs histoires individuelles, se réduirait à leur opposition  aux hommes et aux femmes qui ont accepté de mettre leurs compétences au service de la Tunisie, au-delà de leur attitude à l’égard du pouvoir en place. Mais, par contre, à nouveaux horizons et visions nouvelles, des structures d’action politique différenciées.

Il y va des moyens d’organisation de l’activité politique comme des organes d’un corps vivant ou bien de la structure d’une machine. même si le mécanique n’appartient  pas au même ordre de penser que l’organique. Dans les deux cas, c’est la fonction qui justifie l’organe (le mode d’organisation) et l’explique. En refusant d’abandonner son mode d’organisation à vocation terroriste, Ennahdha fonctionne aujourd’hui comme un instrument de destruction systématique de l’État qu’il est sensé  servir. Les designers, autant que les gestionnaires d’entreprises vous diront qu’il est question d’ergonomie et les biologistes philosophes,  évoqueront le mode de fonctionnement de l’Intelligence Suprême de Dame Nature.

Lors de son passage à la télévision, pour présenter l’initiative de Béji Caïd Essebsi, Taïeb Baccouche avait annoncé en termes on ne peut plus clair, que l’Appel de la Tunisie, n’aura pas le même mode de fonctionnement que les autres partis. Car il s’agit en toute vraisemblance d’une approche fondée sur le concept de  participation et non sur une activité politique dont la finalité serait de faire accéder aux charges du pouvoir politique et administratif, les membres du parti qui réussira à devenir majoritaire. Cet ancrage de l’activité politique dans la participation induit par la même dans une attitude d’engagement désintéressé  qui ne va pas sans rappeler  la motivation des militants de la lutte de libération nationale.

Ce qui me permet de conclure sur  cette même déclaration de Taïeb Baccouche à laquelle je viens de faire référence, en  en  rappelant le commencement, lorsque l’ancien Secrétaire général de la Centrale Syndicale annonce que la Tunisie est en danger et qu’il voudrait participer à la sauvegarde de ses  acquis  et de son indépendance menacées et qu’il le fera à partir de n’importe quel niveau de responsabilité. On ne peut être plus clair quant à la vocation authentiquement révolutionnaire de « l’Appel de la Tunisie ». L’activité de résistance est enclenchée et ne peut laisser indifférent que ceux qui s’entêtent à se positionner en fonction d’une réalité « antérévolutionnaire » que la Révolution tunisienne vient de transformer d’une manière,on ne peut plus radicale.


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