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Holy Other – Held

Publié le 27 août 2012 par Lcassetta

L’année dernière sortait de nulle part With U EP, premier travail du très mystérieux artiste Holy Other, signé sur le déjà-mythique label Tri-Angle Records. On a trouvé ça excellent, et on n’est pas les seuls : très vite, un petit culte s’est élevé autour de l’insondable et timide producteur et l’attente pour son premier album est devenue rapidement maladive, et toutes les questions sur lui se sont mises à tourner. De quoi était-il capable sur tout un album ? Notre réponse est dans la chronique de Held, son premier album.

Depuis 2005 et l’apparition de South London Boroughs du légendaire producteur Burial, la face de la musique électronique a été changée à jamais. Le nombre d’artistes qui ont été inspirés par le producteur est incommensurable, et le nombre de copycats aussi. Submerse, Clubroot, Volor Flex, etc. Et pourtant, aujourd’hui, on se dit que l’artiste le plus proche de Burial est Holy Other. Pourtant, il n’utilise pas du tout le même sampling, sa musique est plus dense, il n’y a presque pas de drums… Mais les deux évoluent dans le même univers de profondeur mélancolique, déchirante et intense, avec beaucoup d’ambient, d’expérimentation, de voix fantomatiques fascinantes qui nous hantent tout au long de l’écoute, en créant un véritable monde plein de brume, nocturne, humain et froid. Ils cultivent aussi le même mystère et le côté réussite accidentelle. Holy Other n’a montré son visage que récemment, sous la pression du talent grandissant, et est très timide. Il a commencé à produire pour s’occuper, passer le temps quand il était malade, et ne s’attendait jamais à tant de succès critique.

Sauf que le plus jeune n’a pas les mêmes objectifs. Quand Burial fait de la musique pour loners qui s’assoient prendre un verre tous seuls dans l’ombre lors des soirées, Holy Other ne fait pas ses chansons pour ça, mais plutôt pour créer des émotions, les intensifier, et refléter nos sentiments sur un miroir très sombre et noir. Donc oui, c’est littéralement Burial en plus sombre. Hum, et sans drums, aussi. Un peu comme une fusion entre le côté mystique, obscur et éthéré de Balam Acab et la profondeur immense et détaillée du travail de Burial. Il a aussi plus tendance à s’éloigner de ses contemporains en préférant souvent sampler de la pop plutôt que du R&B, pour des résultats qui sont finalement vraiment différents.

On ne va pas y aller par 4 chemins : Si vous n’avez pas aimé son travail sur son premier EP, pas la peine d’écouter cet album. En effet, dès le premier track, on ne sent pas beaucoup d’évolution dans son travail, sans que ce soit dommage : (W)here (dieu que j’adore ces titres) mélange son ambient intense et profond à des râles inintelligibles et pitchés à souhait, avec quelques drums, une grosse basse, et tout plein de petits détails. C’est tout ce qui composait With U, et c’est encore mieux réalisé. C’est extrêmement détaillé, réellement, il y a plusieurs layers d’ambient, tout plein de splendides surprises, et une maîtrise exceptionnelle de ce qu’il fait. Les pics d’intensité sont à leur place, les samples ne débordent jamais, tout est réfléchi et le résultat est particulièrement poignant et profond.

Basiquement, il reprend beaucoup d’effets de son ancienne bibliothèque de sons. Les mêmes drums, le même ambient, les mêmes cowbells… Le début de Past Tension est presque un remix de With U, par exemple. Mais il sait faire preuve d’évolution, et de perfectionnement de ses sonorités.

Sur des chansons comme Tense Past, il pitche un sample déchirant en très aigu, et le distord sur toute la chanson, un peu comme Shlohmo sur The Way U Do, et ce côté expérimental a des résultats originaux et hypnotisants. Par ailleurs, ça rappelle un peu I Only Know (What I Know Now) de James Blake. Inpouring, l’un des meilleurs stand-outs, nous offre l’un de ses meilleurs exploits en terme de sampling, en appliquant énormément de layers de voix et une pléthore de pitchs, aigus, profonds, graves, coupés, répétés, glitch-hopés, écho-isés, et le résultat est singulièrement touchant et émouvant.

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Held, la meilleure chanson, est le premier epic de l’artiste, s’étendant sur 6 longues minutes de Dark Ambient, de Post-Dubstep, et de Witch House, distordant de nombreux layers et plusieurs samples très intenses, pour un résultat fantastique et particulièrement saisissant et émouvant. En plein milieu, le sampling devient divin, burialesque, les mots se créent, tout s’intensifie, et le synthé mute doucement vers quelque chose de doux et presque joyeux, chose inhabituelle pour un travail aussi teinté de ténèbres. Le sample devient féminin, et on assiste à l’évolution la plus apparente de l’album : Un piano somptueux qui sort de nulle part, et qui conduit la fin de la chanson vers des pics de beauté et de détails époustouflants. Love Some1 nous montre aussi, à la manière de Held, qu’il sait parfaitement faire des chansons imposantes : La chanson s’ouvre sur des drums lourds et une vague d’ambient angoissante, pour doucement devenir la chanson la plus oppressante et sombre de l’album. Tout est fait pour accentuer le côté purement tourmentant de manière fascinante.

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L’outro reste l’une des plus grosses surprises de l’album. En effet, Nothing Here est en deux parties, commençant par 1 min 30 de râles habituels et d’abysses intenses, pour ensuite finir sur une note optimiste objectivement belle. En effet, des drums apparaissent, et un sublime sample, l’un de ses meilleurs, s’installe, et progresse pour se mettre à la fin à devenir intelligible et à répéter Nothing there avec un splendide pitch aigu qui ferait pâlir Burial. Le fait que l’album se finisse sur une chanson aussi optimiste et avec un sample aussi profond intensifie la qualité de l’album. Il nous rappelle qu’en réalité, autour de nous, rien n’est “là”, rien ne nous entoure réellement, ce n’est la création de Holy Other qui diffusait ces émotions, et ouvre plein de questions. C’est le même cas de figure que pour Silent Shout de The Knife, album légendaire et aussi sombre que Held, dont l’outro a le même effet : intensifier tout l’album et rappeler l’ambiance morne et obscure de ce dernier. Still Light finissait ultimement sur un Is it still light outside? et Nothing Here est tout aussi poignant.

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Au final, Held est court, très court: 9 chansons, 35 minutes, à peine 13 de plus que l’EP. Mais chaque moment de l’album est un concentré pur d’intensité et prouve une maîtrise exceptionnelle de la part d’Holy Other. S’il n’évolue pas réellement, son travail est beaucoup, beaucoup plus riche et détaillé, dompté, et encore plus appréciable. C’est un générateur d’émotions et de rêve bourré de détails brumeux et qui nous transporte dans les abysses mystiques de la Witch House la plus profonde et émouvante de l’année. Ultimement, cet album ne semble être qu’une simple confirmation de son talent gargantuesque plus qu’un portfolio de tout ce qu’il sait faire, et nous donne plus l’impression que le meilleur reste à venir. 9.1/10

- Je profite de cet article pour insister un peu sur ma notation. Quand je mets 8/10 à un album, par exemple, c’est qu’il est excellent, vraiment à écouter, très très bon sur beaucoup de points, etc. Alors sachez que 9.1/10, dans le cas présent, veut dire que c’est un album réellement exceptionnel, si ce n’est pas parfait, à écouter immédiatement, surtout si on est fan du genre. Voilà. Bonne écoute !

Holy Other – Held
Si Mohammed El Hammoumi (Si Mohammed El Hammoumi)

Je suis le rédacteur en chef du site. Je suis marocain, j'ai 18 ans et je suis étudiant... Bref, sachez surtout que je suis un énorme passionné de musique underground et de journalisme musical qui connaît le sujet de fond en comble. Je trouve énormément de plaisir à écouter, partager, découvrir, parler, débattre et autres activités tant que ça concerne la musique. Voilà !


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