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Des échos du Festival de Lodève

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

Des échos du Festival de LodèveComme chaque année depuis 15 ans, le Festival « Voix de la Méditerranée » a eu lieu à Lodève (à ne pas confondre avec celui de Sète).

Des échos du Festival de Lodève
L’ancienne cité épiscopale située entre Montpellier et Béziers dans les hautes terres de l’Hérault, a accueilli du 16 au 23 juillet sous la direction de Franck Loyat, dans ses places, ruelles, jardins, cloîtres, et sur les berges de la Soulondre, 50 poètes de 25 pays, une centaine d’artistes musiciens, comédiens, danseurs. A cela s’ajoutait un marché du Livre qui rassemblait 80 éditeurs de poésie (Vincent Gimeno, responsable du Marché de la Poésie à Paris, animait chaque fin d’après-midi une rencontre avec l’un d’entre eux).

Cette année, on a pu entendre et rencontrer Jacques Roubaud, l’invité d’honneur, Paul Louis Rossi, mais aussi Rachid Boujedra, Bernard Chambaz, Isabelle Garron, Mordechaï Geldman, James Sacré… On a pu y remarquer également en soirée la chanteuse de fado moderne Misia, le poète et ténor galicien Antonio Placer, le spectacle Soleils, à rebours de la poésie algérienne de la compagnie Choliambre … parmi d’autres.

La programmation poétique était due en particulier à Marc Delouze, ainsi qu’à Edith Azam, Marie Poitevin… et à un comité international présidé par Julien Blaine. On peut trouver dans l’anthologie du Festival, éditée par La Passe du Vent, un texte de chacun des poètes invités. Le Musée de Lodève accompagnait la manifestation par une exposition en hommage au peintre belge néo impressionniste Théo Van Rysselberghe(1862-1926). Quant à la dynamique et chaleureuse librairie de la ville, qui exposait les ouvrages des auteurs, elle fut un lieu permanent de rendez-vous et de rencontres spontanées.

Comme il ne nous est pas possible de rendre compte de tout, nous ne retiendrons, de ce foisonnement généreux, de cette ville à la fois discrète et superbe, qu’un auteur, Ali Podrimja, dont la disparition dramatique a bouleversé les festivaliers, un spectacle déjà cité, Soleils… et un lieu, le cloître de la Cathédrale Saint-Fulcran, typique du gothique médiéval, où se tenaient des lectures le soir.

Commençons par le Cloître, dont nous n’évoquerons que la magie, quand le ciel du crépuscule s’animait tout à coup d’un vol d’oiseaux impérieux, que le soir tombait sur les auditeurs assis entre les fleurs, sur les poètes et les comédiens éclairés par des chandelles.

Des échos du Festival de Lodève
Le spectacle Soleils, à rebours de la poésie algérienne, créé à l’occasion de l’indépendance algérienne, sur une idée et d’après un montage de Samira Negrouche, fut donné lui aussi dans un cadre magnifique, le Jardin de la Mégisserie, dont le bâtiment était autrefois dédié au traitement des peaux et des cuirs. Les arbres, le ciel, les oiseaux, et ce soir-là un peu de vent, accompagnaient le comédien metteur en scène Dominique Delpirou et la musicienne Françoise Rivalland. Comment rendre compte du bonheur éprouvé durant cette soirée ?

La musicienne, assise derrière ses instruments, percussions et santour, est sur scène à l’arrivée du comédien qui s’immobilise et demeure un moment silencieux, concentré, instaurant immédiatement de la part du public une attention qui ne se démentira pas. Puis il dit ou il lit les poèmes retenus, une heure durant, peut-être davantage, debout, ou bien assis sur des sièges disposés comme pour des haltes dans un parcours. Mais il les dit ou il les lit à la manière d’un amoureux de la littérature, c’est-à-dire à la manière de quelqu’un qui donne sa pleine mesure aux textes, qui ne leur vole pas la vedette, mais qui, bien au contraire, s’efface. Qui s’efface et pourtant qui existe fortement, dans la douceur et dans la fermeté, dans la complicité avec la musicienne qui elle non plus n’envahit rien, dont la musique contemporaine n’est pas illustration mais contrepoint, dont la présence physique, humaine, dit l’intérêt qu’elle porte à la dramaturgie, aux relations entre le texte, la voix, la musique et les gestes.

Parmi ceux qui étaient au programme, (Youcef Sebti, Mohamed Dib, Jean Sénac, Jamel-Eddine Bencheikh, Tahar Djaout, Ahmed Azeggagh, Rabah Belamri, Kateb Yacine, Djamel Amrani, Anna Gréki, Bachir Hadj Ali, Malek Haddad, Jean Amrouche, Noureddine Aba, Ismaël Aït Djafer, Myriam Ben, Nabile Farès, Samira Negrouche), nous retiendrons six auteurs, dont voici les textes :

Je suis né dans l’enfer

j’ai vécu dans l’enfer

et l’enfer est né en moi

et dans l’enfer

sur la haine -ce terreau qui flambe-

ont poussé des fleurs.

Je les senties

je les cueillies

et en moi a circulé

l’amertume.

Arrêt. Souffle. Ombre.

Espoir. Départ. Recommencement.

Amours perdues. Amours dérobées. Amours possibles.

Sur le chemin d’un recommencement

sur le chemin d’une lutte

j’ai débouché sur la folie.

J’ai plongé dans la folie

et j’en ai ramené des algues.

Et l’enfer se continue …

Du brasier à la mer

de la mer au brasier

de la combustion

a l’immersion,

l’enfer demeure

et les insurgés

ont pour destinée la folie…

Youcef Sebti est né en 1943 à Boudious. Etudes d’Agronomie et de Sociologie rurale. Auteur d’un recueil de poésie L’enfer ou la folie publié en 1981 à la SNED et réédité en 2003 aux éditions Bouchène. Il a été assassiné dans la nuit du 27 au 28 décembre 1993, égorgé par des extrémistes islamistes.

Ne demandez pas

Si le vent qui traine

Sur les cimes

Attise un foyer ;

Si c’est un feu de joie,

Si c’est un feu des pauvres

Ou un signal de guetteur.

Dans la nuit trempées encore,

Femmes fabuleuses qui

Fermez vos portes,

Rêvez.

Je marche, je marche :

Les mots que je porte

Sur la langue sont

Une étrange annonce

Mohamed Dib est né à Tlemcen en 1920, écrivain et poète, auteur d’une œuvre majeure. Il écrit ses premiers poèmes en 1934. Son premier recueil de poésie Ombre gardienne a été préfacé par Louis Aragon et publié en 1960 aux éditions Gallimard. Ses œuvres complètes Poésies ont été publiées en 2007 par les éditions de La Différence à Paris. Il est décédé en 2003 en France.

Nous tapis dans la parole qui se fissure

Murmurant nos îles fables et nous ouvrant sur le sable

A la semence des départs

Nous mendiants d’infime beauté

Poignet et chevilles marqués de l’angoisse

Des labyrinthes

Nous reins étoilés de fatigue

Qui échangeons le miel de nos sexes avant

D’écouter à la conque

Nous qui méritons l’incandescence

Et déchiffrons la prophétie à l’aigle

Jailli des prunelles

Nous porteurs d’imminence

Qui chutons du vertige enlacés au moment

De prendre naissance l’un de l’autre

Nous qui regardons la mort nous dissoudre

Au dehors de nous au dessous de nous et nous tendre

La triple image

Sans que nous sachions comprendre le tatouage

Entre les yeux

Le nuage profond des paupières sui promet le

Regard

Le fard des lèvres qui assèche la parole

Nous qui pactisons avec le désert avec le sel

Et la ronce

Qui écoutons le tambour des sables nouer

L’angoisse à la ferveur et rythmer

Nous qui sommes

Jamel-Eddine Bencheikh est né en 1930 à Casablanca. Il est poète, écrivain et spécialiste de la poétique arabe. Après avoir entamé des études de Médecine à Lyon, il revient à Alger pour étudier l’arabe et le droit. Il s’impose un exil volontaire pour protester contre les restrictions de libertés imposés par le régime de Boumediene. Les éditions Tarabuste ont publié son œuvre poétique en trois volumes : Le silence s’est déjà tu, suivi de L’homme-poème en 2002, Sans répit de lumière en 2003 et Métamorphose de la mort en 2010. Il est décédé à Tours en 2005.

Paranoïa mon amour !

Paranoïa verticale !

(Ce-très tôt- fut

Un mur dont j’examinai la prison

Après retraite des épaules

Aveugle infiniment

Nu jusqu’au feuillage du ciel

Nulle lézarde !)

… Patienter, ou rebrousser ?

… Aller «ailleurs» ?

… Ailleurs, linéairement ?

… Reculer pour mieux sauter ?

… Sauter quoi : le «Néant» ?

… Camper ?

… Camper à l’ombre du désert ?

… Pactiser avec l’ombre jusqu’à désert de soi-même ?

… Tout outil est une clef …

… Mais quel outil ? OU EST LA CLEF ?

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