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La ville face à sa réputation : histoire de médias, de concurrence et de métropolisation

Publié le 29 août 2012 par Heilios

La réputation. Derrière le mot qui renvoie immanquablement à l’idée tantôt positive de popularité, tantôt négative de repoussoir, se joue entre les villes, comme entre les jeunes d’une cour de lycée, de véritables luttes d’images. Entraîné, voir parfois entretenu par les médias classiques, précipité ces dernières années par le développement de l’E-réputation et de la veille réseaux, le phénomène prend parfois des tournures délicates sur certains territoires urbains qui ne suivraient pas le rythme de la marche imposée par la société, ses aspirations de croissances et de mouvements perpétuels.

Le reportage estival, exemple léger d’une mauvaise réputation urbaine

C’était le 15 août dernier. Au 13 heures de France 2, on ressortait l’éternel marronnier de la journée morte. Le 15 août, ou quand la France toute entière s’arrête de vivre. Jusque là,  rien de très original. Bientôt, à l’annonce du reportage, on comprend pourtant qu’une ville, genre commune moyenne de province, prise en exemple pour l’occasion, va certainement en prendre pour son grade et regretter sa torpeur estivale.

Dans les rues quasi désertées de Niort, Préfecture des Deux-Sèvres de 60 000 habitants, les feuilles mortes ont supplanté les passants et les devantures des commerces fermés ont donné des airs de Downtown d’une cité de la rustbelt au centre-ville pourtant récemment requalifié. A voir les images, qu’on croirait tirées d’un mauvais western, puis à tendre l’oreille sur les commentaires abouliques d’un journaliste sous Prozac, on se dit bientôt avec force et conviction que jamais, probablement, on ne mettra les pieds dans cet espèce de mouroir urbain. Dommage pour nous, que l’on y habite…

Exemple parmi tant d’autres, illustrant le poids des médias télévisuels dans la construction de l’image et de la réputation d’une ville, le « reportage du 15 août » n’en ait pas à sa première victime urbaine. Déjà l’an dernier, à la même période, la ville de Poitiers dans la Vienne avait fait les frais d’un sujet similaire, mais sur TF1 cette fois-ci. On pouvait alors y découvrir la place de l’hôtel de ville parcouru d’un tumbleweed –cette boule de paille sèche plutôt habituée des villes fantômes de l’ouest américain-, sur une musique du film Il était une fois dans l’ouest.

Entre réputation et hiérarchisation pathologique de la ville

Alors que la concurrence des métropoles dans la course aux investisseurs, aux entreprises et aux gains démographiques se dessine sous les campagnes de promotion à l’image –parfois sapées par un reportage inutile-, le développement des réseaux sociaux et de l’E-réputation, a largement contribué à asseoir un esprit de hiérarchisation pathologique des villes entre elles et de leurs  valeurs urbaines.

Loin de ne concerner que le domaine de l’Entreprise, l’E-réputation a colonisé les territoires, proposant désormais, à la faveur d’instituts de sondages ou de bureaux d’expertises en statistiques, une offre complète d’outils capables de mesurer le niveau de réputation, plutôt bon, plutôt mauvais, ou carrément déplorable, des villes et des différents aspects de leur environnement.

Véritables symptômes de cet engouement pour la hiérarchisation des choses et des variables du quotidien, les classements sont devenus en quelques années et pour certains, des éléments de référence sur la capacité réelle ou supposée des villes, à attirer à elles certains types de publics, d’organisations ou d’investissements.  De la cité idéale pour cadres moyens ou supérieurs, figures sacralisées de la cité dynamique,  à la ville où il fait bon vivre lorsque l’on est étudiant en manque de sociabilisation, en passant par l’autre, celle qui innove sans cesse, genre puces et nanotechnologies, les classements qui paraissent chaque année déterminent ainsi, à la manière d’agences de notations, le palmarès des « villes qui bougent » et celles au rendez-vous de la croissance.

Des guerres de villages, à la guerre des images

Aucune ville ne voudrait ressembler à Niort ou à Poitiers un jour de 15 août, ni à Guéret ou à Mende, pour ce qui reste des autres jours de l’année. Aucune ville ne voudrait non plus ressembler, même les premières concernées, à ces cités dortoirs, qui ne vivent que des migrations pendulaires et des corps sans vies des travailleurs motorisés…

Pour ces villes qui, bien malgré elles, ont endossé les pires caricatures qui soient, pour ces déserts humains et commerciaux, ces reliques du passé industriel ou ces bastions de la délinquance armée, le plus dur reste certainement d’encaisser les coups des territoires voisins rescapés de la crise cosmétique et parfois injustifiée qu’elles connaissent.

C’est un peu l’histoire de Paris et de la province, ou la première, toujours fière et croissante, raillerait la seconde pour ne jamais tomber aussi bat qu’elle. Sur certains territoires, les conflits liés à l’image, souvent tenus dans une forme de promiscuité spatiale (parce que vivant peu ou prou des mêmes dynamiques), ressemblent à s’y méprendre à d’anciennes guerres de villages.

Des stratégies d’affaiblissement réciproques se mettent alors en place, si bien que l’on croirait voir parfois, derrière l’affrontement de deux territoires, une lutte de marques ou de multinationales pour la conquête d’un monopole économique.

Tout est bon du coup, pour parvenir à ses fins et vivre sa croissance au dépend de l’autre : de l’image d’une ville ou de ses orientations commerciales données en exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire pour son territoire, de la surenchère évènementielle, du marketing territorial à la débauche de grands projets, plutôt que la recherche de compromis de développement, parfois sur un même territoire métropolitain…

Si des villes se battent pour leur image, cherchant à coller au plus près de ce qui jusqu’à maintenant, semblait être consacré comme un idéal de développement (la ville qui bouge, la ville qui ne dort jamais, la ville qui innove, invente et roule sur les rails du progrès technologique), d’autre à l’inverse, longtemps coutumières des caricatures, de la mauvaise réputation et fragilisées par la crise, ont su se démarquer, faisant de leurs faiblesses autant de forces pour valoriser différemment leur image. La promotion récente des slow cities ou cittaslow, de ces villes lentes qui prennent le temps de vivre et qui acceptent de faire avec l’idée d’une croissance finie, en est à ce titre, un des exemples les plus marquants, pour ne pas citer Détroit et l’agriculture urbaine, ou Glasgow et ses politiques accompagnant l’idée d’une décroissance économique et industrielle.

Mots-clés : classement, concurrence territoriale, Détroit, E-réputation, Glasgow, Marketing urbain, métropolisation, Niort, palmarès, Poitiers, Réputation, ville et réputation

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