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(ISRL) Hatufim (Prisoners of War), saison 1 : le si difficile retour au pays d'anciens prisonniers

Publié le 02 septembre 2012 par Myteleisrich @myteleisrich

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Quand je vous disais l'autre jour en évoquant Il Capo dei Capi que mes séries préférées de l'été sont venues de ma DVDthèque, je n'exagérais pas. Celle dont je vais vous parler aujourd'hui est sans aucun doute ma favorite. Très différente, dans l'approche de son sujet, de la série américaine qu'elle a inspirée, Hatufim est une série fascinante. C'est un drame humain, sobre et prenant, aux accents d'une authenticité troublante... A des années-lumières du blockbuster-thriller terroriste qu'est Homeland. Avec le recul, si j'ai suivi sans déplaisir l'américaine, je dois dire que les choix faits par Hatufim font aussi ressortir un certain nombre de ses limites. Homeland est une série qui se laisse suivre avec une recette efficace, Hatufim est une oeuvre qui marque. Ma comparaison n'ira pas plus loin : la review qui suit est entièrement dédiée à la série israélienne, qui bénéficie aussi d'un contexte différent où l'enjeu de ces prisonniers de guerre est tout autre.

Si Hatufim est arrivée dans ma DVDthèque, il faut en premier lieu remercier Sky Arts en Angleterre qui a entrepris de la diffuser au printemps dernier. A l'époque, j'avais regardé le pilote - qui m'avait conquise -, puis décidé d'attendre la sortie de la saison 1 en DVD, prévue pour le mois de juillet en Angleterre (en VO sous-titrée anglais). L'achat effectué, j'ai programmé la série tout au long du mois d'août, luttant pour ne pas visionner trop rapidement une fiction que j'avais envie de prendre le temps d'apprécier. Cela a été une belle expérience. Hatufim est une série à découvrir, pour son sujet poignant et le traitement très humain qu'elle propose.

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Rappelons brièvement l'histoire de Hatufim (pour plus de détails, je vous renvoie à ma review rédigée suite au visionnage du pilote). Il y a 17 ans, trois soldats israéliens ont été capturés au Liban au cours d'une mission de reconnaissance. Après tant d'années d'une détention au cours de laquelle ils ont subi bien des tortures, un accord pour leur libération est finalement trouvé entre leurs ravisseurs et les services israéliens. Mais seuls deux d'entre eux rentrent vivants dans leur pays, Nimrod et Uri, tandis qu'Amiel a perdu la vie. Ils retrouvent une société dans laquelle ils n'ont plus de repères et des familles qui leur sont devenues presque étrangères. Tandis qu'ils essaient de se réacclimater, les services de sécurité israéliens s'interrogent sur certains points flous, voire contradictoires, dans les dépositions données par les deux soldats durant leur long debriefing. Quels secrets cachent-ils aux autorités ? La sécurité publique est-elle mise en danger ?

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Hatufim est avant tout un drame humain, parlant des destinées brisées et à reconstruire d'hommes ordinaires se retrouvant confrontés à des situations extraordinaires. Bénéficiant d'une écriture qui fait preuve de sensibilité et d'empathie, où les silences et les hésitations sont parfois plus forts que n'importe quel dialogue, c'est une série poignante relatant avec sobriété la tentative - vaine ? - d'un retour à une vie normale, libre, de ces anciens prisonniers revenant soudain après 17 années passées en enfer. Ce qui fait la richesse de cette fiction, c'est qu'elle s'intéresse non seulement à leurs logiques difficultés de réadaptation, mais aussi plus généralement à l'impact que les évènements ont pu avoir sur leur entourage. Il y a une problématique relationnelle qui est centrale au récit et qui va être explorée sous toutes ces facettes, chaque personnage représentant une situation particulière.

Pour Nimrod, est mis l'accent sur la difficulté à s'insérer dans une vie familiale qui a continué sans lui pendant toutes ces années. Il peine à retrouver une place aux côtés de sa femme et de ses deux enfants pour lesquels il est un étranger ; inversement, ces derniers ont du mal à l'accueillir et à se positionner face à lui. La détention de Nimrod a été subi par chacun : la frustration de sa femme qui a, elle aussi, suspendu sa vie en se dévouant entièrement à sa libération ou encore les provocations constantes de sa fille sont autant de symptômes des dynamiques brisées. Pour Uri, il s'agit d'envisager de rebâtir sa vie en partant de zéro : le déchirement provoqué par le choix de sa fiancée, qui ne l'a pas attendu et a fait exploser un peu plus sa cellule familiale en s'étant mariée avec son frère, est lourd à porter pour tous. La culpabilité de la jeune femme, la jalousie du frère, les sentiments intacts d'Uri, installent une situation inextricable, d'où personne ne peut réchapper sans blessures. Enfin, la série n'oublie pas non plus celui qui n'est pas rentré, et plus précisément sa soeur qui doit affronter la douleur du deuil après tant d'années à avoir vainement attendu et espéré.

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Au-delà de ces portraits terriblement humains dans toutes leurs limites et les dilemmes qu'ils soulèvent, Hatufim dépeint, avec une acuité rare, les réactions et les hésitations des deux anciens prisonniers face à leur nouvelle vie, faisant preuve de subtilités et de nuances. Nimrod et Uri ont des personnalités très dissemblables. Les expériences qu'ils ont vécues les ont rapprochés et ont forgé un lien indestructible, cependant ils sont aussi passés par des épreuves différentes au cours de leurs détentions. Alors même que la série use de flashbacks parsemés au cours du récit pour nous laisser entre-apercevoir ces 17 années, il reste difficile pour le téléspectateur de concevoir l'ampleur de ce qui leur est demandé pour se réadapter à la liberté. Ce ressenti prouve toute la force du récit. Ils ont passé, dans leur vie, presque autant de temps prisonniers que libres, traversant des conditions d'emprisonnement plus qu'effroyables, devant faire des choix que personne ne devrait avoir à faire. Ce passé ne peut que conditionner leur futur, reste à savoir jusqu'à quel point ils peuvent envisager de se reconstruire.

Un des pactes de silence qu'ont scellé Nimrod et Uri concerne les circonstances dans lesquelles Amiel a trouvé la mort. C'est leur mensonge autour de cet évènement qui attire l'attention des services de sécurité israéliens. La gestion par ces derniers du retour des prisonniers montre à quel point la priorité est mise sur la sécurité publique, l'intérêt de l'Etat primant tout. L'agent en charge du dossier ne recule devant aucun moyen pour rechercher la vérité, profitant des situations de faiblesse de chacun. Pourtant, contrairement à Homeland, Hatufim n'est pas un thriller terroriste : l'agent ignore si les contre-vérités livrées lors des interrogatoires peuvent avoir la moindre conséquence sécuritaire. Et Uri et Nimrod, en suivant le fil d'Ariane laissé par Jamal, leur tortionnaire, ne font eux aussi que rechercher une vérité derrière leur détention. Tout simplement parce que, pour essayer de repartir de l'avant, pour envisager un avenir, ils ont besoin de comprendre ce qui leur est arrivé et ce qu'il s'est passé. Ce fil rouge n'est rien d'autre qu'un double reflet, celui d'une crainte théoriquement légitime et d'un besoin très humain. L'ensemble est mené de manière très juste tout au long des dix épisodes pour aboutir à la révélation finale sur laquelle se termine la saison : ce cliffhanger laisse entrevoir d'autres pistes au potentiel également très intéressant.

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Sur la forme, Hatufim est une série soignée. La sobriété de la réalisation correspond parfaitement à la tonalité ambiante, et aux partis pris narratifs adoptés par la fiction. Les flashbacks sont utilisés à bon escient, reconstituant peu à peu la détention et ce qui a pu se passer. De plus, la série bénéficie de thèmes musicaux instrumentaux qui résonnent avec justesse et retenue, à l'image de la mélodie du générique. Quelques chansons sont également employées, avec parcimonie, pour accompagner certaines scènes.

Enfin, Hatufim bénéficie d'un casting solide. Sans doute les plus sollicités, dans toute la complexité que recouvre leur rôle respectif, Yoram Toledano et Ishai Golan sont ceux qui s'imposent le plus à l'écran. Ils interprètent avec l'authenticité et l'ambivalence qui conviennent, ces hommes profondément marqués qui, avec leur caractère propre, essaient tant bien que mal de repartir de l'avant et d'affronter cette nouvelle vie qui, comme une deuxième chance, s'offre à eux. Le troisième soldat, Assi Cohen, apparaît logiquement beaucoup moins : en dehors des quelques scènes de détention, il intervient surtout face à sa soeur (Adi Ezroni) qui a tant de difficultés à admettre sa mort, toute sa vie s'étant finalement résumée en une attente prostrée d'un grand frère qui ne reviendra pas. A leurs côtés, on retrouve également Yael Abecassis, dont la présence à l'écran, toute en retenue, marque également, Mili Avital, Aki Avni, Sendi Bar, Salim Dau, Yael Eitan, Adi Ezroni, Adam Kent, Nevo Kimchi, Guy Selnik ou encore Gal Zaid

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Bilan : Bénéficiant d'un sujet de départ extrêmement fort, au potentiel dramatique incontestable, Hatufim va réussir à pleinement exploiter ce concept, s'imposant comme une fiction à la fois prenante et poignante, profondément marquante émotionnellement. Plongeant ces soldats ordinaires dans une situation extraordinaire, difficile à concevoir dans sa dureté - ces 17 ans passés sans repères, à subir les pires traitements -, la série traite de leur retour avec une sobriété et une justesse rares. Elle entreprend d'explorer toutes les conséquences humaines et relationnelles des évènements, aussi bien sur les anciens prisonniers que sur leur entourage. C'est un drame humain et familial, mais c'est aussi l'histoire d'une tentative de reconstruction, de reprise impossible de vie brisée, dans le contexte particulier du pays qu'est Israël.

En résumé, Hatufim est une série à voir : - parce que vous avez vu et aimé Homeland, car cela offre l'occasion d'apprécier les différences d'approche et de traitement d'éléments parfois identiques ; - parce que vous avez vu et n'avez pas aimé Homeland, car la série est justement très différente ; - parce que vous n'avez pas vu Homeland, et qu'un original d'une telle qualité mérite d'être visionné en premier ; - parce que vous êtes sériephile, donc curieux, et que c'est l'occasion de découvrir un autre pays.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :


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