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Cinéma qui dérange

Par Ocinemaroc

Qu’est ce que le cinéma ? De nombreux érudits se sont penchés sur la question, tant d’un point de vue technique qu’humain, et chacun y voit quelque chose de différent. Pour ceux qui le font, le septième art reste avant tout un moyen d’expression, et pour beaucoup, une révolte. Nombreux sont les cinéastes engagés qui auront marqué leur époque avec leurs films, et changé le point de vue de leurs spectateurs. Mais pour tous ceux qui sont acclamés et portés aux nues, il nous faut avoir une pensée pour tous ceux qui ont payé le prix de la liberté d’expression. Pour un message ou un cri d’alarme, certains ont payé de leur vie, ou de leur liberté. D’autres vivent sous de constantes menaces de mort. Ne pas les oublier reste primordial pour tous les amoureux du cinéma et de l’art.

Jafar Panahi réalisateur iranien

Jafar Panahi réalisateur iranien

Nous commencerons avec les artistes Iraniens dont les divergences d’opinion pour le pouvoir en place ont défrayé la chronique au vu des sanctions appliquées. Le plus célèbre d’entre eux est sans aucun doute Jafar Panahi, caméra d’or au Festival de Cannes 1995 avec « Le ballon blanc », Lion d’Or de la Mostra de Venise en 2000 avec « Le Cercle », Ours d’argent à Berlin en 2006 avec « Hors jeu », bref, un monument. Le réalisateur primé dans le monde entier pour son travail engagé purge actuellement une peine de six ans de prison assortie d’une interdiction totale de pratiquer son métier (cela va jusqu’à l’interdiction d’écrire un scénario). Il lui est reproché d’avoir conspiré contre son pays en tentant de réaliser un film sur les troubles qui suivirent l’élection de Mahmoud Ahmadinejad. La festival de La Mostra de Venise de cette année lui rendra un hommage, le cinéaste devant normalement rejoindre les rangs du jury officiel.

Mojtaba Mirtahmasb

Mojtaba Mirtahmasb

Condamné en 2010, il est n’est pas seul à subir la peine : Mohammad Rassouloff, son jeune collaborateur, s’est vu condamné à la même peine, depuis ramenée à un an. Quelques mois plus tard, en octobre 2011, ce sont Mojtaba Mirtahmasb, Nasser Saffarian, Hadi Afarideh, Mohsen Shahnazdar, Shahnam Bazdar et Katayoun Shahabi qui sont arrêtés et condamnés pour espionnage, le gouvernement leur reprochant de salir l’image internationale de l’Iran pour le compte de la chaîne anglaise BBC. La plupart furent libérés sous caution, mais n’ont plus le droit d’exercer leur métier et de sortir du territoire. Rappelons aussi le cas de l’actrice du même pays Marzieh Vafamehr qui fut condamnée à un an de prison et 90 coups de fouet la même année pour avoir joué dans « My Tehran For Sale », réfractaire au pouvoir en place. L’actrice a pu heureusement commuer sa peine en trois mois de prison, qu’elle avait déjà effectué en préventive, et une amende de douze millions de Rials, soit mille dollars.

Marzieh Vafamehr

Marzieh Vafamehr

Dhondup Wangchen

Dhondup Wangchen

Mais si le cinéma Iranien est en danger, et reste sur le devant de la scène des voix étouffées, d’autres subissent le même genre de problèmes pour leurs opinions. Le réalisateur Tibétain Dhondup Wangchen, auteur d’un documentaire, « Surmonter la peur », dans lequel les habitants du Tibet interviewés disent tout le bien qu’ils pensent du Dalaï Lama. Accusé d’incitation au séparatisme et d’espionnage, le jeune réalisateur paye sans doute le fait d’avoir diffusé son film, tourbé en secret, dans un hôtel de Pékin le jour de l’ouverture des Jeux Olympique, faisant grand bruit, puis lors d’une séance extraordinaire de l’ONU. Arrêté en 2008 à Xinin, est toujours retenu dans un lieu qui demeure secret, et serait dans emprisonné dans des conditions très dures.

Plus proche de nous, d’autres réalisateurs ont payé de leur vie leur passion pour leur métier. Ce fut le cas de l’Espagnol Christian Poveda, suite à un documentaire sur la Mara, faction mafieuse ultra violente établie au Salvador. Après avoir passé plus d’un an parmi eux pour son précédent film, « La vida loca », le réalisateur a payé le prix fort en septembre 2009, tombant sous les balles au Salvador en plein tournage. Ce fut aussi le cas de Théo Van Gogh, néerlandais assassiné en 2004, abattu en plein centre d’Amsterdam à coups de couteau par un fanatique musulman. Il lui était reproché d’avoir réalisé le documentaire « Submission », très controversé, décrivant la soumission des femmes musulmanes en Somalie, en collaboration avec la femme politique et artiste engagée Ayaan Hirsi Ali, laquelle est aujourd’hui encore menacée de mort pour ce travail.

Théo Van Gogh

Théo Van Gogh

Nadia El Fani

Nadia El Fani

C’est aussi le cas de la réalisatrice Tunisienne Nadia El Fani, qui s’est exposée en 2011 avec son documentaire « Ni Allah, ni Maître », dans lequel elle ne fait pas mystère de son athéisme. Elle reçoit peu après des menaces de mort. Menacé aussi, Eyal Sivan réalisateur Israëlien anti sioniste, qui reçoit en 2003 une balle de révolver par la poste, assortie de la promesse « la prochaine n’arrivera pas par la poste ». Cela n’a pas empêché Sivan de poursuivre son travail, puisque paraissait en 2011 son dernier film : « Jaffa, la mécanique de l’Orange ». Nous finirons avec Mattéo Garrone, l’immense réalisateur de Gomorra, film tiré du roman éponyme de Roberto Saviano, traitant des trafics de la Camorra, l’organisation mafieuse Napolitaine. Saviano reçut des menaces d’une telle ampleur qu’un dispositif de protection policière fut mise en place autour de lui. Garrone, lui, refuse d’y penser, ne se sentant pas en danger. Il aurait toutefois reçu des menaces explicites.

Matteo Garrone

Matteo Garrone

Ceci n’est évidemment qu’un petit tour d’horizon, et nombreux sont ceux dont la voix a été étouffée dans l’œuf. Témoins de leur époque et de leurs pays, ces artistes n’auront pas résisté à la pression des obscurantistes, et payent aujourd’hui encore leur passion de la vérité et du cinéma.


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