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L'urgence d'un nouveau plan de restauration de l'ours

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

La conférence gouvernementale sur l'environnement et la biodiversité : un Grenelle n° 3 ?

A trois semaines de la prochaine conférence gouvernementale sur l'environnement et la biodiversité, les associations environnementales rappellent au nouveau gouvernement « l'obligation pour la France de restaurer une population d'ours viable contenue dans la directive européenne 'Habitats' » et le pressent « d'adopter un nouveau plan de restauration ».
« L'ours brun est l'un des deux mammifères en danger critique d'extinction en France. Il ne nous paraît pas possible de ne pas aborder la situation de cette espèce durant cette conférence d'autant que François Hollande a prit des engagements en matière de biodiversité. Il est urgent de définir un nouveau plan de restauration, le dernier ayant expiré fin 2009 », a déclaré Alain Reynes, directeur de l'association Pays de l'ours-Adet.
Le plan de réintroduction d'ours slovènes dans les Pyrénées françaises a démarré en 1996 et 1997 avec le lâcher de deux femelles et un mâle. Dans la seconde phase du programme, et malgré la forte opposition des associations d'éleveurs, cinq autres ours en provenance de Slovénie ont été réintroduits en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées entre avril et août 2006. Sur les 5 ours relâchés, une seule s’est reproduite, Hvala, mais avec une grande régularité et en donnant naissance à un maximum d’oursons femelles.
Le plan ours a officiellement pris fin le 31 décembre 2009 sans qu'aucune reconduite n'ait été annoncée malgré les obligations européennes de la France. L'ours brun figure en effet sur la liste des espèces prioritaires au niveau communautaire.
En juillet 2010, Chantal Jouanno, alors secrétaire d'Etat à l'Ecologie, avait annoncé qu'il n'y aurait « pas de réintroduction massive » de l'animal, mais que « chaque ours mort accidentellement serait remplacé » comme dans le cas de Franska qui devait être remplacée au printemps 2011. Mais début juin de la même année, le gouvernement était revenu sur cet engagement en renonçant à un lâcher afin de ne pas « pénaliser » les éleveurs touchés par une sècheresse (imaginaire en Béarn).

« Il reste des ours ailleurs dans le monde »

Du côté des associations d’éleveurs opposées à la présence d’ours dans les Pyrénées, l’espèce « Ursus arctos », l’ours brun, au niveau mondial ne figure dans aucune des catégories correspondant à quelque degré de menace que ce soit : ni CR (stade critique), ni en EN (en Danger), ni VU (Vulnérable). Il y aurait plus de 100.000 ours en Russie et plus de 14.000 pour l’Europe. Pour Bruno Besche-Commenge de l’ADDIP, « la liste rouge française passe en revue toutes les espèces présentes en France qu’elles soient ou non mondialement menacées », inacceptable.

L’Europe décide de protéger l’ours brun

Considérant le déclin des populations d’ours bruns, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions sur la protection de l’espèce dans la Communauté. Ces résolutions invitaient les États membres et la Commission à prendre des mesures d’urgence pour la conservation de cette espèce et de ses habitats.
En adoptant la Directive n° 92/43 sur la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages, dite « Habitats », l’Union européenne a souhaité soutenir en particulier les actions en faveur de cette espèce considérée comme prioritaire.
En France, la population alpine s’est éteinte en 1937 dans le Vercors et celle des Pyrénées est réduite à un effectif compris entre 25 et 28 individus. Ils sont localisés (pour une minorité mais avec une présence historiquement non interrompue) dans la partie occidentale de la chaîne (2 mâles), entre la vallée d’Aspe et d’Ossau et, le reste, dans un noyau central franco-espagnol (d’où l’ours avait disparu à la fin des années quatre-vingt). C’est dans ce secteur, que trois ours en provenance de Slovénie ont été réintroduits aux printemps 1996 (Mellba, Ziva) et 1997 (Pyros) et 5 autres en 2006 (4 femelles : Palouma, Hvala, Sarousse, Franska et un mâle : Balou).

La chasse et le braconnage, causes de la disparition de l’ours 

La menace principale pour l’ours a été et reste bien souvent la destruction du fait de l’Homme. La chasse, puis le braconnage (puisque l’ours est actuellement protégé dans ces pays) ont constitué les causes majeures de la diminution ou de la disparition des populations d’ours. Les dommages causés par les ours aux troupeaux ont engendré également des représailles discrètes des éleveurs.
En France, on estime qu’au moins 130 ours ont été tués depuis le début du siècle dans le massif pyré- néen (CATUSSE, 1994). Depuis les années 1980, il y a eu encore des actes de braconnage et des disparitions d’ours inexpliquées dans les Pyrénées occidentales alors que la population y est très réduite. L’autre danger, c’est la consanguinité.

« S’il en reste ailleurs, pas besoin de protéger »

Alors, quand on parle de sauvegarde de la biodiversité, doit-on ne considérer que les seules espèces en situation d’endémicité (comme le Desman dans les Pyrénées) ou au contraire élargir la protection aux espèces fractionnées en différentes zones géographiques pour se préoccuper de leur avenir, y compris dans les petites zones (comme l’ours et le grand tétras dans les Pyrénées par exemple) ? La Buvette des Alpages a posé la question à Gérard Bozzolo.



GB : « Une posture simple fondée sur les capacités naturelles à se reproduire pourrait être retenue. Ainsi, tant que les espèces disposent des chemins migratoires ou ont la capacité de communiquer avec les différents territoires, le continuum vital n’est pas altéré. Au contraire, lorsque des fractions d’espèces sont confinées géographiquement (phénomène d’insularisme),  ce qui prévaut devrait être le niveau de présence de la dite espèce in situ. L’acte conservatoire ne peut se reporter indéfiniment en décharge de responsabilité sur les autres territoires de présence. Il convient de balayer d’abord devant sa porte, dit la sagesse populaire, surtout lorsque l’on prétend diffuser l’exemplarité. »
LBDA : Il n’y a pas que l’ours. Prenons un autre exemple, le Macareux moine. La dernière colonie de macareux moines en France se situe dans l’archipel des Sept-Iles (Côtes-d'Armor). Elle ne compte plus que 200 couples. En 1950 la Bretagne comptait encore plus de 10.000 couples qui nichaient sur une quinzaine d’iles. Or La population mondiale de macareux moine compte entre 5 et 7 millions d’individus. Est-ce une bonne raison pour laisser le Macareux moine disparaitre des côtes bretonnes?

Que faire pour enrayer la disparition programmée ?



Gérard Bozzolo : « Le préalable d’espèce protégée participe au protocole de défense du patrimoine vivant mais il reste très insuffisant, d’autant que la notion de faible effectif ne prend pas la même signification, ni la même issue que dans le cas des espèces domestiques (à fortiori des races).

Les conditions de reproduction naturelle, dans bien des cas, ne favorisent pas un brassage génétique suffisant. Le cas de l’Ours dans les Pyrénées, bien que sont statut ne soit pas exactement celui d’une espèce en voie de disparition sinon dans une acception localisée (il ne s’agit pas d’une espèce endémique pyrénéenne) est exemplaire.
Dans ces conditions la consanguinité et ses effets délétères à venir (chute de la fécondité, moindre résistance aux maladies, expression de tares génétiques), ne peuvent que fragiliser le noyau relictuel. Dans ce cas précis, l’Homme devrait pouvoir intervenir pour rompre ce cercle vicieux soit en apportant de la variabilité génétique par l’apport de nouvelles femelles, soit en forçant la rotation des géniteurs mâles, avec des origines différentes, par extraction du mâle dominant après quelques campagnes de reproduction. Les sorties peuvent s’envisager par échanges de géniteurs ou simplement par élimination. »
LBDA : Les spécialistes craignent un appauvrissement génétique : « Sur les 24 derniers oursons dont on connaisse les parents, 17 ont le même père, Pyros, un ours de Slovénie de 24 ans relâché en 1997 », a noté Alain Reynes. « Pyros est entre autres le père de Caramelles, et donc à la fois père et grand-père de ses oursons. »
GB : La variabilité génétique est le paramètre essentiel pour maintenir, puis faire progresser, une population à faible effectif. Une population déclinante, lorsqu’elle atteint un seuil d’alerte en matière de capacité à se reproduire et à condition qu’elle soit autochtone, nuisible ou pas, passe dans la classe des espèces protégées. C’est actuellement le cas de l’Ours.
LBDA : Pour les éleveurs pyrénéens, les ours « slovènes » n’appartiennent pas à l’espèce autochtone aujourd’hui disparue puisque seul l’ours Cannelito est à 50% « pyrénéen ».
GB : Lorsqu’à une époque, une espèce a disparu de la scène de notre environnement, à partir de combien de générations de l’espèce considérée ou de notre propre espèce (le temps de faire son deuil) le consensus d’état de disparition peut-il être pris pour la rendre non autochtone ?  Dans le cas du Loup qui, pour certains, est une espèce aujourd’hui immigrée, en phase de conquête et donc nuisible, il a suffit de 2 générations. Dans le cas des Pyrénées, il n’y a pas eu de disparition, même si les renforcements ont été très tardifs. Il s’agit donc d’une présence "constante" et on pourrait même dire "loyale" si ce n’était que ce dernier terme est une pure abstraction du jargon jurisprudentiel inventé par l’Homme pour faire fonctionner son organisation sociale.
Les frontières sont ténues d’autant qu’en fonction du degré de tolérance de la Société au regard des inconvénients ressentis (informations, désinformations), la doctrine sera perméable : l’introduction de marmottes, de mouflons, de bouquetins, d’isards, l’invasion de la tourterelle turque etc., se fondent dans le paysage sans trop de remous. Au total, pour déterminer cet état de disparition et donc le caractère autochtone ou non, c’est l’acceptation de la Société qui prime sur le statut des espèces sauvages, c’est donc très subjectif.
LBDA : Quelles sont les différences entre les sauvetages de population d’espèces domestiques et les sauvetages de population d’espèces sauvages ?
GB : Dans le périmètre domesticatoire les espèces animales ne sont pas en péril, ce ne sont que certaines races à très faible effectif qui peuvent présenter ce risque (excepté, peut-être, l’Éléphant d’Asie). Le caractère irréversible de leur disparition peut-être aussi sujet à interrogation compte tenu du bricolage génétique réalisé pour permettre leur obtention et la fixation de leur modèle (cf.la reconstruction de la race bovine Bordelaise). Les races domestiques soumises et sélectionnées sur des critères de beautés ou des caractères productifs à destinée commerciale sont dépendantes d’une gestion impliquant le contrôle de leur reproduction et la prévision de leurs gains potentiels.
Les opérations de sauvegarde de ces patrimoines génétiques correspondant à des races à faible effectif pour cause d’oubli momentané  lié au désintérêt ou à la trop forte concurrence de nouvelles races mieux adaptées aux conditions socio-économiques du moment, voire de l’abandon local de certaines spéculations animales, consistent à organiser leur reproduction de sorte à amplifier la variabilité génétique dans un but conservatoire. Les origines des mâles reproducteurs sont fortement diversifiées (et on ne parle pas dans ces cas de délocalisation, d’importation ou de déplacements abusifs). Des collections de semences mâles et d’embryons seront stockées dans des banques de « gamètes », aux mêmes fins que les collections de semences végétales.
Il n’en va pas de même dans les populations sauvages. Ici, les orientations sélectives sont sous la dépendance de l’environnement et fortement, notamment chez les mammifères, sous l’influence des performances gonadiques souvent déterminées par la hiérarchie de groupe.
Dans les conditions naturelles et sous réserve que la population soit de grande taille, l’équilibre panmictique est la règle, donc avec le maintien  d’une forte hétérozygotie. Ce n’est plus le cas de l’ours des Pyrénées. 
Pour conclure, variétés, races, sous-tiroirs d’espèces, ne présentent pas le même risque d’appauvrissement de la biodiversité en cas de disparition que ce le serait pour une population sauvage représentative de l’espèce et à fortiori pour une espèce comme l’ours brun.


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