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"Le Vieux jardin" : histoire d'amour majuscule

Par Vierasouto

IM Sang-Soo, Festival du film asiatique de Deauville 2007, sortie DVD 23 avril 2008

Après l’assassinat en Corée le 26 octobre 1979 du président Park Chung-hee, le général Chun Doo-hwan s’empare du pouvoir par un coup d’état le 12 décembre 1979. Le 18 mai 1980, dans la province de Kwangiu, 5000 étudiants et civils manifestent contre la fermeture de l’université Jônnam, un certain nombre d’entre eux sont abattus par l’armée, le chiffre officiel étant de 200… Le 20 mai, l’hôtel de ville est pris d’assaut par les manifestants, le soulèvement s’étend ensuite à d’autres villes de la région et les insurgés commencent à s’armer pour résister.

Sur ce fond historique, le réalisateur sud-coréen Im Sang-soo commence son récit là où il l’avait terminé dans son précédent film «The President’s last bang». Fuyant la manifestation sur le conseil de ses camarades, un jeune militant socialiste, Hyun-woo, trouve refuge dans la montagne chez une sympathisante du mouvement étudiant, Yoon-hee, enseignante dans le village.

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photo Wild side video

Le film commence le jour de la libération de prison de Hyun-woo après 17 ans d’enfermement. Images sublimes dès la première d’un homme coiffé d’un bonnet pour dormir, d’un mur fissuré et suintant, des préparatifs de Hyun-woo avant de partir. A l’extérieur, la famille de HW l’attend, sa mère, surnommée reine de la spéculation immobilière, ne sait plus quoi faire pour accélérer sa réinsertion, le check-up médical, les petits plats, les vêtements chics dans les boutiques. Elle lui annonce pourtant la nouvelle, Yoon-hee est morte d’un cancer l’année précédente. La jeune femme a laissé une lettre pour lui, très beau passage où la lecture de la lettre débute en voix off et se poursuit visuellement en filmant le parchemin à l’écran avec écrit en bas de page un post-scriptum «ma sœur est morte il y a trois jours». Tout le long du film, HW se souvient et le récit fait l’aller et retour entre aujourd’hui et hier, il y a 17 ans…

Pendant six mois, Hyun-woo a vécu une histoire d’amour avec un A majuscule avec Yoon-hee. Pourtant, un matin, il est allé à Séoul en son absence revoir des camarades. Il est revenu dans la montagne pour en repartir définitivement peu après, pris de remords d’avoir abandonné la lutte. Mais à peine débarqué à Séoul pour la seconde fois, HW a été arrêté par la police et emprisonné.
 

Avant leur séparation, Yoon-hee coupe les cheveux de Hyun-woo en silence, un grand papier journal posé sur ses épaules, puis, elle l'accompagne jusqu'à l'autocar. C’est une des premières scènes du film sur laquelle on reviendra pour boucler le récit de l’histoire d’amour : un couple la nuit sous un parapluie, une pluie violente, ils vont se séparer avec peut-être la prescience que c’est pour toujours. De la banquette arrière de l’autocar qui l’emmène, HW regarde la silhouette de YH par la vitre embuée de pluie s’éloigner, image à l’écran du givre blanc de la buée sur la jupe blanche de la jeune femme. L’instant d’avant, la jupe de YH est éclairée par en dessous, l’emportant dans la lumière malgré la pluie et l’obscurité, comme déjà dans un ailleurs, c’est magnifique!

C’est dans cette maison où il a vécu six mois de bonheur 17 ans auparavant avec Yoon-hee que Hyun-woo revient après sa sortie de prison, dans des étagères, il retrouve le journal de celle qu’il considérait comme sa femme.


photo Wild side video

Si jusque-là le film est grandiose, la lecture du journal de Yoon-hee par Hyun-woo aujourd’hui revient sur la période où lui est déjà en prison et elle encore vivante, et c’est la partie du film la moins réussie. Conservant le procédé d’aller et retour en flash-back, le récit d’un mélodrame amoureux qui aurait dû, à mon avis, étreindre le spectateur par les affres de l’absence est partiellement gâché par l’omniprésence de la jeune femme dans le souvenir du passé ou en fantôme dans le présent venant se mêler à la foule comme dans une des dernière scènes du film. On m’objectera que le réalisateur a voulu mettre l’accent sur l’obsession de HW pour YH mais cet excès de présence de la jeune femme à l’écran est contre-productif, si je puis dire. Par ailleurs, c’est quand HW est en prison que le réalisateur choisit de nous montrer les manifestations étudiantes et les tueries alors qu'on aurait été plus sensible de les voir au début. Dernier petit reproche à ce film : le brushing impeccable du Hyun-woo (très séduisant au demeurant) quelque soit la période, brun hier, poivre et sel ou blanchi aujourd'hui, ça lui donne un petit côté sophistiqué qui s’accommode mal du contexte.

Le réalisateur fait preuve d’une certaine lucidité quand il laisse entendre que les étudiants révolutionnaires l’étaient davantage par ennui que par conviction politique, voir la scène d’un banquet d’anciens combattants qui s’enivrent. C’est un film qui essaye de démystifier le combat politique tout en lui rendant hommage, bien que ce ne soit pas le sujet du film dont le centre est la figure de la femme, Yoon-hee, refusant le sacrifice révolutionnaire pour la vie : celle qui appelait Hyun-woo «Monsieur soucis du monde» et attend que le car ait emmené celui qu’elle aime pour dire seule à haute voix sous la pluie «je te cache, je t’héberge, je te nourris, je te donne mon corps et tu t’en vas… bon vent, imbécile!»


photo Wild side video

Un très beau film avec une exceptionnelle première partie d’une grande beauté et d’une émotion contenue affleurant pourtant  à chaque instant.

Ecrit par vierasouto sur CinéManiaC/Allociné le 22/04/2007 

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