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Sécu : Comment faire mieux

Publié le 19 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Patrick de Casanove vient de publier un livre, Sécu : Comment faire mieux - Propositions d'un médecin de famille, aux éditions Tatamis. Nous vous en proposons la préface, écrite par Henri Lepage. 

Par Henri Lepage

Article publié en collaboration avec l'Institut Turgot.

Sécu : Comment faire mieux
Voici un travail qui mérite d’être soutenu et connu. Patrick de Casanove est médecin généraliste dans une ville du Sud-ouest ; mais il est aussi le Président du Cercle Frédéric Bastiat , une association landaise très active dont l’objet est de maintenir la mémoire et de faire connaître l’œuvre d’un des plus grands auteurs libéraux français de tous les temps, Frédéric Bastiat (mort en 1850).

Dans ce livre, Patrick de Casanove aborde un sujet délicat, et certainement très contraire à l’univers de pensée unique dans lequel nous baignons quotidiennement. À travers son expérience personnelle de « médecin de famille » (s’il est encore permis d’utiliser ce concept) et sa grille de pensée libérale, il nous livre non seulement une critique approfondie de ce qu’il faut bien appeler les méfaits de notre actuel régime de santé et d’assurance maladie, mais aussi une réflexion approfondie de ce que devrait être un réel système de soins libéral fondé sur le respect des valeurs universelles de liberté, de responsabilité et de solidarité (le véritable sentiment personnel de solidarité qui vient de la sensibilité humaine au malheur des autres, et non pas la fausse solidarité collectivisée et étatisée anonymement imposée d’en haut par les socialistes).

Qu’on ne s’y méprenne pas. Il ne s’agit pas de présenter une défense corporative de la médecine dite libérale, ce secteur particulier de notre système de santé qui résiste tant bien que mal aux dérives planificatrices et bureau-cratiques des contingences modernes ; mais d’expliquer comment l’application du paradigme libéral aux problèmes de la santé permettrait de nous mettre sur le chemin d’une organisation des soins répondant à la fois de manière plus efficace et plus humaine aux besoins des gens, dans le contexte d’une meilleure harmonie sociale.

Il est hors de doute que, dans un environnement plus que jamais socialisé et dominé par l’idéologie du « Politiquement correct », une telle réflexion apparaîtra à beaucoup particulièrement incongrue, irréelle et coupée de tout lien avec la réalité. Ce serait une profonde erreur.

Pour deux raisons. - d’abord parce que, qu’on le veuille ou non, que cela nous plaise ou ne nous plaise pas, un fait essentiel s’impose à nous : la Sécurité sociale dont les Français sont, semble-t-il, si fiers est un système qui – comme le souligne l’auteur de ce livre – n’est pas durable (ou soutenable pour reprendre un terme emprunté au jargon des écologistes anglo-saxons) ; celui-ci n’a aucune chance de survivre à l’effondrement du modèle européen d’Etat-providence déclenché, au sein de la zone euro, par la crise des endettements publics et celle subséquente de sa monnaie ; - ensuite, parce que le domaine de la santé est actuellement le siège d’une formidable mutation technologique qui, sauf à sombrer dans une nouvelle forme de totalitarisme (ce qui est toujours possible), rend inévitable un changement profond de paradigme pour tout ce qui concerne la pratique et l’organisation des soins de santé et tout ce qui y est lié (finance, assurance, prévoyance). Patrick de Casanove a le génie de commencer son ouvrage par la citation quasiment in extenso d’un passage des Harmonies économiques de Frédéric Bastiat où celui-ci décrit l’engrenage inévitable qui se déclenche dès lors que l’Etat prend sur lui-même d’écarter le jeu naturel des marchés et de la libre expression des solidarités humaines pour y substituer un monopole public de prestations financées par l’impôt. Tout y est : la politisation des décisions, la centralisation croissante, le jeu inévitable des groupes et coalitions d’intérêt, la bureaucratisation et son accumulation de gaspillages, l’accroissement des pouvoirs de police, puis l’échec final. Ecrit en 1848 (il y a donc 154 ans), ce texte est une formidable anticipation prémonitoire de ce qui s’est effectivement passé, et qui ne saurait se perpétuer sans catastrophe.

Selon la pensée dominante, la France donnerait l’exemple, en matière de santé, d’une « troisième voie » particu-lièrement réussie entre les systèmes de santé dits libéraux (comme les Etats-Unis) et les systèmes de santé totalement étatisés (comme en Grande Bretagne). La Sécurité sociale française est présentée comme une construction originale, qu’il ne faudrait pas confondre avec l’Etat, et dont la qualité des résultats serait reconnue au plus haut niveau international (cf. le célèbre rapport de l’Organisation mondiale de la santé, en juin 2000, faisant apparaître la France en tête du classement des grands pays).

Sécu : Comment faire mieux
En réalité, tout ceci tient de la pure mystification. Contrairement aux apparences, le régime de santé français n’est pas moins étatique que les autres. Depuis les réformes initiées par le gouvernement d’Alain Juppé en 1995 il a totalement basculé dans la catégorie des systèmes économiques centralisés et planifiés. De réforme en réforme, le système de santé français s’est enferré dans l’engrenage des procédures dites de « santé administrée », dont la caractéristique principale est de généraliser le recours à des techniques de rationnement bureaucratique de l’offre. Mais le fond du problème – les méfaits et effets pervers d’un régime fondé sur la quasi-gratuité des soins, et donc une gestion administrative de l’économie de la santé – n’est jamais abordé.

Or ces défauts – comme l’illustre admirablement Patrick de Casanove à partir d’exemples personnels tirés de son expérience quotidienne de praticien – sont de même nature que ceux qui, en son temps, affectaient l’économie soviétique. Et on sait où cela conduit. Comme en Union Soviétique, à l’époque de la Perestroïka et de la Glasnost, on croit qu’il suffit de changer les hommes, d’améliorer leur formation en méthodes de gestion moderne, d’introduire ici ou là quelques doses d’incitations marchandes bien calculées pour changer le devenir du système. Mais il n’en est rien. Tant qu’on ne modifiera pas la logique même du fonctionnement interne du régime, le système de santé français continuera de courir d’échec en échec.

La seule différence aujourd’hui est que le temps nous est de plus en plus compté. Pendant deux décennies, le système a pu survivre, et même se développer, grâce à la capacité de l’Etat français à s’endetter sur les marchés. Mais il est clair que désormais tout cela est fini. L’échéance se rapproche à grande vitesse, et c’est pour cela qu’il est plus nécessaire que jamais de se construire une vision de ce qui pourrait lui succéder. D’où l’intérêt des perspectives et réflexions tracées par l’auteur de ce livre. Bien qu’elles puissent apparaître à priori bien utopiques, celles-ci s’inscrivent en fait dans le contexte d’une révolution technologique accélérée qui renouvelle complè-tement les perspectives concrètement offertes pour la mise en œuvre de possibles solutions libérales.

Tous les discours sur la santé, son organisation et son financement reposent sur l’hypothèse d’une hausse exponentielle des coûts de production, entraînée par la sophistication croissante des technologies mises en œuvre. Ils ne tiennent pas compte de ce que l’intensité du progrès technologique dans ce secteur entraîne au contraire le développement de nouvelles façons d’approcher la maladie et la médecine qui, inévitablement, feront voler en éclat les ressorts de l’organisation monopolistique actuelle de la santé et de son financement, et devraient entraîner une formidable baisse des prix (comme cela se passe ordinairement dans toute industrie marquée par de puissantes avancées technologiques).

Les immenses progrès de la biogénétique annoncent en particulier une mutation radicale au niveau de la représentation même du concept de maladie et de la manière de la traiter. C’est un domaine où nous assistons à un véritable changement de paradigme. L’anatomie était la base traditionnelle de la médecine classique. C’est la cellule, avec ses gênes, ses récepteurs, ses altérations qui trône désormais au cœur du processus médical. Ainsi que cela a été exposé lors de plusieurs réunions de l’Institut Turgot organisées en 2010 et 2011 sur le thème « Médecine et Liberté » (2) , cette révolution fait basculer le système de soins classique vers un modèle de médecine personnalisée et hyper-ciblée qui sonne le glas des grands systèmes hospitaliers auxquels nous sommes habitués, au profit de formes nouvelles souples, hyper spécialisées et concurrentes de diagnostic et de traitement des maladies, ou encore de relations médecin/patient qui vont contraindre l’ensemble des professions médicales à repenser en profondeur leurs « business models ». Pour pleinement en tirer avantage, tôt ou tard nos sociétés devront s’affranchir des concepts d’assurance sociale, de redistribution et de régulation étatiques héritées de Bismarck et des idéologies planificatrices obsolètes, pour se doter de nouveaux modèles de provision de soins, d’accès à l’innovation et de financement conduits par des règles de liberté et de marché.

Rien n’est évidemment jamais assuré. Les obstacles institutionnels et politiques qui s’opposent à cette mutation sont immenses, et les résistances seront farouches. Néanmoins si j’évoque cet aspect (qui n’est pas traité dans ce livre), c’est parce qu’il permet de souligner à quel point, malgré des apparences contraires, la publication de ce travail arrive à point nommé.

Lorsqu’au début des années 2000, avec Jacques Raiman et le Professeur Pascal Salin nous avons créé l’Institut Turgot (un think tank – laboratoire d’idées – libéral, à l’époque localisé à Bruxelles), l’un de nos premiers projets fut de commander une étude qui permettrait de nourrir le point de vue libéral dans le débat français sur la réforme de la santé. Pour cela nous nous sommes tournés vers un ami québécois, le Professeur Jean-Luc Migué. Le résultat fut un petit livre publié en 2005 sous le titre « Santé publique, santé en danger » (Editions de l’Institut Charles Coquelin dirigé par Philippe Nataf).

Notre objectif était de faire bouger les idées, de faire prendre conscience à nos concitoyens de la nature de l’impasse dans laquelle plus d’un demi siècle de socialisme de la santé avait précipité le pays. Notre espoir était aussi qu’il suscite un mouvement d’intérêt susceptible de nous aider à prolonger la réflexion, par la réalisation et la publication d’autres travaux approfondissant certaines des thèses qui y étaient développées. Nous avons malheureusement vite déchanté devant la difficulté de la tâche, notamment celle de trouver les fonds qui en auraient permis le financement, mais aussi la réticence de certains – même libéraux déclarés – à s’engager dans un travail prenant trop ouvertement le parti de thèses en opposition radicale avec le pensé politiquement correct de l’establishment médical et politico-médiatique du pays.

C’est pourquoi, pour conclure, je n’hésite pas à saluer le courage du Dr Patrick de Casanove (et de son éditeur) en entreprenant cette publication. Je forme l’espoir qu’après avoir brillamment rappelé que des solutions libérales existent, et ce en quoi elles consistent, ce petit livre destiné au grand public ouvre la voie à d’autres travaux plus spécifiques qui permettront de préciser le contenu des réformes et des étapes nécessaires pour que le formidable message de liberté et d’initiative aujourd’hui dessiné par l’évolution technologique remplisse un jour toutes ses promesses – même chez nous.

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