Magazine Journal intime

La Vie en Rose

Par Eric Mccomber
Dans mon village, il y a trois cafés. Un café FN (extrême droite), le café de la fille du général (qui m'a fait un coup de gueule un jour que je parlais de pacifisme à des amis sur la terrasse), et le café des socialistes. Faute de mieux, c'est évidemment au café des socialistes que se retrouvent la plupart des estrangers, des non-fascistes et autres modérés, paumés, hippies, poètes, intellos et radicaux qui ne pourraient pas rester longtemps ailleurs sans se faire emmerder (preuve faite mille fois).
Au café du Jardin, pour ne pas le nommer, se regroupe donc une faune de toutes les langues et couleurs et, étrangement, c'est là qu'on entend le plus les formules de politesse désuètes qui ont tendance à tout bonnement disparaître dans toute la francophonie, pour ne pas dire dans l'occident (sauf en Bavière). Les simples bonjour et au-revoir y fusent régulièrement et, vous direz ce que vous voudrez, moi ça me plait bien. C'est ce que je ne sais plus qui appelait le lubrifiant social.
 L'autre jour, je croise un pote au coin de la rue de la Glissette.
— Oah, Stéphane, on ne voit plus, qu'est-ce qui se passe ? T'as déménagé ? T'as une copine à Marseille ?
— Ah, non, mon vieux. Je suis toujours sur Sauve, mais je ne vais plus au Jardin.
— Mais, mais pourquoi ?
— Beehssh… C'est que ça fait chier rose.
— Ah, ah, ah ! Mais c'est pas leur faute, t'as qu'à boire du rouge ! Ou du blanc !
— Non, non, spa ce que je dis. Ça fait chier rose. 
— Oooh… Je-com-pre-ends. T'es pas trop fan de Hollande…
— Quoi ?
— Tu préférais l'autre Bling-bling ? J'aurais pas imaginé… Ou fais-tu partie de ceux qui disent «mélanchons-nous, ça ira mieux»… Eh, eh, eh…
— Aaah mais nooon. J'ai pas voté. M'en fous. Tous des branleurs. Non, non. J'y vais plus parce que ça fait chier… Rose… Tu sais ?! Rose. Mon ex. Cappicce ?
— AH ! Rose ! Ton ex. Oui, oui. Je pige.
— Puton, c'est à la rame, les Canadiens…
Une très sympathique serveuse officie au café du Jardin depuis près d'un an. Son nom est Rose. Et comme nous sommes polis, dans ce café, et que ça boit un coup solide dans le sud de la Frangsse, on entend constamment, comme un bruit de fond lancinant, cette formule, mille fois répétée, en leitmotiv, idée fixe, un vrai mantra : «merci Rose, merci Rose, merci Rose, merci Rose, merci Rose, merci Rose».
Comme elle est maman, et qu'elle est un peu notre vecteur alcool, il n'y avait qu'un pas, que votre serviteur a fini par franchir, pour l'affubler de son nouveau surnom, ma foi, très brechtien. J'imagine que vous l'aurez certes deviné, sinon… entendu…
— Merci Rose.  © Éric McComber

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