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Les 12 clés de la stratégie des entreprises avec Xavier Fontanet

Publié le 25 septembre 2012 par Allo C'Est Fini
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Evénement extraordinaire ce matin, avec Xavier Fontanet, l’ancien PDG d’Essilor (récemment élu meilleur patron français par le classement Huade) venu présenter sa vision de la stratégie des entreprises au River Café: les 12 clés de la stratégie des entreprises.

Les 12 clés de la stratégie des entreprises avec Xavier Fontanet

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Pour commencer, Xavier Fontanet explique sa sortie d’Essilor, qui n’est pas sans rappeler ce qui est dit dans « Built to last« : successeur en interne, deux ans de transition, puis Mr Fontanet quitte définitivement Essilor pour laisser son successeur faire son travail. Depuis, Mr Fontanet voyage beaucoup, parle beaucoup, et constate la grande méconnaissance des français sur le monde de l’entreprise par rapport au reste du monde: même en Chine, on s’intéresse à l’actionnariat salarié! Il a donc publié un premier livre « Si on faisait confiance aux entrepreneurs« . Très fortement demandé (plus de 500 demandes dans le pipe), il s’intéresse à une approche originale de l’économie, par le biais de la stratégie. Cette vision s’appuie sur les travaux de Bruce Henderson, ex président du BCG, qui mériterait un prix Nobel d’Economie.

La grande crise d’aujourd’hui, c’est que les états sont eux aussi en concurrence.

Les gens ne s’intéressent plus à la théorie, mais aux cas pratiques. C’est pourquoi le cours de Xavier Fontanet est construit à partir d’exemples.

La stratégie, c’est comprendre son concurrent, plus que son marché. Premier exemple, la rencontre avec Sato San. Le contexte: Essilor, PME française comme les autres, où travaillent des gens normaux, comme les autres, mais qui a réussi à se propulser au rang mondial.  Petite remarque: dans les métiers un peu désorganisés, les français réussissent (luxe, BTP, assurance, etc.) mais dans les métiers à process rigide (automobile), ils sont mauvais. Leader en Europe, Essilor a gagné les US en 1995, puis s’est marié en 2000 avec Nikon pour contrer son principal concurrent Hoya.

En 2006, Sato San, patron de Vision Care le contacte pour une rencontre privée: grand moment de stress, dans la tête de Mr Fontanet, qui pense que Sato San va lui annoncer la rachat de Zeiss par Hoya. Le diner a lieu dans un grand restaurant, la compétition va jusque dans les menus choisis… Et là, Sato San annonce non pas un rachat, mais son départ en retraite. Plus, il explique à son interlocuteur que depuis 15 ans, il sait chaque jour où il se trouve: « tous les matins, je me dis aujourd’hui je casse Essilor. Et là, je ne me suis jamais senti aussi proche de vous« . Respect total, émotion, larmes. La réponse de Mr Fontanet fuse: « Sato San, sans Hoya, nous n’aurions jamais monté Essilor à ce niveau« . C’est ça la concurrence: elle fait grandir tout le monde, mais il faut l’accepter. Le meilleur exemple, c’est Federer, qui n’a jamais hésité à aller se payer Sampras, pour prendre des raclées au début, puis pour le battre. C’est Sampras qui a permis à Federer de se hisser, et c’est par Nadal et Djokovic qu’il s’est maintenu à ce niveau.

Les 12 clés de la stratégie des entreprises avec Xavier Fontanet

Les 12 clés de la stratégie. C’est une application iPad, partie d’un cours d’HEC. La stratégie, c’est plus un problème de psychologie que de technique: « La stratégie, c’est du pif et des tripes« , « Derrière Alexandre se profile Aristote« . Il s’agit de 12 cours, le plus petit prend 20 minutes, le plus long prend 2 heures. Une connexion permet de passer sur des contenus filmés à l’intérieur. Chaque chapitre commence par un petit topo.

Première idée. Il y a 2,5m d’entreprises en France, dont 1,5m de plus de 100 salariés. C’est gigantesque. En se levant le matin jusqu’à aller au boulot, on fait travailler quelques milliers d’entreprises. C’est la grande bagarre entre Keynes et Hayek. Keynes a intellectualisé et moralisé l’intervention publique, il vaut mieux se plonger dans Hayek. L’économie est un grouillement, c’est comme un tas de rouage: si on met de l’huile, ça marche, si on met de la graisse ça coince.

Deuxième idée. Les prix n’évoluent pas de manière uniforme. C’est le travail réalisé par le BCG qui abandonne la vision traditionnelle de l’économie, basée sur des prix fixes, mais s’intéresse à une dynamique des prix. La grande découverte, est plus intéressante que la loi de Moore: c’est la courbe d’expérience (la loi de Moore n’en est qu’un corollaire). La courbe d’expérience permet de penser à long terme. En gros, sur une échelle logarithmique, les prix décroissent de manière linéaire. C’est une idée maîtresse, qui devrait être enseignée dans les écoles. L’exemple du prix du téléphone est éloquente: une pente de 76% sur les 80 dernières années. Et pourquoi? Parce que les volumes ont été multiplié par 100 millions. Idem pour les prix des microprocesseurs: on a multiplié par 100 milliards: sic transit la loi de Moore…

Troisième idée. Si les prix descendent, les coûts descendent, exactement comme les prix. Dans toutes les industries, si vous avez accès aux coûts sur de très longues périodes, on constate le même type de courbe: dans les éoliennes, le transport aérien, le chemin de fer. Les courbes d’expérience dans le transport permettent de faire descendre les prix allègrement.

Quatrième idée. Il faut raisonner en part de marché relative. Tous les acteurs n’ont pas les même coûts.

Cinquième idée. Dans les marchés locaux, de service, plus la densité est forte, plus la croissance est forte. L’exemple de Beneteau est éloquent. Un constat: les rentabilités des concessions sont fonction des parts de marché dans le port. C’est une courbe de coût inversée: celui qui a des parts de marché importantes a des coûts plus faibles. Mais il faut aussi faire attention à une autre caractéristique: le monde de la production est mondial, le monde des services est local. Mais si on est ambitieux, on peut grossir considérablement. Autre métier local: les maisons intelligentes (la domotique): lumière, chauffage, télévision, etc. Sur un exemple concret d’installateur, la stratégie optimale, c’est de devenir leader de sa ville; une fois que c’est fait, on va conquérir le reste. Dans la grande distribution, c’est la même chose: les acteurs sont dominants sur un territoire (Auchan, Casino, etc.)

Sixième idée. Bien définir son métier.

Septième idée. Pour faire de la croissance, il faut réinvestir ses résultats: il y a une idée capitale développée, qui lie croissance à politique d’investissement. Pour la première fois, on relie finance et stratégie (ce qui n’est pratiquement jamais fait dans les écoles de commerce!). La croissance, c’est le résultat moins le dividende.

Huitième idée. L’exemple frappant, c’est le petit qui frétille contre le gros qui roupille: Beneteau vs. Jeanneau. En 1976, jeanneau écrasait Beneteau, mais ne réinvestissait pas son dividende. Alors que Beneteau, plus petit et moins rentable, ne payait pas de dividendes, et s’endettait à hauteur de son bénéfice: deux fois et demi plus petit, il investissait deux fois et demi de plus. Ca demande du courage et de l’abnégation, mais au final, ça a payé.

Neuvième idée. Croissance et orgueil. Explication très simple du chapitre précédent: le leadership génère l’orgueil (et l’orgueil est au centre de l’économie). Toute l’histoire est faite de chutes de leaders orgueilleux. Les dynasties chinoises, par exemple, ne durent que 4 générations (contrairement à l’idée commune de stabilité…). Il y a eu 15 dynasties chinoises en 2000 ans, ça pète tous les 50 ans là-bas…

Dixième idée. L’impact de la bourse. Il y a eu des choses horribles qui s’y sont passées, mais il y a eu aussi de remarquables inventions, il faut arrêter de jeter le bébé avec l’eau du bain. La vraie bourse valorise l’entreprise au résultat (exemple d’Essilor).

Onzième idée. Croissance organique ou par acquisition? une question de timing. Et de psychologie aussi, semble-t-il: chez Essilor, 150 acquisitions n’ont conduit qu’à un départ… On fait de l’organique en début de cycle de vie, de l’acquisition en période de stagnation. C’est comme au tennis: il faut de la volée ET du fond de court … comme Federer…

Douzième idée. Comprendre les 4 grandes situations stratégiques (idée popularisée au BCG), selon la part de marché relative, et la croissance.

Quelques exemples pour finir. Une analyse du marché du jeu vidéo sur la période 1995 à 2010. Le net est le métier avec la courbe d’expérience la plus terrifiante, car à la fin il ne reste plus qu’un seul acteur… Quand s’est perdu, soit on segmente, soit on se vend, et de manière intelligente. Chez Essilor, ils se sont désinvestis de 4 métiers, non pas en se vendant au plus offrant, mais en se vendant à celui qui offrait le plus de potentiel, de manière intelligente, pour conserver les équipes: les 4 structures existent encore…

Dans l’économie, il faut laisser les métiers nouveaux tuer les anciens. Mais la presse malheureusement ne cherche qu’à se lamenter sur le sort des boîtes qui ferment. Or une entreprise qui tombe crée du cash, alors qu’une entreprise qui croit avale du cash. L’ancien métier finance celui qui le substitue… C’est très dur à comprendre pour un esprit français, cartésien ou colbertiste. D’autres peuples le comprennent très bien.

Le livre s’achève sur un mur de citations, tirées de grands guerriers. Le parallèle entre  la guerre et l’économie doit s’arrêter là: à la guerre, il y a un perdant, alors qu’en économie, tout le monde gagne. Mais les grandes idées demeurent.

Question: quid de l’innovation?

Tout le monde associé l’innovation à la technologie, alors que cela ne suffit pas. Exemple d’Essilor: une bonne vision, ça change la vie: ça rallonge la vie, dit-on en Chine, ça permet de faire des études, de mieux se concentrer, de ne pas se laisser importuner par la correction que doit faire le cerveau, etc. L’optique, c’est un tas de métiers avec plein de complexité: de la conception à la production, à la distribution, à la vente. Chaque verre est calculé à l’unité: on est passé de 1h de calcul à 30secondes pour les verres complexes! Sans parler des métiers de la finition. Au total, 100 métiers différents, qui ont tous besoin d’être révolutionnaires, jusqu’aux financiers ou aux juristes. L’innovation est partout, en réalité. Chaque personne est géniale, à condition que lui donne les moyens d’exprimer son génie. Chacun est stratège. Mais pour cela, il faut donner un peu de capital à chacun.

Quelle est la différence entre un stratège comme Jobs et d’autres?

Parce qu’il a réussi à refaire les mêmes coups avec plein d’acteurs différentes: cinéma, maisons de disque, téléphonie, etc.


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