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Retour des sondages à l’Elysée : une bonne nouvelle pour la démocratie

Publié le 25 septembre 2012 par Delits

Cette tribune de Délits d’Opinion a été publiée sur le site de l’Express.fr

Pendant la campagne de 2012, au détour d’un entretien au JDD, François Hollande prend cet engagement : il n’y aura plus de sondages commandés par l’Elysée. Un énième contrepied à Nicolas Sarkozy, réputé pour sa consommation ardue des sondages. Selon Raymond Avrillier, militant écologiste qui avait révélé l’affaire, l’Elysée aurait commandé entre 2007 et 2009, 264 enquêtes pour un montant de 6,35 millions d’euros. Si, dans une phase électorale, il peut paraître politiquement habile d’affecter un dédain pour les enquêtes d’opinion, le revirement de l’Elysée, démontre que dans l’exercice de la fonction, les sondages représentent un outil indispensable à la prise de décisions.

Les enquêtes irritent bien sûr par leur omniprésence qui laisse cours à tous les fantasmes. Depuis le premier sondage réalisé en 1938, sous la houlette de l’institut IFOP, la production n’a cessé d’enfler. Selon la commission des sondages, plus de 400 intentions de vote auront été réalisées en 2012 contre 293 en 2007. Pour ses contradicteurs, les sondages, miroir narcissique, feraient louvoyer les élus au gré des humeurs de l’opinion.

En réalité, si l’Elysée fait volte-face, c’est parce qu’il constate l’impossibilité de diriger sans tableau de bord. Face à l’érosion inquiétante de la popularité du Président, les conseillers, dont Aquilino Morelle, étaient comme ces médecins impuissants, qui voient le patient s’étouffer sans pouvoir l’ausculter. Car, les sondages sont d’abord ce scanner qui évalue la santé du lien social entre citoyens et exécutif. Qui décortique les ressorts de l’impopularité, et si cette dernière est compatible avec l’action.

Les enquêtes d’opinion sont donc essentielles à la conduite des réformes qui doivent se faire avec le peuple. Choix du tempo, sélection des mots qui permettront de convaincre : les groupes qualitatifs, les entretiens individuels réalisés en amont des grandes décisions, calibrent les prises de parole à même d’obtenir l’assentiment, la bienveillance ou tout au moins la neutralité des compatriotes. Alain Juppé avait probablement raison, en 1995, de s’attaquer à la réforme des retraites. Mais la raison ne vaut pas grand chose si l’opinion pense le contraire de ses dirigeants.

 Enfin, les sondages sont aussi le trait d’union entre les Français et la prison dorée du Faubourg-Saint-Honoré. On accuse à juste titre les Présidents de se bunkeriser dans leur palais de la République, d’ignorer l’homme de la rue, d’être si loin de ses préoccupations. Et on voudrait en même temps rompre un de ces rares fils qui le rattachent, parfois violement, au réel.

Dans cette perspective, l’annonce de l’Elysée est d’ailleurs à replacer dans le contexte de reprise en main de l’action gouvernementale présentée par François Hollande lors de son oral au 20h de TF1 le 9 septembre dernier. Un président qui veut rester en première ligne est un président qui doit avoir une prise directe avec l’opinion de ses concitoyens

Au final, si le bien-fondé de ces enquêtes ne saurait être remis en cause, à condition d’en faire une conduite raisonnée et tant que les sondages ne pilotent pas à la place du capitaine, une question demeure. Les sondages ont-ils vocation à demeurer secrets ?

Certes, l’argent des sondages provient des citoyens. Il pourrait sembler sain que les partis d’opposition, tout comme les citoyens puissent avoir accès aux résultats des ces enquêtes qui les concernent au premier chef. Ce serait probablement la meilleure réponse aux soupçons de manipulation.

Dans le même temps, savoir sur quoi l’exécutif sonde, c’est lire dans ses cartes, découvrir ses options, ses reculades, ses illusions, ses mensonges… Cette question ramène donc à une autre, plus complexe, et que se posent tous ceux qui exercent où côtoient les responsabilités politiques : le pouvoir est-il un vraiment un exercice permanent de démocratie ?

Retrouvez la tribune sur le site de l’Express.fr http://www.lexpress.fr/actualite/politique/retour-des-sondages-a-l-elysee-une-bonne-nouvelle-pour-la-democratie_1162171.html?xtmc=retour_des_sondages&xtcr=6


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