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La pluie d’automne

Publié le 04 octobre 2012 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Lorsque je raconte que tous les jours j’emmenais mon chien (disparu aujourd’hui) pour une promenade dans les bois, il arrivait que l’on me réplique : « Par tous les temps, vraiment ? ». D’abord, le chien aime-t-il un temps de chien ? Non, sans doute, puisque l’expression signifie que ce n’est pas un temps à mettre un chien dehors.

Ensuite faut-il que le temps soit beau pour se promener ? Nous sortirions peu souvent en Belgique ! Au contraire, la diversité de notre climat est une incitation à découvrir les choses sous un autre angle, de jour en jour. Qui n’a pas eu envie, lors de vacances uniformément ensoleillées, de climatisation, d’ombre, de fraîcheur, de lac glacé, voire d’une prairie verte tendue de fils de la vierge, ces fils d’araignées soyeux comme échappés du fuseau de Marie, dans l’aube naissante ? Est-ce d’avoir grandi et vécu au sein de notre climat tempéré, avec les années rythmées par quatre saisons, qui nous rend sensibles aux nuances, aux modifications et aux variations météorologiques ?

Dans « Paroles », Jacques Prévert a fort bien expliqué la chose : « Non la terre ne se saoule pas / la terre ne tourne pas de travers / elle pousse régulièrement la petite voiture des quatre saisons… / la pluie… la neige… / la grêle… le beau temps… »

Et nous voici en automne, avec ses nuits plus froides, avec la brume matinale, avec la pluie ! Toutes les formes de pluies nous sont proposées : de l’averse à la bruine. Cela change la sensation de l’eau sur le visage et le bruit des gouttes sur le parapluie. A ce propos nous reviennent forcément les silhouettes de Debbie Reynolds, de Cyd Charisse et de Gene Kelly dans « Singing in the rain » de Stanley Donen. C’était en 1952, mais c’est quasi éternel !

Après cette référence cinématographique, – Ah ! Ces « ploufs » des bottes dans le caniveau (Plouf : bruit d’un corps dans l’eau, dit Pierre Enckell dans son « Dictionnaire des onomatopées ») – une référence dans le monde de la chanson : « J’écoute la pluie, douce pluie de septembre, qui tombe dans mon lit. Le jardin frissonne. Toutes les fleurs ont pleuré pour la venue de l’automne et pour la fin de l’été. Mais la pluie fredonne sur un rythme joyeux : tip et tap et tip top et tip et tip tip et tip et tip top et tap. Voilà ce qu’on entend la nuit : c’est la chanson de la pluie ». C’est ce qu’écrit et chante l’immortel Charles Trenet en 1939 ! (Tip : bruit des gouttes d’eau, dit le même dictionnaire en citant comme exemple une comptine de Corinne Albaut « Tip tip tip, c’est la pluie sur le toit. »)

Mais pour jouir encore plus intensément de la pluie, il faut le parfum de la terre mouillée, celui des fleurs secouées, celui des fougères scintillantes, celui de l’humus dans le sous-bois. Comment être mieux en accord avec la nature ? Les cinq sens interviennent : vous sortez la langue pour le goût de la pluie, le toucher se passe sur votre front et vos joues et nous venons de parler de l’ouïe, de l’odorat et de la vue.

Cette pluie peut aussi remuer votre mémoire profonde (et à chaque fois c’est un ressourcement) et vous redire une attente amoureuse sous la pluie, un grand jeu scout dans les sentiers détrempés, les sandales enfoncées dans le sable mouillé de la plage désertée.

Mais j’en reviens à la promenade sous la pluie en forêt. J’en reviens surtout à ce temps présent, qui passe et qui est à vivre toutes affaires cessantes  en donnant, en écoutant, en aimant… Faites-le maintenant ! N’attendez plus ! Un magnifique texte de Norge dans « Les cerveaux brûlés » en 1969 (Le texte introductif du recueil me reste en mémoire à jamais : «Se méfier des idées trop chaudes. Ça ne se voit pas tout de suite : vous en prenez, vous ne faites pas attention. Et ça y est : vous êtes un cerveau brûlé. On continue à vivre, mais il y a des voisins qui ne supportent pas cette odeur de roussi. »), un superbe poème donc le dit si bien dans « Feuille morte » : « Parmi toutes les feuilles tombées de novembre, il y a tout à coup une feuille qui a quelque chose à te dire. Tu la ramasses. Elle va parler. Tu l’écouteras tout à l’heure. Quand tout à l’heure est arrivé, la feuille a tout dit dans ta poche. Tu n’as rien entendu. Et la feuille est morte. »

La pluie d’automne



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