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« How am I not une vraie québécoise ? »

Publié le 06 octobre 2012 par Jclauded
Son nom est Jennifer Sykucci de Saint-Hubert, Québec. Elle est désespérée face à son statut de québécoise. Dans une chronique du journal « the Montreal Gazette », elle vient d’exprimer l’angoisse qu’elle vit en rapport avec son identité. Je connais plusieurs personnes qui vivent une telle situation.
Jennifer a fait ses classes élémentaires et secondaires en langue française. Mariée depuis 19 ans à un Québécois pur-laine, ils ont deux adolescents parfaitement bilingues. Chez elle, on parle le français et l’anglais. Avec ses amis et les enfants du voisinage c’est le français. Son identité est trahie par son accent et la façon anglaise qu’elle a de s’exprimer.
Le cimetière de l’île d’Orléans témoigne que ses ancêtres maternels sont des Québécois de souche remontant jusqu’au 17e siècle à Dieppe. Il y a plus de soixante ans, ses grands parents paternels arrivent au Québec, avec leur fils, leur vie et rien d’autres, de la Pologne et de l’Allemagne, pays occupés par les nazis. Son père parle l’anglais et le français avec un fort accent.
Jennifer est fière de ses deux branches d’ancêtres qui lui enseignent ce que ce sont le travail et la liberté. Jeune, elle est affectée par la discorde linguistique autour de la loi 101. La tension entre les communautés anglophone et francophone monte dans son milieu de la Rive-sud. Elle devient aux yeux de plusieurs, l’« anglaise ». Durant cette période difficile, elle rêve aux USA, un endroit où elle se sentirait complètement à l’aise intellectuellement et linguistiquement, pense-t-elle. Finalement elle ne part pas et vingt-deux ans plus tard, elle est en amour avec le Québec.
Elle lit le français et l’écrit parfaitement sans devoir référer à une grammaire. Elle parle les deux langues et n’en préfère aucune. Avec son mari et ses enfants, elle utilise les deux langues. Pour ses parents c’est le français, pour son père c’est l’anglais.
Chez le dentiste, le médecin ou pour autres services, on lui demande dans quelle langue veut-elle être servie, elle répond celle que son interlocuteur préfère. Quelques fois, elle oublie un mot français ou un mot anglais. Mais cela, ça arrive à tout le monde !
Jennifer aime les langues française et anglaise et se dit bénie de les connaître toutes les deux. Elle explique que lorsqu’elle va partout au Québec, au Canada, aux USA, en France et autres nations francophones et anglophones,elle n’est jamais perdue et comprend toutes les indications routières ou les explications verbales de ceux qui l’aident à trouver son chemin. Dans le monde, on la voit comme une canadienne-française.
Malgré tout cela, elle se considère une québécoise anglophone. Si elle devient émotionnelle, c’est l’anglais qui ressort. Si elle devient passionnée pour un sujet, c’est en anglais qu’elle exprime mieux ses sentiments.
Son fils, comme sa mère, se voit comme un anglophone. Une fois, à l’école maternelle où elle l’avait inscrit pour mieux apprendre son français, il rencontre des parents d’élèves et se présente en anglais. Un père lui fait remarquer sèchement : « Parle français, on est au Québec…icitte ». Cet incident la marque négativement et elle s’en rappelle encore. Il y a à peine quelques jours, suite à l’élection du nouveau gouvernement, son fils revient de l’école avec un air blessé et dit à sa mère : « aujourd’hui on m’a dit à l’école que je n’étais pas un Québécois ! ». Encore une fois, Jennifer ressent son cœur souffrir.
Si le gouvernement oblige les francophones à fréquenter exclusivement les CEGEPS français, son fils devra s’y inscrire même si un CEGEP anglais correspondrait mieux à ses ambitions académiques et futures. Le fait qu’il soit parfaitement bilingue ne change rien. Jennifer se souvient de son rêve de jeunesse et espère que son fils n’arrivera pas à la même conclusion soit celle d’aller vivre sur le sol américain.
Jennifer et ses enfants se sentent réprimés. Elle pose des questions :
Ne serait-ce pas votre sentiment, si votre gouvernement vous rappellait quotidiennement qu’il veut faire voter des lois pour vous mettre à votre place ?
Ne serait-ce pas votre sentiment, si les gens qui vivent près de vous, vous regardaient avec un certain mépris et vous disaient que même si vous avez vécu toute votre vie avec eux dans la même communauté vous n’êtes pas un des leurs ?
Ne serait-cas votre sentiment, si toute votre vie vous aviez fait tous les efforts pour être un vraie québécoise, apprendre la langue française… que vos concitoyens vous méprisaient comme si vous n’en aviez pas fait assez ?
Ne serait-ce pas votre sentiment, si comme adulte vous viviez dans un des meilleurs pays du monde libre et que vous ne pouviez pas choisir l’éducation la mieux adaptée à vos besoins ?
Le gouvernement Marois ne pourra probablement pas mettre en application les lois qu’il préconise à cause du fait qu’il est minoritaire, mais c’est surtout le tort qu’il représente pour les anglophones qui les effraie.
Jennifer est choquée parce que son fils se sent comme un citoyen de seconde classe. Elle est née au Québec, y a vécu toute sa vie et veut y mourir. Pour elle, le Québec du PQ, n’est pas son Québec. Elle parle français. Elle parle anglais. Elle est une anglophone. Elle est une Québécoise.

Le texte qui précède est puisé presqu’entièrement dans celui de Jennifer qui a paru le 1er octobre dans le journal Gazette. J’ai cru bon l’utiliser pour en faire un billet de mon blog. Je crois qu’il nous faut, nous les francophones, réfléchir sur les sentiments qui animent nos voisins et amis anglophones.
Jennifer est un vraie Québécoise même si son texte s’intitule « How am I not une vraie québécoise ! ». Avec ses parents et son mari, elle a toujours travaillé durement pour assurer à sa famille une bonne éducation, une bonne vie. Ils sont tous bilingues. Je comprends leurs frustrations devant les discours de certains politiciens qui parlent comme si au Québec, il n’y avait que des francophones. Ce n’est pas correct.
L’accès obligatoire des francophones aux CEGEPS français, que veut imposer le nouveau gouvernement, est non seulement pas nécessaire mais, à mon point de vue, un accroc à la liberté de l’individu.
Nos enfants sont francophones parce qu’ils sont issus d’un milieu familial français. Suite à leur éducation primaire et secondaire, ils ont, actuellement, le choix d’entreprendre leurs études collégiales dans un CEGEP français ou anglais. Il en est de même pour l’université. Parmi eux, une minorité choisit le CEGEP anglais, soit pour parfaire sa connaissance de la langue anglaise, soit pour profiter du curriculum particulier d’une de ces institutions ou encore des ouvertures qu’elle génère sur le milieu du travail. C’est son choix. C’est don droit. Une chose est certaine, on ne fera jamais un anglophone d’un enfant francophone.
Ceux qui comme le fils de Jennifer grandissent dans un milieu familial bilingue avec un père français et une mère anglaise ou vice versa, ont la possibilité d’être francophone ou anglophone. Certains diront que c’est un avantage. Lorsque le fils de Jennifer a choisi d’être anglophone, cela a choqué son père, même s’il est parfaitement bilingue et qu’il soit qualifié de francophone par la loi (à cause de la langue de son père). C’est son choix. C’est son droit. Lui enlever le droit d’accéder à un CEGEP anglais est un geste injuste et pas correct.
Par ailleurs, certains jeunes anglophones choisissent le CEGEP français pour améliorer leur capacité de parler français. C’est leur choix. C’est leur droit. Est-ce que la nouvelle loi les empêchera d’accéder à un tel collège ? Sûrement pas. Alors….
Le nouveau gouvernement doit oublier cette promesse électorale qui viendra tout chambarder et qui est tissée d’injustices.
Claude Dupras

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