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Rien n'est plus vivant qu'un souvenir (Federico Garcia Lorca)

Publié le 28 février 2008 par Rafaele

749363071_smallSéquence 1. 5 novembre 2007. Je l'avais provoqué. il ne s'est pas démonté et a répondu oui. Il a bien fallu que j'assume. J'y suis allé. Cela faisait six ans que je n'avais pas vu son corps dénudé. Je me suis approché de lui et l'ai embrassé. Puis mes mains ont parcouru son corps et nous nous sommes laissés aller, dévorés tout à la fois par la gêne et le plaisir. Quand nous eûmes fini, il exprima le regret de la facilité que peuvent avoir deux amis à s'épancher ainsi. Je lui confiais que, pour ma part, je n'avais nul regret. Je n'ai pas traîné et suis rapidement sorti de chez lui. Sur le chemin du retour, j'ai porté ma main à mon visage et j'ai senti l'odeur de sa peau... la douce odeur de sa peau.

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Séquence 2. 15 novembre 2007. Je suis descendu à la station Charles Michel et j'ai remonté la rue Saint-Charles. Voilà bien un an que je n'avais pas mis les pieds dans ce quartier. Il n'a pas changé : quelques magasins ont disparu, bien vite remplacés par d'autres enseignes. Mon coeur battait car je savais que bientôt je le verrais. Cent fois mes pas ont foulé le macadam des trottoirs, cent fois, que dis-je mille fois peut-être, ils m'ont conduit là-bas. Je n'ai pas oublié. Et ce soir, pourtant, je me sens un peu étranger, perdu et troublé comme un Adam qui chercherait à forcer les portes de son paradis disparu. Mais voici que déjà se profile l'Eden au milieu de la rue de Javel : il s'élève droit et fier l'immeuble haussmannien. Je m'arrête et le regarde depuis le trottoir qui lui fait face. De ma main, je fais mine de toucher la façade. Qu'elle me semble imposante aujourd'hui cette bâtisse. Les souvenirs se bousculent dans ma tête : je pense à la cheminée prussienne, au parquet, à la chambre jaune, à la cour ensoleillé, au balcon que nous avions embaumé de jasmin. Où est-il d'ailleurs ce balcon ? Je lève la tête et je compte : un, deux, trois... quatrième ou cinquième étage ? Allons donc... voilà que soudain je ne sais plus. Elle me semble bien différente cette façade : bien trop propre, bien trop neuve. Ma mémoire m'aurait-elle trahi ? Non, il est bien là ce petit balcon : au quatrième étage, nu, dépouillé, sans même un chat pour s'y prélasser. Soudain l'émotion est montée. Je n'ai pas chercher à la contrôler. J'en ai connu des petits logis, mais celui-ci... celui-ci...

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Séquence 3. 12 février 2008. Je suis monté dans l'ascenseur et me suis calé au fond, comme à mon habitude, près du miroir. J'attendais patiemment que s'effectue la descente des dix-huit étages, quand, soudain, l'ascenseur s'immobilisa. Les portes s'ouvrirent mais curieusement personne n'entra. Les parois coulissèrent et l'ascenseur reprit sa course. Mais il flottait maintenant dans l'espace confiné une odeur bien particulière, probablement happée, lors de cet arrêt inopiné, à l'étage supérieur. Cette odeur ne m'était pas étrangère et je l'ai bien vite identifiée. Au fond de ma mémoire, des bribes de souvenirs jaillirent et commencèrent à s'imbriquer les uns avec les autres : des carreaux de céramique jaune, un robinet qui goutte, une porte donnant sur la cour... cette odeur, c'était celle de l'arrière-cuisine de mes grands-parents. Combien de temps ai-je flâné dans cet endroit dont l'accès ne m'était pas destiné ? Des heures sans doute... Et pourtant j'en avais oublié jusqu'à l'existence. Qui aurait pu croire, ce matin-là, que mon ascenseur m'eût offert une plongée quasi abyssale dans les méandres de mes souvenirs d'enfant ?


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