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Radiohead à Bercy : oui, merci !

Publié le 12 octobre 2012 par Albumsono

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Il a beaucoup été dit qu’aller voir Radiohead en concert, c’était un peu comme se rendre à la messe. La foule de fidèles s’y pressait religieusement écouter ses idoles, dans le calme qui sied à l’écoute d’une parole divine bien connue de tous. Pourtant, aller voir Radiohead en concert en 2012 ressemble davantage à une visite de musée. Non pas celle des statues de cire de Grévin figées à jamais dans l’immobilisme. Plutôt celle du musée Beaubourg, disons. En regardant le groupe jouer ce 11 octobre à Bercy, les références qui nous venaient en tête étaient les travaux de Gerhard Richter ou de Yayoi Kusama récemment exposés à Paris plus que n’importe quel autre groupe de pop rock contemporain.

Les concerts de Radiohead donnent ainsi une vision très juste de c’est qu’est devenue la bande à Thom Yorke aujourd’hui. Une entité artistique complète qui d’album en album n’a eu de cesse d’élargir sa palette comme un peintre qui explorerait une nouvelle couleur avec chaque toile. Le concert donne alors une vision complète de la toile. Il n’y a d’ailleurs qu’à regarder la très belle scénographie mise en place par le groupe. Les écrans, comme suspendus dans les airs, décortiquent chaque détail de la performance, chaque chanson étant en plus donc associée à une série de couleurs changeantes suivant l’humeur du morceau.

Il s’agit donc ensuite pour le groupe d’explorer consciencieusement chaque aspect de cette palette musicale, avec un sens savant de l’équilibre. Les 24 titres joués ce soir-là alternent morceaux anciens et plus récents – de Street Spirit à SuperCollider –, classiques (Paranoid Android, Lucky…) et pépites obscures (la face B Meeting in the aisle, Staircase…), moments d’émotions et de transe, piochant dans quasiment tous les albums de leur discographie (seul Pablo Honey sera complètement ignoré). Bonus, Thom Yorke offrira même une belle reprise d’Unravel de Björk en introduction d’Everything In Its Right Place lors du deuxième rappel, un drapeau Free Tibet couvrant son clavier.

Lotus Flower, Airbag, Bloom, Kid A… les premières minutes du long set de 2h20 nous plongent de plein pied dans l’obsession grandissante de Radiohead pour les rythmiques. Un deuxième batteur vient épauler Phil Selway quand ce n’est pas Johnny Greenwood qui tâte lui aussi de la baguette. Et ce, sans compter l’ajout de beats électroniques. On se demande presque quand Radiohead virera complètement dans la batucada. Les machines sont très présentes jusqu’au vocoder transformant la voix de Thom Yorke en une étrange parole mutante. Les anciens morceaux de la période Kid A-Hail To The Thief sont retravaillés, comme passés à la moulinette d’un ogre déconstructeur signé sur le label Warp. C’est ici qu’on pense aux dernières toiles de Richter dans lesquelles il décompose des détails de ses tableaux abstraits par ordinateur pour les recoller ensuite avec une infini variété. La puissance mélodique du groupe est mise en sourdine par les vrilles électroniques et les beats lourds que viennent seulement attenuer les riffs rageurs de Bodysnatchers.

Meeting in the aisle sert de transition vers des plages plus douces. Nude, Pyramid Song, Reckoner… Radiohead nous offre une pause lente, romantique, sensuelle et radieuse. Manière d’amadouer le public avec une effacité renversante et prouver que si le groupe évolue vers toujours plus de sophistications, il n’en oublie jamais les vertus de la simplicité. Notre cœur conquis, les Anglais attaquent ensuite le sprint final qui ira de There There à Paranoid Android. Accélérations, lâcher prise… la musique s’emballe et nous avec, l’écoute posée des débuts faisant peu à peu place à un déversement de sueur. On retrouve la puissance des rythmiques du début au service d’un son plus rock.

Peu bavard comme à son habitude, Thom Yorke sautille, danse, bouge bizarrement dans tous les sens. Bref, semble heureux d’être là et d’assurer le spectacle comme d’ailleurs tous ses comparses. A la fin du set, le groupe applaudit longuement le public qui le lui rend bien. Deux rappels suivront, dont on retiendra les jouissifs Street Spirit et Lucky donc, dans des versions proches de celles des albums, mais aussi un très beau Give Up The Ghost dénudé en simple guitares-voix. La note finale sera, elle, dansante, d’un puissant Everything In Its Right Place – Jonny Greenwood se jouant de la saturation des amplis avec sa guitare une fois que tous les autres ont quitté la scène – à l’azimuté Idioteque. « I've seen too much / I haven't seen enough ». Comme Thom Yorke, nous voilà à danser bêtement. Heureux. La messe est dite.

Set list : Lotus Flower / Airbag / Bloom / Kid A / Myxomatosis / Bodysnatchers / The Gloaming / Seperator / Meeting in the Aisle / Nude / Pyramid Song / Reckoner / There There / The National Anthem / Feral / Paranoid Android // Give up the Ghost / Supercollider /Lucky / Morning Mr. Magpie / Street Spirit (Fade Out) // Staircase / Everything is its Right Place (avec intro Unravel de Björk) / Idioteque

KidB


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