Magazine Culture

La fin du vrai amour

Publié le 15 octobre 2012 par Popov

LA FIN DU VRAI AMOUR

Rake's progress raconte l'histoire d'un bad boy un peu falot conduit à l'abîme par un démon d'Opéra Comique.

Le sémioticien Algirdas Greimas qui professait qu'un récit est toujours le comblement d'un manque initial aurait été bien embarrassé par le livret créé par Auden(qui travailla plus tard avec Britten) à partir de tableaux du peintre anglais du 18ème William Hogart pour l'opéra du grand Stravinski. Le héros de Rake's progress(Tom Rakewell) en effet n'est pas du tout dans un état de déséquilibre au début de l'histoire, au contraire, il est comblé : une gentille fiancée , une situation financière sans souci (il vient d'hériter d'un oncle inconnu).Pour lui, qui est un peu sot, tout va bien. Et que va lui proposer un Méphisto d'opérette ?
Précisément ... de tout perdre , le "manque" absolu...Vous me direz que Greimas s'en sortirait encore pour faire passer ce manque en "objet manquant" et par là même , en désir constitutif de tout démarrage de récit . Mais bon... C'est assez peu fréquent pour être signalé, ce pacte avec un diablotin qui vous ruine d'un coût de baguette diabolique , vous aventure sur les terres perverses du libertinage et de l'acte gratuit -épouser une femme à barbe(digne d'un Marco Ferreri) turque et obèse de surcroît - pour vous affranchir des deux tyrans que sont le "désir et le devoir ". Le mal tout de même, c'est quelque chose !


Moite débauche n'est pas vrai amour

The Rake's progress , du nom de la série de gravures de l'auteur du Beggar's opera, est traduit en français "Le libertin". Olivier Py et son complice Pierre-André Weitz (qui marche ici dans les pas de David Hockney)ont transposé cette leçon de ténèbres sur fond de music-hall avec créatures tout droit sorties d'une toile de Bosch, avec bestiaire fantaisiste , perruques de cabaret et bodybuilders huilés. Il faut dire que sous un abord néoclassique , la pièce est d'une modernité absolue. Derrière la succession d'ariosos et de récitatifs (secs ou mal accompagnés) il y a tout le génie du compositeur qui pointe et pas seulement comme l'ont dit certains commentateurs une oeuvre dans le style italo-mozartien, voire rossinien.
S' il regarde vers le passé pourtant,c'est pour Stravinski, avancer "droit devant". Sous des abords classiques, il dynamite déjà les conventions du genre à une époque où l'on ne jure que par la musique sérielle...

Une distribution renouvelée

Pour cette reprise superbe(l'oeuvre est entrée au répertoire en 2008, la distribution a été renouvelée. Charles Castronovo (plus à l'aise dans l'aigu dans la partie hôpital psychiatrique que dans le stupre) succède à Toby Spence. Ekaterina Siurina ( au vibrato tenu dans les medium,de plus en plus émouvante depuis sa prise de rôle au pied levé dans Suzanne) à Laura Claycomb. Dans la famille Trulove on assure, Scott Wilde , le père pose sa basse mélodieuse. Gidon Saks (magnifique Claggart dans le Billy Budd de Francesca Zambello) compose un Nick Shadow presque sympathique et parfois plus effrayant qu'un sadique de Tarentino. Jane Henschel(Baba des origines aux graves parfaites) ou encore un petit nouveau Kim Begley à l'encan loufoque et soutenu. Jeffrey Tate dirige du haut de son expérience cette oeuvre à la structure classique, multi-référentielle(y pullulent les auto-citations) et aux éclats délicats.

THE RAKE'S PROGRESS d'Igor Stravinski
OPÉRA EN TROIS ACTES (1951)

Mise en scène d"Olivier Py
Livret de Wystan Auden et Charles Kallman

avec Charles Castronovo (Tom Rakewell) et Ekaterina Siurina (Anne Trulove), Gidon Saks (Nick Shadow).Jane Henschel (Baba-la-Turque),Gidon Saks (Nick Shadow Scott Wilde (Trulove)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Popov 46 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte