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Une nouvelle periode de polarisation : fujimoristes et terroristes vs democrates

Publié le 17 octobre 2012 par Slal



CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, OCTOBRE 2012 UNE NOUVELLE PERIODE DE POLARISATION : FUJIMORISTES ET TERRORISTES VS DEMOCRATES

Mariella Villasante Cervello

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UN AUTRE CHANGEMENT DE GOUVERNEMENT

Le troisième gouvernement de la présidence d'Ollanta Humala a été nommé le 24 juillet 2012, après une période d'autoritarisme et de mauvaise gestion des affaires du pays par le Premier ministre Oscar Valdés, ancien militaire nommé Premier ministre en décembre 2011. Juan Jiménez Mayor, qui était jusque là ministre de Justice, a pris la charge de Premier ministre et, dès le départ, il a annoncé des restructurations de fond qui vont à l'encontre du style autoritaire du gouvernement précédent. Jiménez a en effet tenu à assurer haut et fort que son gouvernement allait privilégier le dialogue social et le rapprochement des citoyens, notamment dans le règlement des conflits sociaux, en faisant une allusion évidente à la gestion répressive et désordonnée du conflit minier dans la région de Cajamarca, non encore résolu, et largement rejeté par la population. Les thèmes de la sécurité citoyenne et du contrôle des mouvements sociaux qui prétendent participer dans la vie politique en reprenant l'apologie de la violence, ainsi que la lutte contre la corruption étatique et régionale seront privilégiés dans son mandat. Du point de vue économique, il n'y a pas des changements notoires, l'investissement public sera favorisé dans le but de dynamiser l'économie nationale et de créer des nouveaux emplois.

UNE NOUVELLE PERIODE DE POLARISATION : FUJIMORISTES ET TERRORISTES VS DEMOCRATES

Jiménez, nouveau Premier ministre péruvien, La República

Humala tente ainsi de donner une nouvelle image politique à son gouvernement, plus proche des populations, après une période marquée par les tâtonnements et les erreurs des nominations. Le gouvernement actuel semble être plus conscient de son rôle d'organisateur de la vie sociale de la nation, mais il n'en reste pas moins que les ministres présentent plutôt un profil de technocrates que de personnalités politiques, à commencer par Jiménez lui-même, un juriste qui enseignait le droit constitutionnel à la Pontificia Universidad Católica del Perú. Les nouveau ministres sont : Wilfredo Pedraza, ministre de l'Intérieur ; Pedro Cateriano, ministre de la Défense ; Midori de Habich, ministre de la Santé ; Eda Rivas, ministre de Justice, et Milton von Hesse, ministre de l'Agriculture. Pedro Cateriano est le seul à avoir une certaine expérience politique puisqu'il fut ministre adjoint de la Justice dans le gouvernement de Toledo et ancien congressiste dans le « Mouvement liberté », de droite, au début des années 1990.

Le bilan de la première année de mandat d'Humala reste cependant assez médiocre. La conjoncture politique actuelle est en effet marquée par la continuité des conflits sociaux (éducation, santé), dont celui des mines reste le plus important alors même que le pays connaît une croissance de 6,5%, et que les réserves nationales sont supérieures à 60 milliards de dollars. La part du PIB consacrée à l'éducation reste dérisoire (2,9%), alors qu'Humala avait promis d'y consacrer 6% ; les salaires des enseignants des écoles restent gelés à 400 dollars par mois et la santé tombe en ruines ; ce n'est donc pas un problème de ressources, mais de choix politiques. Un autre fait récurrent au long de ces derniers mois est l'augmentation des actions terroristes dans les régions contrôlées par les senderistes, alliés aux narcotrafiquants des régions de la forêt centrale, le VRAEM (Valles de los rios Apurímac, Ene y Mantaro). Les affrontements concernent de plus en plus le département de Cusco, dans la vallée de La Convención. C'est d'ailleurs à ce moment qu'on vient de confirmer que le Pérou est le deuxième producteur et exportateur de cocaïne au monde, le premier restant la Colombie et le troisième la Bolivie (Bureau des Nations Unies contre la drogue et Commission pour le développement et la vie sans drogues, DEVIDA). En 2011, la Colombie cultivait 64.000 hectares de coca, le Pérou en avait 62.500 ha. et la Bolivie 27.200 ha. Au Pérou, la production de coca a été de 131.295 tonnes, dont 9.000 tonnes d'usage légal, le reste étant destiné à la fabrication de cocaïne, notamment dans les régions de Caballococha, Pichis-Palcazu, Kosñipata et VRAEM. Les données sur la production régionale de cocaïne ne seront disponibles qu'en juin 2013 (La República du 27 septembre).

Face aux espoirs déçus par les promesses de la campagne présidentielle de 2011, un nouveau front de groupes et de partis progressistes et de la nouvelle gauche s'est créé au mois de septembre sous le nom Fuerza ciudadana. Il est soutenu par l'ancien Premier ministre Salomón Lerner Ghittis, qui préside le groupe Citoyens pour le changement, créé en avril 2012 [voir la Chronique de mai] ; des députés comme Javier Diez Canseco, des syndicalistes comme Carmela Sifuentes, présidente de la Centrale générale des travailleurs du Pérou (CGTP) ; et d'autres personnalités comme Sinesio López, Carlos Tapia, Roger Rumrrill, Marisa Glave, Gustavo Guerra et Abraham Valencia. Leurs propositions s'organisent autour de revendications sociales suscitées par la grande transformation offerte par Humala, pour le développement d'industries de transformation et non seulement extractives, la lutte contre la corruption et la défense de la démocratie contre le trafic de drogues, le crime organisé, et la résurgence du terrorisme et du fujimorisme. Le nouveau front a commencé à récolter des signatures en vue de son inscription au Registre national des élections et la préparation des élections présidentielles de 2016 (La República du 23 septembre).
Le sommet de l'ASPA à Lima
C'est dans ce contexte politique mouvementé, où la croissance économique s'accompagne de conflits sociaux et d'affrontements militaires contre les narcotrafiquants et les terroristes, que s'est déroulé à Lima le IIIe Sommet de l'ASPA, réunissant les chefs des États de l'Amérique du Sud et des pays arabes, les 1er et 2 octobre [La República, 1er octobre 2012, voir http://www.larepublica.pe/columnistas/contracorriente/en-la-retina-del-aspa-01-10-2012, voir aussi : http://www.larepublica.pe/30-09-2012/iii-cumbre-aspa-el-peru-abre-sus-puertas-al-mundo-arabe#foto1]. Rappelons que les deux premières réunions de l'ASPA eurent lieu à Brasilia (2005) et à Doha (2009) ; la troisième était prévue en 2011 mais elle dut être repoussée d'une année en raison de la situation politique mouvementée du « printemps arabe ». L'ASPA est formée par 32 pays, dont 10 pays sud-américains ; ces derniers étaient tous présents à l'exception du Paraguay. Les représentants des pays invités — dont les chefs d'État de l'Algérie, de la Tunisie, du Maroc, de la Libye, de la Jordanie, du Qatar et de l'Arabie Saoudite —, ainsi que des chefs d'entreprises, ont centré leurs discussions sur les infrastructures, la sécurité alimentaire, l'énergie et les ressources naturelles.

On espère de ces discussions une augmentation significative des échanges commerciaux et techniques entre tous les partenaires ; notamment autour des échanges d'aliments et de minerais sud-américains contre des investissements arabes en infrastructures et sources d'énergie. La prochaine réunion est prévue en Arabie Saoudite en 2015. Cependant, dès maintenant, on a évoqué la concrétisation d'un TLC entre le Pérou et le Maroc, ainsi que le lancement des opérations de la compagnie Emirates Airlines, avec le Pérou comme siège pour l'Amérique du Sud. De son côté, l'Ambassadeur du Royaume du Maroc, Mme Oumama Aouad, a condamné les amalgames entre « islam » et « violence » parues dans le monde occidental à l'occasion de la parution d'un film qui caricature la vie du prophète Muhammad, et elle a attiré l'attention sur l'importance du dialogue interculturel qui préside le sommet de l'ASPA, censé rapprocher des civilisations distinctes pour mieux avancer sur le chemin de l'espoir et de la paix. Mme Aouad a également salué l'organisation d'une semaine de rencontre interculturelle et inter-religieuse à la Bibliothèque nationale de Lima (les 18-21 septembre), au cours de laquelle des conférences furent données par des universitaires, des écrivains et des religieux chrétiens, juifs et musulmans, dont l'iman Mahmoud Aly qui dirige l'Association islamique du Pérou.
[1].
Dans la Déclaration de Lima, l'ensemble de pays participants ont soutenu l'indépendance de la Palestine et ont émis des vœux pour renforcer la paix, le désarmement, la non-prolifération d'armes nucléaires, le respect des droits de l'Homme et des droits internationaux humanitaires, ainsi que le rejet de toute forme de terrorisme ; on a ratifié également le soutien aux processus de pacification, de reconstruction nationale et de la démocratie. Cela étant, les pays participants ont été incapables de proposer une position commune contre al-Assad et les attaques qu'il mène contre le peuple syrien.
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Ouverture du Sommet ASPA, Lima, les 1-2 octobre 2012, La República

La situation des droits de L'Homme : Marche arrière et tâches urgentes
Dans le cadre des Droits de l'Homme, où il reste tant à faire dans le pays, Humala a fait marche arrière par rapport aux discours de la campagne présidentielle, laissant même croire que le thème avait été simplement instrumentalisé pour obtenir des voix. Ainsi, la création d'un vice-ministère des Droits de l'Homme au sein du ministère de la Justice semble une mascarade car il ne dispose d'aucun pouvoir ni de budget. Des organisations de défense des Droits de l'Homme, dont l'Asociación pro-derechos humanos (APRODEH), ont signalé qu'il reste plusieurs tâches urgentes, dont la prise en compte des sentences de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme, le paiement des réparations aux victimes du conflit armé interne, les cérémonies de réparations symboliques ; ainsi que la concrétisation de plusieurs décisions de justice à l'encontre de responsables de violations des droits de l'Homme. L'Institut de défense légale (IDL) signale de son côté que les avancées sont maigres dans les procès ouverts après la dénonciation des violations des droits de l'Homme, en grande partie parce que le ministère de la Défense n'envoie pas la documentation demandée par le Procureur et par le Pouvoir judiciaire pour identifier les responsables. L'IDL a dénoncé également l'attitude assumée par le gouvernement face aux exécutions extrajudiciaires dans le cas Chavín de Huántar [opération militaire pour libérer 74 otages de l'Ambassade du Japon, le 22 avril 1997], objet d'une procédure auprès de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme, qu'il refuse d'accepter, assumant ainsi la défense à outrance des soldats accusés [des 14 subversifs tués, 8 ont été tués désarmés]. Enfin, la Coordinadora nacional de víctimas de la violencia política (CONAVIP) dénonce le fait que le Décret 051 qui décide de la fermeture du Registre unique des victimes, et qui fixe la réparation financière de l'État à 10.000 Soles (environ 3.000 €) par famille n'a pas été dérogé [La República du 20 juillet 2012]. A ce jour, sur quarante sept mille familles identifiées comme victimes de la violence politique, un millier seulement a reçu des réparations économiques de l'État ; la Comisión multisectorial de reparaciones, chargée de les distribuer, a annoncé que dix mille victimes devraient recevoir rapidement leurs réparations [La República du 29 août].
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Proches victimes réunis pour le 9è anniversaire de la CVR, le 28 août 2012, La República

La question des Droits de l'Homme et des procès en justice est passée au devant de la scène politique ces dernières semaines en raison de plusieurs faits : il y a eu d'abord les déclarations de Telmo Hurtado sur les excès commis par le général Mori, qu'il rend responsable du massacre d'Accomarca. Ensuite, un procureur a tenté de faire disparaître l'accusation de crime contre l'humanité à l'encontre des responsables des assassinats du Groupe Colina créé par Fujimori. D'autre part, la famille de ce dernier a demandé qu'il soit amnistié pour raisons humanitaires ; parallèlement, un congressiste fujimoriste a réclamé l'ouverture d'une enquête qui mettrait en cause le travail de la Commission de la vérité et la réconciliation. Enfin, le Premier ministre a présenté un projet de loi contre le négationnisme des crimes commis par les terroristes qui est actuellement débattu par le Congrès.

Les accusations de l'ancien capitaine Telmo Hurtado contre le général Mori
Le procès de l'ancien capitaine Telmo Hurtado, accusé d'avoir massacré 62 paysans du village d'Accomarca (Ayacucho) en août 1985, a connu un nouveau rebondissement lorsque celui-ci a été confronté à l'ancien général Wilfredo Mori Orzo en juillet dernier. Hurtado a demandé au général Mori d'assumer sa propre responsabilité dans le massacre d'Accomarca et dans d'autres actions illégales dans la Base militaire de Huamanga. D'après Hurtado, l'ordre direct fut donné par le chef de renseignements César Martínez Uribe au général Mori, avec qui il parlait tous les jours. En outre, Hurtado a accusé le Chef de l'État major de la IIe Division d'infanterie, Nelson Gonzales Feria, d'avoir donné l'ordre d'exécuter extrajudiciairement 15 détenus dans la Caserne Los Cabitos (Ayacucho). Enfin, en septembre 1995 le général Mori aurait reçu Hurtado chez lui pour lui donner l'ordre de « nettoyer » Accomarca, c'est-à-dire de tuer les témoins du massacre. D'après Carlos Rivera, avocat à l'Institut de défense légal, les déclarations de Hurtado sont exceptionnelles et leur cohérence confirme sa version des faits [La República du 20 juillet].

Au mois de juin, le soldat Basilio Cisneros Cerda, affecté à la caserne Los Cabitos, dirigée en 1983 par le Commandant Humberto Bari Orbegoso Talavera, a déclaré pendant son procès que des tortures et des mauvais traitements étaient infligés aux détenus de cette base militaire. Ainsi par exemple, il affirma avoir été témoin que des hélicoptères emmenaient entre dix et quinze détenus chaque jour, hommes et femmes, et qu'ils étaient soumis à des tortures pendant les interrogatoires (immersion dans des piscines, pieds et mains liés, coups et blessures). Les cas de torture persistent dans le pays bien après la fin du conflit armé. La Defensoría del pueblo a émis un appel à la Présidence pour éradiquer les pratiques de torture dont sont responsables les forces de l'ordre, notamment la Police. En 2011, plus de 60 cas de torture ont été dénoncés et entre janvier et mai de cette année, 18 cas ont déjà été recensés [La República du 24 juin].

Le cas du Groupe Colina : un système judiciaire ambivalen t
Le 20 juillet dernier, la Cour pénale permanente présidée par le juge Javier Villa Stein (et constituée par Duberly Rodríguez, Josué Pariona, Jorge Salas et José Neyra), a décidé de retirer les accusations de crime contre l'humanité contre les membres du Groupe Colina, constitué de mercenaires aux ordres du régime de Fujimori et de son bras droit Montesinos. Villa Stein a aussi décrété que les peines de 25 ans de prison ferme infligées à Montesinos, et aux militaires Nicolas de Bari Hermoza Ríos, Julio Salazar Monroe et Juan Rivera Lazo, seraient réduites à 20 ans. Le juge, dont les actions disparates ne sont pas nouvelles, a déclaré que la cour qu'il préside avait décidé de ne plus retenir l'accusation de crime contre l'humanité « parce que les accusés n'avaient pas été jugés sous ce chef d'accusation ». [La República du 20 juillet]. Rappelons ici que le Groupe Colina assassina 9 étudiants et un professeur de l'Université La Cantuta le 18 juillet 1992 ; le même groupe massacra 15 personnes le 3 novembre 1991 dans le quartier Barrios Altos de Lima ; deux autres assassinats furent commis par les militaires de ce groupe (Cas Pedro Yauri et El Santa).

La décision de justice de Villa Stein a soulevé un tollé considérable dans tous les milieux politiques, y compris au niveau de la présidence du pays, car elle remettait en question la condamnation de Alberto Fujimori : les principaux chefs d'accusation présentés à son encontre n'étaient-ils pas les crimes commandés au Groupe Colina (cas de Barrios Altos et cas La Cantuta) ? Pour éclaircir les choses, le procureur du cas Colina, Pablo Sanchez, a déclaré que le chef d'accusation portait bien la mention « crimes contre l'humanité » dans la procédure ouverte en 2004 ; et que ces termes ont été repris par la Cour interaméricaine des droits de l'Homme [La República du 24 juillet 2012]. La Cour interaméricaine des Droits de l'Homme rappela alors sa résolution du 14 mars 2001 portant sur la responsabilité de l'État péruvien dans le cas Barrios Altos ; et elle envoya une injonction de nullité de la sentence du juge Villa Stein adressée à l'État péruvien le 7 septembre, et acceptée par le président Humala [voir : http://www.larepublica.pe/26-09-2012/suprema-anulara-fallo-de-villa-stein-en-caso-barrios-altos]. La chambre pénale de la Cour suprême a donc annulé la sentence du juge Villa Stein et, avec le soutien du président du Pouvoir judiciaire, César San Martín, a décidé de former une autre chambre, avec d'autres juges, pour réviser les cas en litige.

Amnistie demandée par Alberto Fujimori : clémence sans honte
Le 27 septembre, Alberto Fujimori a envoyé une lettre dans laquelle il demande, sans ajouter un mot de repentance ou de pardon aux victimes, son amnistie pour des raisons humanitaires. Comme le note Diez Canseco [La República du 1er octobre 2012], il n'est plus question d'innocence, ni de menaces de faire appel aux tribunaux internationaux, désormais il est seulement question de sortir de sa prison, particulièrement confortable dans le contexte pénitentiaire péruvien. Faisant honneur à sa triste réputation, Fujimori n'a pas demandé pardon, n'a reconnu aucune culpabilité dans les crimes contre l'humanité pour lesquels il a été jugé et condamné à 25 ans de prison ferme, il n'a pas payé les 27 mille millions de soles de réparations à l'État et aux proches des 28 victimes qu'il a fait exécuter, et il n'a pas aidé à trouver les cadavres des victimes encore disparues.
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Fujimori, La República]

Pire, si sa demande de clémence ne s'accompagne pas de repentance, elle exprime son manque de honte et d'honneur. La demande n'a évidemment aucun soutien légal : dans la loi internationale, dont la CIDH, les amnisties n'existent pas dans les condamnations pour crimes contre l'humanité. Dans le droit péruvien, une loi promulguée par Fujimori lui-même en 1995, exclut l'amnistie pour les délits de séquestration aggravée, l'un des délits pour lesquels il a été condamné. Enfin, l'idée que l'amnistie puisse être accordée par le président Humala est erronée car celui-ci ne dispose pas du droit discrétionnaire de l'attribuer sans tenir compte des accusations, de l'identité du prisonnier et du cadre juridique en vigueur [voir l'éditorial : http://www.larepublica.pe/30-09-2012/editorial-de-la-republica-sobre-el-pedido-de-indulto-fujimori, voir aussi : http://www.larepublica.pe/columnistas/contracorriente/los-fujimori-de-america-latina-08-10-2012], http://www.larepublica.pe/08-10-2012/lerner-febres-el-indulto-colisionaria-con-esfuerzos-contra-impunidad, http://www.caretas.com.pe/Main.asp ?T=3082&idE;=1067&idS;=251].

Notons enfin que la demande d'amnistie humanitaire ne se fonde même pas sur le seul élément qui pourrait la justifier devant le Tribunal constitutionnel : une maladie en phase terminale ou le risque de mort imminente ; toutes les expertises médicales subies par Alberto Fujimori ont conclu à sa situation de santé stable et sans gravité. Le 3 octobre, le président Humala a déclaré qu'il n'avait aucune intention d'accéder à la demande d'amnistie de Fujimori.
Le retour des attaques contre la CVR et le gouvernement de transition de Paniagua
La demande d'amnistie émanant de Fujimori et sa famille fait partie d'une nouvelle vague des attaques contre la Commission de la vérité et la réconciliation (CVR) et contre le gouvernement de transition de Valentín Paniagua (novembre 2000-juillet 2001), en vue de préparer les élections présidentielles de 2016 qu'ils s'attendent à remporter. Cette situation polarise la scène politique actuelle entre les partisans de Fujimori (extrême droite et droite, classes populaires surtout rurales), et les partisans de la démocratie. Ceci se déroule dans un contexte marqué aussi par les tentatives de retour du senderisme, comme on le verra plus loin.
Au début septembre, le congressiste Alejandro Aguinaga de Fuerza 2011, et médecin personnel de Fujimori, a réclamé devant le Congrès la création d'une « commission de révision du travail de la CVR » car le texte du Rapport final est « rempli de mensonges et de contradictions ». Ce n'est pas la première fois qu'une demande de ce genre, qui prétend remettre en question l'œuvre accomplie par la CVR, est déposée devant le Parlement, mais elle intervient ici dans un contexte politique marqué par le 9è anniversaire de la présentation officielle du Rapport final de la CVR — par le Dr Lerner au Président Toledo —, et par une nouvelle offensive des partisans de l'ancien dictateur.
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Présentation du Rapport final de la CVR, le 28 août 2003
Cette année, le prétexte de cette réaction a été la mort d'un terroriste, Rolando Cabezas, « camarada William » dans la région du VRAEM, dans un affrontement avec les militaires au mois d'août ; or les congressistes fujimoristes ont dénoncé le fait que son nom figurait dans le Registre unique des victimes et qu'il avait reçu des réparations économiques de l'État. En réalité, le Premier ministre, le ministre de la Défense et la ministre de la Justice ont établi que cette personne avait une vingtaine d'années au début 2000, et qu'elle avait été comptée parmi les disparus dans le Registre unique des victimes, mais que suite à sa mort et à la découverte de son identité, son nom fut effacé du Registre [La República du 7 septembre 2012]. Il s'agit donc bel et bien d'une tentative de manipulation de l'opinion publique qui connaît malheureusement très mal le contenu réel du Rapport final de la CVR et les activités du Conseil des réparations aux victimes.
Ces attaques menées sur la scène officielle contre le travail de la CVR se sont accompagnées d'autres dans le contexte des médias qui défendent ouvertement leurs positions pro-fujimoristes, dont les journaux El Comercio et La Prensa, ainsi que les grandes chaînes de télévision privées. Une fois de plus l'ancien président de la CVR, le Dr Salomón Lerner Febres, actuel président de l'Institut de démocratie et droits humains de l'Université Catholique (IDEHPUCP), a été la cible d'attaques malveillantes qui tentent de le discréditer et de le présenter comme un « défenseur des terroristes » pour la simple raison qu'il revendique une justice égale pour tous. Parallèlement, d'autres attaques étaient adressées contre le gouvernement de Valentín Paniagua, particulièrement contre Diego García Sayán, ancien ministre de la Justice et actuel président de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme, qui aurait « protégé des senderistes » pendant son mandat.

Fort heureusement, ces dernières tentatives d'intoxication, de propagande et de manipulation des fujimoristes ont été mises à mal par plusieurs personnalités politiques, y compris des membres du gouvernement dont le Premier ministre Juan Jiménez, qui ont dénoncé leur contenu partisan et éloigné des faits. Les fujimoristes se sont retrouvés donc bien isolés dans leurs demandes de révision du travail de la CVR, dont plusieurs congressistes ont plutôt souligné l'importance pour l'affirmation de la démocratie dans le pays. Cela étant posé, le retour du fujimorisme s'explique également par le manque cruel de campagnes nationales d'information sur le Rapport final de la CVR et sur les dangers des idéologies populistes et dictatoriales proches de celles qui ont caractérisé le régime de Fujimori au Pérou.

Le Projet de Loi contre le négationnisme des crimes commis par les terroristes
Le Premier Ministre Juan Jiménez a proposé, le 28 août dernier, un projet de loi contre le négationnisme des crimes commis par les terroristes, membres du Parti communiste révolutionnaire, Sentier Lumineux, et le Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru, durant les années 1980-2000. Pour Jiménez, cette loi est destinée à pénaliser les personnes qui cherchent à intervenir dans la vie politique du pays sur la base de la négation de la violence subversive ; pour le Premier Ministre cette loi serait nécessaire dans la mesure où la loi actuelle condamnant l'apologie du terrorisme ne suffit pas pour concrétiser la poursuite pénale des accusés. [Voir le spot : http://www.larepublica.pe/26-09-2012/ejecutivo-lanza-propaganda-audiovisual-para-explicar-ley-del-negacionismo].

Cette proposition de loi est faite dans un contexte politique marqué par l'augmentation notoire des actions terroristes armées [voir plus loin] et par les tentatives systématiques de l'organisation MOVADEF qui revendique l'actualité de la « pensée Gonzalo », y compris dans l'ancien fief de Guzmán, l'Université San Cristóbal de Huamanga, où des étudiants et de professeurs adhèrent au nouveau groupe senderiste. Rappelons que l'on a célébré le 12 septembre l'anniversaire des vingt ans de la capture d'Abimael Guzmán : pour marquer cette date, le MOVADEF a organisé une réunion dans le village de Cora Cora, Ayacucho, le 15 septembre, et le secrétaire de ce mouvement, (voir la suite...)


[1] http://www.caretas.com.pe/Main.asp ?T=3082&id;=12&idE;=1065&idSTo;=537&idA;=61007->http://www.caretas.com.pe/Main.asp ?T=3082&id;=12&idE;=1065&idSTo;=537&idA;=61007


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