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Ted

Par Thibaut_fleuret @Thibaut_Fleuret

Ted

On n’attendait peut-être pas Seth MacFarlane dans le domaine du film de cinéma en prise de vue réelle, lui qui a surtout travaillé dans l’animation télévisuelle. Le créateur des Griffin et d’American Dad! arrive pourtant sur les écrans avec ce Ted, l’histoire d’une amitié entre une trentenaire un peu paumé et un ours en peluche qui a réussi l’exploit de prendre vie après que son propriétaire, alors jeune, eu fait le vœu d’une telle incarnation lors d’un Noël.

A partir de ce postulat ludique et loufoque aux frontières du merveilleux, le souhait relevant quand même du conte de fées, le réalisateur va tenter de nous convaincre que la réalité peut être à ce point bouleversée. Force est de reconnaître qu’il y arrive plutôt bien. Son ours en peluche est une merveille d’animation et le scénario le pose d’emblée comme une entité à part entière, connue de tous et parfaitement intégrée. Le spectateur peut ainsi facilement croire dur comme fer à l’histoire racontée. Surtout, la posture imaginative est une matrice pour que le métrage puisse plonger dans les méandres du réel. En effet, plus que l’histoire d’une peluche dans le monde, Ted raconte surtout le parcours de John pris sous les traits d’un Mark Wahlberg à l’aise dans l’exercice comique et décidément compétent quand il est bien dirigé. Englué dans une situation d’ « adulescent », il n’a, à 35 ans, pas encore pris le sens des responsabilités. Sa copine lui en veut d’ailleurs, elle qui veut de lui qu’il passe au stade supérieur de son évolution individuelle. Mais les choses ne sont pas faciles. Il faut dire que sa condition ne fait pas rêver. Certes, sa compagne est plutôt mimi – normal, c’est Mila Kunis   même si son personnage reste sous exploité – mais son travail n’est pas tellement excitant. Il préfère normalement faire la fête, tout du moins prendre l’existence sous un angle assez cool, boire des bières et rester scotché devant un écran de télévision. Cette attitude peut-être juvénile apparaît alors normale et compréhensive car elle se cache derrière une peur de grandir dans un monde pas vraiment accueillant et dont on préfère s’exclure via de multiples paradis artificiels bien plus jouissifs.

Cependant, après de multiples périples pouvant être vus comme une série de rites initiatiques, Ted va faire comprendre à son meilleur pote qu’il est temps de passer à la vie adulte. La démarche est typique dans ce genre de films mais l’une des forces du métrage est de ne pas prendre ce propos sous un angle consensuel qui ferait plaisir à tous les garants de la bonne conduite de la société occidentale. Seth MacFarlane ne veut pas que ses protagonistes se renient et abandonnent leurs identités propres sur l’autel d’une conscience moralisatrice. Le petit discours final habituel aux faits des joutes censées apprendre la vie plus aux spectateurs qu’aux personnages d’ailleurs ne se trompe pas en étant à la fois discret, lucide et surtout iconoclaste par rapport à ce qu’Hollywood nous sert habituellement. On peut arriver à jongler entre les deux statuts qui ne sont pas incompatibles malgré ce que certains racontent, le film le dit clairement. Demander à sa fiancée en mariage n’est pas incompatible avec continuer à faire des conneries, rester en couple ne veut pas dire se couper de ses amis d’enfance. Derrière ces deux exemples pris parmi d’autres, le cinéaste nous dit que l’équilibre trouvé entre cette sorte de grand écart comportemental n’en sera que plus intéressant pour chacun et plus vivable pour tous.

Ce qui est vivable surtout, c’est bien l’humour du film. Ce dernier a été vendu comme un exemple virevoltant de nouvelle comédie américaine. Et il faut bien le dire, Ted paye généralement une tournée de bonne tranche de rigolade tant les vannes fusent de bon cœur. Malgré tout, peut-être sont-elles trop limitées dans l’écriture dans le sens où certaines donnent l’impression d’avoir été écrites simplement pour elles-mêmes et non dans une logique scénaristique linéaire. Néanmoins, il ne faut pas non plus trop faire la fine bouche tant Ted respire la sincérité et la générosité. Seth MacFarlane veut tout donner, quitte à parfois trop en faire donc, dans un simple et unique but : celui de détendre son public. Son pari est réussi et une question vient, à la fin, titiller le spectateur : depuis quand n’avons-nous pas éclater de rire de bon cœur dans une salle de cinéma ? Les exemples se comptent sur le doigt de la main. Les Judd Apatoweries, le duo Simon Pegg / Nick Frost, la bande à Ben Stiller, Riad Sattouf et Michel Hazanavicius, voici les tops actuels du rire et Seth MacFarlane peut sans problème s’inscrire dans le haut du panier de la comédie. Il faut surtout dire que le réalisateur est un connaisseur car son comique peut plaire à un large éventail. D’un côté, elles prennent un côté politiquement incorrect salvateur. Quand ce n’est pas certaines personnes qui en prennent pour son grade, ce sont quelques comportements irrévérencieux qui provoquent l’adhésion non conformiste. De l’autre, l‘humour tente l’identité générationnelle. A ce titre, le genre s’accorde parfaitement avec le discours. Le métrage se pare d’une belle tendresse à la vue du regard que porte le cinéaste sur ses protagonistes voire d’une émotion certaine quand elle convoque la nostalgie. C’est l’une de ses grandes forces. C’est également l’une de ses faiblesses. En effet, les spectateurs ne naviguant pas autour de la tranche d’âge du héros pourront se sentir peut-être désarçonnés par le déluge de private jokes culturelles précises. A trop vouloir appuyer sur une population, Ted peut perdre de sa capacité à rassembler.

A ce niveau, le métrage se trouve dans un entre-deux retrouvable également dans la mise en scène. Si certains épisodes sont assez bien construits avec des effets de montage bien sentis – on peut penser notamment au trajet de John vers la fête dans l’appartement de Ted – il faut bien avouer que Seth MacFarlane est plus à l’aise dans le maniement de la plume que dans celui de la caméra. En effet, globalement, le reste du film navigue vers un certain manque d’originalité. Bien sûr, le spectateur pourra trouver des milliers de films beaucoup plus faibles formellement mais on aurait aimé que Ted pousse ses ambitions plus loin. La réalisation est correcte, il ne faut quand même pas vilipender le réalisateur car on ne tombe pas dans la platitude complète, mais elle correspond davantage à un exercice de techniciens compétents qu’à la patte de Seth MacFarlane. Un manque d’identité se fait cruellement sentir, chose d’autant plus bizarre que cette personnalité irrigue sans cesse l’écriture. Le côté rebelle initié dans le scénario est finalement quasi-absent dans la forme, ce qui a pour conséquence de donner un manque d’équilibre au film. C’est dommage. Néanmoins, le réalisateur qui a surtout l’expérience de la télévision est sur de bonnes voies pour élargir ses projets du petit au grand écran.

Malgré des faiblesses que l’on peut mettre sur le compte de l’excès de bonne volonté et sur un manque d’expérience dans le savoir-faire purement cinématographique, Ted se révèle être l’une des meilleures comédies vues sur un écran depuis bien longtemps. Ce n’est peut-être pas suffisant pour entrer dans la liste des meilleurs films de l’année mais c’est déjà bien assez !


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