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Il Festino nous fait savourer Boësset et Moulinié

Publié le 20 octobre 2012 par Philippe Delaide

J'avais déjà évoqué la belle réussite du disque enregistré par Vincent Dumestre et le Poème Harmonique sur des chansons d'Antoine Boësset (cf. note du 29 septembre 2006).

La musique écrite par les compositeurs français de l'époque de Louis XIII, encore toute empreinte d'un italianisme délicieux, est d'un raffinement extraordinaire.

Il festino air italien Louis XIII
Le premier disque édité par l'ensemble Il Festino, sous la direction musicale de Manuel de Grange, a un titre plus qu'explicite : "L'air italien en France à l'époque de Louis XIII". Ce disque très réussi, confirme en tous points la beauté du travail de deux compositeurs importants de cette époque : à nouveau Antoine Boësset, mais aussi Etienne Moulinié.

Dans le livret du disque, Thomas Leconte, du Centre de Musique Baroque de Versailles, explique l'importance des canzonette ou villanelle dans les airs de la Cour Royale française, à la jonction des XVIème et XVIIème siècles. La musique française n'est pas encore affranchie, mais en s'appropriant les canons des airs de cours italiens, elle atteint une poésie et une grâce extraordinaires.

La justesse d'interprétation de l'ensemble Il Festino ainsi que l'élégance, la beauté rayonnante de la voix de la soprano Dagmar Saskova nous font entrer dans l'intimité de ces oeuvres de la façon la plus délicieuse et sensuelle qui soit. L'ambiance de ces différentes pièces, où alternent pièces instrumentales et chansons, rappelle inéxorablement l'univers madrigalesque (particulèrement probant dans le superbe "Dove ne vai, crudele ?" d'Etienne Moulinié, magistralement interprété avec un très bel équilibre). Les mélismes et les frottements harmoniques, restitués avec une justesse rare, nous rappellent les racines les plus profondes de ces chants, Marenzio ou Monteverdi se rappelant subtilement à notre souvenir.

On notera également la douceur mélancolique du "Seguir più non voglio" du même Etienne Moulinié et du "Non speri pietà" d'Antoine Boësset qui font presque pendants.

Le texte de Marin Mersenne, écrit en 1636, et repris dans le livret du disque, résume parfaitement ce que la touche française de l'époque a apporté par rapport aux racines italiennes de ces airs : "[…] nos Chantres s’imaginent que les exclamations et les accents dont les Italiens usent en chantant,
tiennent trop de la Tragédie, ou de la Comédie, c’est pourquoy ils ne veulent pas les faire, quoy qu’ils
deussent imiter ce qu’ils ont de bon et d’excellent, car il est aisé de tempérer les exclamations, et de
les accommoder à la douceur Françoise, afin d’ajoûter ce qu’ils ont de plus pathétique à la beauté, à la
netteté, et à l’adoucissement des cadences, que nos Musiciens font avec bonne grace […]".

On notera également l'excellente qualité d'enregistrement du disque.

Logo Coup de coeur Poisson Reveur 4
Coup de coeur du poisson rêveur. 

Extrait : Seguir più non voglio - Etienne Moulinié.

Vous pouvez également vous référer à l'excellente chronique de Passée des Arts sur ce disque.

L'air italien en France à l'époque de Louis XIII - Ensemble Il Festino - Direction Manuel de Grange - Label Musica Ficta.


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