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Compétitivité: pourquoi Mauduit attaque encore Hollande

Publié le 22 octobre 2012 par Juan
Compétitivité: pourquoi Mauduit attaque encore Hollande Laurent Mauduit, journaliste de Mediapart, fait partie de l'un des ses critiques systématiques de François Hollande. depuis le 6 mai dernier, l'homme spécialisé dans la chose économique et sociale n'a jamais écrit une ligne favorable au nouveau pouvoir.
Dans l'édition du 20 octobre dernier de l'hebdomadaire Marianne, Laurent Mauduit décoche une nouvelle flèche: « Compétitivité: cap sur le brouillard ! »
L'article, d'une page de longueur, a l'immense vertu de permettre de comprendre le raisonnement général. Mauduit défend l'argument central d'un Figaro ou, plus largement, de tous les éditocrates de droite: François Hollande n'aurait pas de stratégie économique.
C'est exactement la thèse de l'UMP. Jean-François Copé, dans le Monde, le répète: « L'exécutif souffre d'une absence de lucidité sur la situation, d'une absence de courage pour les décisions à prendre et d'une absence de vision pour la France ».
Lisez donc Laurent Mauduit: « Où est donc, dans tout cela, la stratégie économique de François Hollande ? La faille principale, la voici : c’est qu’en vérité il n’y a pas de stratégie du tout. »
Pour preuve, le journaliste remonte le temps et détaille une chronologie.
1. Avant l'élection, le candidat socialiste récuse la hausse de la TVA et la baisse des cotisations familiales décidées par Nicolas Sarkozy. Mauduit rappelle à juste titre que Hollande critiquait alors l'injustice de la TVA et la fragilité du pouvoir d'achat. Mais le journaliste réécrit l'histoire en proclamant qu'Hollande conteste qu'« un transfert de charges à l’avantage des entreprises et au détriment des salariés ou des consommateurs » soit justifié.
2. Puis, le journaliste tente de décrire, sans preuve malheureusement, ce qu'il considère comme « un brutal changement de cap ». On imagine alors qu'il a lu un projet de loi, rencontré un ministre, débusqué une annonce présidentielle que nous aurions mal lu ou franchement ratée. Non, il n'y a rien. Laurent Mauduit utilise la même technique que quelques pontes UMPistes: il s'appuie sur des rumeurs, des confessions de couloirs, des articles de confrères rédigés au conditionnel.
La conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers serait ainsi, selon Mauduit, la première étape de cette trahison: « le nouveau chef de l’Etat prend l’exact contre-pied de ce qu’il avait affirmé six mois plus tôt et fait savoir que cette question du coût du travail figure parmi les priorités de son quinquennat ». En fait, François Hollande a clairement énoncé ce jour-là les trois priorités économiques de son quinquennat. Il suffit de relire le texte pour s'en rappeler et... éviter les raccourcis: « D'abord le redressement de nos comptes publics. »  « Le second défi auquel nous faisons face est la détérioration de notre compétitivité. » « Le troisième défi est le plus exigeant, c'est celui du chômage et de la précarité. » Et Hollande a ensuite détaillé ses préoccupations, dans l'ordre: « la faiblesse d'activité des séniors et de réduire le chômage des jeunes » (le contrat de génération), « la précarité » des travailleurs, « la question de la sécurité et des garanties collectives » dans les restructurations d'entreprises.
3. Mais, complète le journaliste, c'est la nomination de Louis Gallois, ancien patron d'EADS, pour
 « Preuve de cette stupéfiante volte-face : dans la foulée, l’ancien patron d’EADS, Louis Gallois, est chargé par Matignon d’un rapport sur la question. » Sans texte ni annonce, le journaliste se rabat sur les hommes et les rumeurs. Car Gallois a ses propres idées, largement relayées ces jours derniers par ... le Figaro et la presse économique. Il serait partisan d'un « choc de compétitivité », c'est-à-dire une baisse bien plus significative des cotisations sociales que celle envisagée par Nicolas Sarkozy.
4. Enfin, à « l'automne », il y aurait eu une nouvelle volte-face. Là encore, on cherche l'annonce, le discours, la décision. Puisque Mauduit précise la période, on s'imagine qu'il pense aux projets de lois de finance de l'Etat ou de la Sécurité sociale. Rien de tout cela. Mais le journaliste est encore plus affirmatif: « le gouvernement découvre un peu tard qu’il y a peut-être plus urgent à faire que de lancer cet immense Meccano. » Pourtant, certains de ses confrères propagent au contraire d'autres rumeurs. L'Elysée réfléchirait toujours à un transfert de cotisations sociales. Le 3 octobre, Emilie Lévêque, pour l'Expansion, se demande si Hollande ne copie pas Sarkozy. Le Figaro, le 20 octobre évoque la proposition d'une quarantaine de milliards d'allègements, alors que le rapport Gallois n'est attendu que pour novembre. D'après le quotidien de droite, Hollande et Ayrault n'en voudraient pas. Le 22 octobre, les Echos titrent sur « la perspective d’un choc de compétitivité s’éloigne ».
Résumons notre critique:
1. Laurent Mauduit n'étaye sa critique sur aucune décision concrète du gouvernement ni annonce publique de François Hollande depuis le 6 mai.
2.  Une critique aussi péremptoire et affirmative n'est justifiée que si elle s'étaye sur des faits.  Mauduit a raison sur un point au moins: ni François Hollande ni Pierre Moscovici n'ont confié leur démarche ni leur plan d'action à la rédaction de Mediapart.Peut-être est-ce là la raison de cet énervement.
3. Un député européen de centre-droit, Jean-Louis Bourlanges, avait eu une formule fameuse pour décrire l'agitation immobile de l'ancien monarque: il décrivait ce dernier comme « un vaccin contre les réformes: il injecte au patient un peu de réforme, pour susciter le rejet et la rendre impossible ». François Hollande est moins bravache, plus conciliant. Cela suppose d'attendre de connaître avant de crier au loup. Laurent Mauduit est peut-être encore trop marqué, comme d'autres, par la décennie sarko-agitée.
4. Ce que l'on peut comprendre et retenir de cette séquence, c'est que personne ne connaît la proposition finale
5. Parlons enfin du fond: y-a-t-il un problème, à gauche, avec la compétitivité ? Non. Le trouble et l'interrogation naissent quand il s'agit de détricoter notre compromis social ou attaquer le pouvoir d'achat. La piste, non vérifiée, non confirmée, non établie, d'un relèvement de la CSG contre une baisse d'une fraction des cotisations sociales n'est en rien critiquable tant qu'on n'en connaît pas les modalités. On sait que la CSG a l'injustice des impôts non progressifs.
Point.
Comme l'écrit Jacques Julliard en ouverture du même Marianne, « avoir voté pour Hollande n'autorise personne pour tirer à vue sur le gouvernement ».
Sans doute Laurent Mauduit n'a-t-il pas voté pour Hollande au second tour.
C'est son droit.


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