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Jean Forton – La vraie vie est ailleurs

Par Pikkendorff

4 étoiles"J’aurai donné tout au monde pour que s’arrêta le temps et que se perpétuât cette heure précieuse entre toutes où nous nous retrouvions, chaque soir, tous les trois, et cependant tant de quiétude heureuse ne parvenait pas à satisfaire cette part de moi-même qui réclamait l’aventure, l’inconnu, l’extravagant, le terrible, tout ce que j’imaginais hors d’ici, ailleurs loin de chez nous."

vraie vie ailleurs
Les phrases ciselées de Jean Forton emportent le Lecteur telle une coquille de noix sur la puissante houle d’Atlantique.  Absorbé par ce mouvement entre des présents qui s’entrechoquent, il est tout à la fois Lajus et Juredieu, le garçon sage et l’énergie sans limite de nos rêves.  

"Inconsciemment l’on se juge, et par un calcul s’opérant à l’insu de nous-mêmes nous n’offrons nos dévotions qu’aux seuls êtres susceptibles de les accepter."

Comment eut-il même pensé l’aborder ? Le hasard, s’il existe, fait que Lajus trouve en Juredieu un guide, un exemple à suivre et aussi son premier ami, beau, intelligent, admiré des autres.

Juredieu est son double maléfique qui l’entraîne au-delà des convenances. Mais il y avait un fossé séparant l’idée à l’action. "Je voulais qu’on me fit faire des rêves de débauche, mais projetés dans quelque avenir rassurant. L’immédiat de l’action me glaçait."

Et pourtant malgré une réticence toujours battue en brèche ils firent les 400 coups le verbe haut, le défi à la bouche, le risque en panache et les filles s’enlevant comme une forteresse avec le sexe comme butin.

"Mais je n’existais pas quand moi-même, j’existais aussi dans l’esprit des autres."

Du haut de ses quinze ans, Lajus est tiraillé par la quiétude et la confiance du foyer familial et l’aventure et ses excès. "J’irai seul. Je savais bien que tu n’existes pas vraiment, Lajus.Tant pis pour toi."

Et puis il y a Vinca, l’ange adoré, l’amour inaccessible, fragile et aérienne. Vinca et Juredieu, deux vérités nécessaires, opposées.  Ces émotions et ces sentiments sont si forts que le confort serait le renoncement à quinze ans, "J’avais eu ma part d’aventures…Désormais je me contenterai de mes souvenirs."

Autour de ce trio, d’autres vies, d’autres vies sont magnifiquement proposées.  Le dynamiteur mystérieux qui proteste contre quelque chose, les déchirements armés du couple Bérenger- Cléo, ce magnifique Grand Cros si loyal, buté, bête mais fidèle…

Et la médiocrité rattrape les bienheureux de leur non-existence.

 "Fallait-il que je sois lâche pour me féliciter de tous ces renoncements. Je ne trahissais personne, c’est vrai, hors de moi-même. Mais alors moi je me trahissais bien. Je me rognais les ailes. Je m’émasculais tout content. Le brave petit Augustin. Le brave petit imbécile, tout heureux de sa non-existence."

Bravo aux Editions Le Dilettante !

chroniques rentrée littéraire

Merci à Adeline Majorel et www.chroniqueslitterairedelarentree.com

A propos de l’auteur

Jean Forton ( 1930-1982), bordelais auteur de 20 romans paru chez Gallimard a cessé de publier en 1966 en continuant à écrire. La vraie vie est ailleurs est le deuxième roman inédit publié aux Editions Le Dilettante après l’Enfant roi en 1995.

Plus d’information sur Jean Fortonou sur ce site personnel de Catherine Rabier

Plus d’information sur le livre :

Une très belle biographie par Bruno Curatolodans l’Erudit des Universités de Montréal, Laval et du Québec.

Edition Le Dilettante, 7 Novembre 2012, 316 pages, 20€


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