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Code minier, ICPE, Conseil national de la transition écologique ... le Sénat modifie et adopte le projet de loi relatif à la participation du public

Publié le 06 novembre 2012 par Arnaudgossement

sénat.jpgVoici un texte qui devrait davantage retenir l'attention. Le Sénat vient d'adopter le projet de loi relatif relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Un texte qui impacte le code minier, la police des ICPE et créé un "Conseil national  de la transition écologique". Un texte qui va dans le bon sens même si une marge de progrés est encore possible à l'Assemblée nationale.


Le texte de la "petite loi" issu des débats, ce jour, au Sénat, peut être consulté ici. Mon "décryptage" du projet de loi dans sa version initiale peut être lu ici.

Si l'on regarde le verre à moitié vide, on regrettera que ce projet de loi soit, une fois de plus, discuté en procédure accélérée. Ce qui ne devrait constituer qu'une exception devient une norme. Par ailleurs, le renvoi, par l'article 7 de la petite loi, à la procédure d'ordonnance prévue à l'article 38 de la Constitution n'est pas non plus tout à fait conforme aux droits du Parlement. 

Verre à moitié plein : le Sénat a apporté des améliorations substantielles au projet de loi déposé par la Ministre de l'écologie. Des améliorations rendues possibles grâce au travail de la sénatrice en charge du rapport, Madame Laurence Rossignol, qui avait bien voulu m'auditionner.

En premier lieu, la procédure de participation du public est améliorée.

Ainsi, le Sénat a ajouté les dispositions suivantes au texte du projet relatif à l'article L.120-1 du code de l'environnement.

« Art. L. 120-1. – I. – La participation du public permet d’associer toute personne, de façon transparente et utile, à la préparation des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, en l’informant des projets de décisions concernées afin qu’elle puisse formuler ses observations, qui sont prises en considération par l’autorité compétente.
« Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles ce principe est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités de l’État, y compris les autorités administratives indépendantes, et de ses établissements publics ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration".

Ces dispositions ont pour but de préciser l'objet même de la procédure de participation du public avant d'en définir le mécanisme. On notera que seules les décisions réglementaires et d'espèce sont concernées. On notera également - et c'est une bonne chose - que le premier alinéa précise que l'administration doit "prendre considération" les observations du public.

Autre apport de la discussion au Sénat : les observations du public seront rendues publiques, ce qui permettra un dialogue environnemental horizontal - par courriels ou courriers - et non pas simplement un processus vertical d'envoi de mails comme c'est le cas actuellement :

« Les observations du public, formulées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l’autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours.

« Les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision".

Enfin, à la suite des travaux en commission, le Sénat a précisé ce qu'il advenait des observations du public.La petite loi précise ici :

« Dans le cas où la consultation d'un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations du public lui est transmise préalablement à son avis.
« Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publique, par voie électronique, une synthèse des observations du public. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte."

On notera:

  • que la loi fait désormais référence à la fonction des organismes consultatifs (type CSPRT) dans le cadre de la participation du public. Ce qui est une bonne chose car la participation du public se fait tant de manière directe, qu'indirecte, par des corps intermédiaires
  • qu'une sysnthèse des observations du public est établie et mise en ligne pendant trois mois au moins aprés publication de la décision concernée
  • que la preuve de la "prise en considération" des observations du public par l'administration est rapportée par la synthèse, laquelle devra indiquer "les observations du public dont il a été tenu compte."

Cette dernière formulation me paraît maladroite. Car l'administration est tenue de tenir compte de toutes les observations du public même si elle n'est pas liée par leur contenu. En réalité, l'administration est tenue d'expliquer comment elle a tenu compte desdites observations, ce qui est différent. Pour ma part, j'aurais préféré que l'on agisse sur le champ de l'obligation de motivation des actes administratifs, laquelle existe déjà. Un problème risque de se poser au demeurant sur l'articulation entre cette partie de la synthèse des observations et la décision elle-même : en constitue-telle une sorte d'exposé des motifs ?

Autre petit regret : l'absence de référent. Il me semble qu'un tiers indépendant aurait pu jouer le rôle de garant de la régularité et de la sincérité de la procédure. Au cas présent, l'administration joue elle-même le rôle de modération s'agissant d'un texte dont elle est au début et à la fin. Contrairement à ce qui a été déclaré lors des débats en séance le 6 novembre je ne pense pas que le juge administratif puisse assurer cette fonction de garant dans ce sens là.

En second lieu, la petite loi comporte une modification de la procédure minière

L'article 1er bis (nouveau) dispose désormais :

"I. – Après l’article L. 120-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 120-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 120-3. – Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier. »
II. – La seconde phrase de l’article L. 122-3 du code minier est supprimée".

Ce texte anticipe donc la réforme du code minier qui doit faire l'objet d'un autre projet de loi, en principe présenté en Conseil des ministres mi décembre. Le permis exclusif de recherches ne pourra donc plus être instruit sans procédure de participation du public ce qui contribuera aussi à la sécurité juridique des titres ainsi délivrés aux demandeurs. Cet article 1er bis procède à la suppression de la deuxième phrase de l'article L.122-3 du code minier qui, depuis 1994, dispensait  la procédure du PER de l'organisation d'une enquête publique.

En troisième lieu, le droit à l'information du public est renforcé en matière d'ICPE

Le Sénat a en effet introduit un article 1er ter qui insère un 6° à l'article L.124-2 du code de l'environnement, lequel est désormais ainsi rédigé :

" Est considérée comme information relative à l'environnement au sens du présent chapitre toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet :
1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ;
2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1° ;
3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ;
4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ;
5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement

« 6° Toutes les études et analyses mises à la charge des exploitants d’une installation classée pour la protection de l’environnement au sens de l’article L. 511-1. »

Cette disposition constitue d'abord une confirmation d'une règle déjà en vigueur car inscrite en droit de l'Union européenne et déjà appliquée par la CADA. Toutefois, tous les exploitants ne sont pas encore informés de ce droit à l'information environnementale qui s'exerce sur leur activité. Il importe qu'ils puissent rapidement en évaluer le sens et la portée très importante, notamment pour l'instruction de leurs projets, et ce, pour assurer la sécurité juridique des autorisations obtenues. Très concrètement, tout dossier de demande d'autorisation d'exploiter transmis en Préfecture peut être communiqué au public sur demande sans attendre, soit l'enquête publique, soit la décision de l'autorité administrative saisie. Les conditions du dialogue entre l'administration et le demandeur en sont sensiblement modifiées. 

Notons également que les articles 2 et 3 de ce texte modifient les condiitons d'élaboration des arrêtés de prescriptions générales de fonctionnement.

En quatrième lieu, la petite loi prévoit désormais la création d'un "Conseil national de la transition écologique".

L'article 8 (nouveau) de la petite loi votée au Sénat dispose :

"Le titre III du livre Ier du code de l’environnement est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Le Conseil national de la transition écologique
« Art. L. 133-1. – Le Conseil national de la transition écologique est présidé par le ministre chargé de l’écologie ou son représentant.
« Il peut décider de la création de formations spécialisées permanentes en son sein.
« Art. L. 133-2. – Le Conseil national de la transition écologique est consulté sur :
« – les projets de lois concernant à titre principal l’environnement ;
« – les stratégies, schémas et plans nationaux relatifs à l’environnement et à la biodiversité ;
« – les mesures prises en vue de la mise en œuvre des engagements internationaux de la France, notamment en matière de protection de l’environnement et de biodiversité ;
« – l’agenda annuel des conférences environnementales et le suivi de leur mise en œuvre.
« Il peut, en outre, se saisir de toute question d’intérêt national concernant la transition écologique et le développement durable ou ayant un impact sur ceux-ci.
« Il est annuellement informé de l’évolution des indicateurs nationaux de performance et de développement durable pertinents pour mesurer l’avancement de la transition écologique.
« Art. L. 133-3. – Les avis du Conseil national de la transition écologique sont mis à la disposition du public par voie électronique.
« Ils sont transmis au Conseil économique, social et environnemental, aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ainsi qu’aux organismes intéressés par la transition écologique.
« Art. L. 133-4. – La composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la transition écologique, notamment, sont précisées par voie réglementaire. »

La création de ce Conseil national de la transition écologique est une bonne chose, sous réserve de la manière dont sera rédigé son décret d'application. Au demeurant, le législateur aurait pu se montrer plus précis sur les conditions de travail de ce Conseil. La principale interrogation tient à l'articulation, voire à l'éventuelle redondance entre ce Conseil et  le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Ce dernier, annoncé par la loi "Grenelle 1" du 13 août 2009, avait été créé par un décret n° 2010-370 du 13 avril 2010.

Les deux institutions semblent avoir une fonction proche et il faut donc supposer que le second devrait être supprimé. La ministre de l'écologie a en effet précisé en séance :

"Mme Delphine Batho, ministre. - Faisant suite à la conférence environnementale, cet amendement introduit dans le code de l'environnement, un conseil national de la transition écologique. Cette instance aura vocation à remplacer le comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Elle sera obligatoirement consultée, de même que le conseil supérieur de l'éducation dans son domaine. Ses avis seront communiqués au Parlement. "

En cinquième lieu, le régime de l'agrément des associations au titre du code de l'environnement est complété.

L'article 9 (nouveau) de la petite loi dispose :

"Le cinquième alinéa de l’article L. 141-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Cet agrément est attribué pour une durée limitée dans des conditions définies par décret en Conseil d’État pour le territoire sur lequel l’association exerce les activités énoncées au premier alinéa. Il peut être renouvelé. Il peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer. »

* * *

Arnaud Gossement

Avocat associé - Selarl Gossement avocats

http://www.gossement-avocats.com


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