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L’affaire de l’amiante ne doit pas devenir l’affaire Aubry

Publié le 07 novembre 2012 par Hmoreigne

L’affaire de l’amiante ne doit pas devenir l’affaire AubryLa mise en examen de Martine Aubry comme ex-haut fonctionnaire du ministère du Travail de 1984 à 1987 remet sur le devant de la scène le douloureux dossier de l'amiante. Il est reproché à la puissance publique en général, et à ceux qui l'ont incarné en particulier, d'avoir agi insuffisamment et avec retard face à un risque sanitaire avéré. Attention toutefois à ne pas se focaliser sur un seul acteur. Car la responsabilité des industriels français organisés en lobby pour maintenir coûte que coûte l'utilisation de l'amiante et l'inertie des autorités sanitaires est largement aussi lourde.

Qu'il a été long le chemin entre la confirmation du caractère cancérigène de l'amiante dans les années 60 et l'interdiction de son utilisation en France en 1997. Combien de vies brisées dans cette longue période ? 35.000 décès peuvent être imputés à l'amiante entre 1965 et 1995. Entre 60.000 à 100.000 morts sont attendues dans les prochaines décennies en raison du temps de latence de 30 à 40 ans du mésothéliome. Viennent s'ajouter à cette comptabilité macabre environ 10 % des 25.000 cancers du poumon déclarés chaque année.

En 2005, un rapport sénatorial s'est interrogé sur le retard pris par notre pays pour mettre en oeuvre les premières mesures de prévention, avant l'interdiction complète et encore plus tardive de l'amiante.
Il aura en effet fallut attendre 46 ans après le Royaume-Uni et 31 ans après les Etats-Unis pour que la France prenne les premières mesures de précaution alors que le caractère cancérigène du matériau était souligné par une résolution du Parlement européen de janvier 1978.

Le plus surprenant aura été le choix de confier le dossier de l'amiante entre 1982 et 1995, à une structure informelle, le comité permanent amiante (CPA).
Le rapport sénatorial relève que, "le CPA  n'était en fait qu'un lobby de l'industrie dans lequel siégeaient également des scientifiques, les partenaires sociaux et des représentants des ministères concernés, et qui prônait l'usage contrôlé de l'amiante". Et surtout, qu'il "a joué un rôle non négligeable dans le retard de l'interdiction de ce matériau en France".

Du côté de la puissance publique, la faute a été reconnue puisque que le Conseil d'État, par quatre décisions du 3 mars 2004, a confirmé la responsabilité de l'État pour défaut de réglementation spécifique à l'amiante avant 1977 et pour le caractère tardif et insuffisant de la réglementation après cette date.

Mais le rapport parlementaire souligne également "le caractère parfois vif des déclarations des représentants des employeurs qui se sont refusé à assumer la responsabilité que certains voudraient leur imputer dans la contamination par l'amiante, au motif des incertitudes scientifiques de l'époque et de l'absence, pendant longtemps, de toute réglementation spécifique ou interdiction des pouvoirs publics". Une attitude qui en dit long.

La médiatique mise en examen de Martine Aubry semble reposer sur le fait que lorsqu'elle était à la tête de la DRT, en charge notamment de la prévention des risques professionnels, elle aurait tardé à procéder à la transcription en droit français d'une directive européenne visant à interdire l'usage de l'amiante notamment sous l'influence du CPA.

A cet égard, l'Andeva (Association nationale de défense des victimes de l'amiante) redoute une restriction du champ de recherche des responsabilités à la maire de Lille. Comme l'a déclaré son vice-président François Desriaux au Nouvel Observateur à propos de l'ancienne dirigeante du PS,  "Elle ne peut pas incarner seule le scandale de l'amiante et nous redoutons que l'affaire de l'amiante ne devienne l'affaire Aubry. Nous devons par ailleurs bien distinguer la responsabilité collective des pouvoirs publics et l'appréciation des responsabilités individuelles des uns et des autres qui auront éventuellement à en répondre".

Et l'Andeva de réclamer " la tenue d'un procès pénal pour faire la lumière sur l'enchaînement des responsabilités et l'appréciation des responsabilités des uns et des autres : pouvoirs publics, autorités sanitaires, et industriels avant tout. Avec des noms".


Aubry en examen : "Je crois que la justice fait... par LeNouvelObservateur


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