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Dernière chance

Publié le 13 novembre 2012 par Toulouseweb
Dernière chanceSAS bascule, elle aussi, dans un scénario catastrophe.
On savait SAS en mauvaise posture depuis plusieurs années, incapable de redresser ses comptes et accumulant des pertes inquiétantes. Mais personne n’attendait un épilogue aussi violent, la suppression de 7.000 emplois sur 15.000, en partie grâce ŕ la vente d’actifs et de filiales. Sans ce remčde de cheval, de toute évidence, les banques auraient coupé les vivres ŕ la compagnie trinationale.
Ce scénario rappelle bien entendu celui d’Iberia qui, 48 heures plus tôt, a annoncé des mesures de redressement elles aussi brutales. Ce qui permet d’affirmer que du nord au sud de l’Europe, les compagnies aériennes traditionnelles sont entrées dans une crise grave, voire mortelle. Cependant, toutes proportions gardées, les malheurs qui s’abattent sur SAS frappent davantage les esprits que d’autres dans la mesure oů il s’agit d’une entreprise qui fut longtemps considérée comme novatrice, en avance sur son temps et toujours gérée avec le plus grand sérieux.
Mieux, sa constitution au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avait témoigné d’une judicieuse vision ŕ long terme. La Sučde, la Norvčge et le Danemark avaient en effet compris trčs tôt que le transport aérien, alors en phase de redémarrage, ne laisserait gučre de place ŕ des intervenants de petites dimensions, sans surface financičre adéquate, sans réseau mondial, sans flotte ultra-moderne. D’oů la décision politique de confier trois compagnies nationales ŕ une société holding commune, Scandinavian Airlines System, cela en mettant les droits de trafic des uns et des autres dans le pot commun.
Certes, les trois pays avaient beaucoup ŕ partager, ŕ commencer par des cultures trčs proches, mais il ne leur en fallait pas moins renoncer ŕ la notion de patriotisme économique et aérien qui, surtout en ces temps-lŕ, accompagnait les compagnies Ťnationalesť. Un peu plus tard, c’est-ŕ-dire au moment de la signature du Traité de Rome de 1957, prélude ŕ la mise en place de la Communauté économique européenne puis de l’Union européenne, les Six ne furent pas capables d’en faire autant. Sans quoi Air Union aurait vu le jour, avant qu’il ne soit trop tard.
Bien menée, SAS s’est installée. A plus d’une reprise, elle a innové, notamment en termes de management, et elle a fait de Stockholm une grande plate-forme de correspondances, un hub avant l’invention du hub. Aussi fut-elle érigée en exemple, donnant ŕ d’autres des velléités d’en faire autant. Par exemple le projet Benelux Airlines ou encore les tentatives répétées de Sabena de conclure un mariage de raison avec un introuvable partenaire.
SAS, de son côté, poursuivait sa route, malgré tous les inconvénients d’une localisation géographique ingrate, exagérément excentrée. Mais son sérieux, son réseau équilibré, la qualité de son service, lui permirent longtemps de se défendre correctement. Puis vint le moment oů, comme d’autres compagnies de dimensions moyennes, elle aurait volontiers choisi de s’adosser ŕ une maison plus forte si l’occasion lui en avait été donnée. Ce fut presque le cas avec Lufthansa qui, elle-męme fragilisée par la mauvaise conjoncture, mit brusquement un terme ŕ sa stratégie de croissance externe. Sans quoi SAS serait aujourd’hui allemande et sans doute en meilleure situation.
SAS, comme d’autres, affiche en effet de mauvaises dimensions, 27 millions de passagers par an, des coűts nordiques élevés et souffre de effets néfastes d’une implacable concurrence low cost. Rickard Gustafson, son directeur général, a choisi la méthode forte, employant sans le vouloir, sans le savoir, les męmes mots que son collčgue espagnol d’Iberia. Il s’agit, a-t-il dit en substance ŕ ses troupes, de saisir notre derničre chance, de mener un combat pour notre survie. Mais, pour passer le cap, il lui faudra adopter un gabarit plus modeste et, c’est tout dire, vendre la filiale Wideroe, filiale régionale qui fait partie des joyaux de la couronne. Le conseil d’administration, les actionnaires, les banques, ont déjŕ approuvé cette maničre de faire.
Reste ŕ ouvrir sans plus tarder un débat difficile et complexe : y a-t-il trop de compagnies aériennes en Europe ? Ont-elles vraiment compris que Ryanair, EasyJet et les autres les ont entraînées de force dans une autre époque ? N’est-il pas déjŕ trop tard pour réagir ?
Pierre Sparaco - AeroMorning

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