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« Manifestation pour tous » : la république bariolée des enfants de la famille bat le pavé parisien

Publié le 19 novembre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Ballon d’essai régional, la manifestation du 17 novembre contre la dénaturation du mariage a eu valeur de test national dispersé entre quelques métropoles. Capitale oblige, le millésime parisien a attiré média et familles en une foule bigarrée. Occasion de revenir sur un essai à transformer le 13 janvier.

« Manifestation pour tous » : la république bariolée des enfants de la famille bat le pavé parisien

 

« Je suis de gauche. Mais j’ai écrit à François Hollande que s’il proposait le mariage homosexuel, je ne voterais pas pour lui. Je n’ai donc pas voté pour lui. Aujourd’hui, je ne peux pas faire autre chose que d’aller à Paris. J’irai à Lille aussi ». Jean-Jacques a donc pris ce samedi 17 novembre sa voiture et, 300 kilomètres plus loin, l’ancre place Vauban après y avoir déposé sa femme, sa fille et moi même. Il ne faut plus tarder car la marée va monter depuis la Place Denfert-Rochereau à quelques encablures de là.

Ciel gris, plafond nuageux blanc et bas : ce n’est pas de là que viendront les couleurs. En attendant, c’est vite le rouge qui domine, le rouge des vociférations, le rouge des passagers du métro compressés jusqu’à la délivrance Place Denfert-Rochereau ou à Raspail, la station d’avant, pour les plus malins ou les plus pressés. Au milieu des visages congestionnés, quelques protestations, mais bien plus de sourires de compréhensions. Une petite musulmane, juchée sur les épaules de sa mère n’en finit pas d’avoir les yeux qui roulent d’étonnement comme autant de billes échappés d’un cartable ; un blondinet, vigie sur un poste branlant similaire, regarde la marée humaine : bigarrée, la famille reste la famille.

La manifestation va manger du Lion ?

« Raspail ! On descend ? Il paraît que  Denfert est fermée… Non, Céline m’a dit que la station était ouverte. » Ce sera finalement Denfert, décidera le consensus GSM de la rame… Celle-ci peine à s’extraire de la station tant la foule est compacte et n’arrive pas à l’air libre. Mais la bonne humeur nous fait franchir les marches de l’escalier pour déboucher sur le Lion de la place déjà conquis par des jeunes matadors en quête d’horizons lointains. Un cinéaste allemand ne disait il pas « si loin, si proche ? ». Plus de rouge désormais: on respire. Du rose donc maintenant qu’on peut respirer.

Mais on piétine toujours. « Il paraît que les organisateurs ont déposé une demande de manifestation pour 10 000 personnes. A mon avis, on est beaucoup plus… ». Je ne suis pas expert en comptage de manifestants, mais mon nez coincé dans la veste verte de mon prédécesseur opine sans que j’aie besoin de l’interroger. « Avancez, avancez » crient les ados juchés sur le Lion de la place. « Mais je ne demande que ça ». Des personnes âgées repartent, épuisées du sur place. Mais où est l’organisation, à part ceux qui essaient de stopper le crachotis qui sort du camion sono de la place ?

Une houle de panneaux bricolés.

« La tête de la manifestation est à Duroc ! On y va ! Enfin… » La marée humaine se fait enfin mouvante et une houle de têtes, de panneaux bricolés, de ballons roses et blancs prend forme. Elle se répand doucement et épouse les contours des boulevards sans rencontrer de véritable contre manifestation ni de badaud : les salariés des immeubles de bureaux ne sont pas là, c’est samedi, mais les autres ? Sont-ils au parfum ? Question vite dissipée par l’humeur bon enfant et un brin candide. On ne se connaît pas toujours, mais on se reconnaît : on est tous là pour la même cause. Alors à quoi bon ce jeune homme qui a pris le micro en otage pour nous expliquer pourquoi on est là ? Comme si j’avais oublié ! On n’est pas là pour expliquer mais pour exprimer le nombre. « Le Million ! »

Les squaws sont venues défendre leurs papooses et le font savoir avec des peintures de guerre bon enfants. Les hommes ont parfois les cheveux teints en vert. Pas de grosses banderoles payées à un imprimeur : c’est la France du pays réel qui, festive mais déterminée, bat le pavé parisien. Il faudra compter sur elle. Une foule qui tend la main pour accueillir la famille naturelle, une foule qui tend la main, n’est-ce pas une démocratie ? Et si elle s’occupe des choses de l’Etat, n’est elle pas, étymologiquement une forme de république ?

Les mains tendues tiennent donc force pancartes parfois très personnelles, parfois siglées des messages de la manifestation pour tous. Un père de famille pousse ses cinq enfants dans une carriole de vélo et l’un de ses amis doit s’écarter pour ne pas donner une impression incompatible avec l’esprit de la manifestation… On marche dans le sillage des cadavres de confettis que d’autres ont dû lancer avant nous. Ah, c’est vrai, comme nous l’apprendrons plus tard, nous sommes plus de cent mille. Vivement le million.

Un bipède au réverbère…

« Manifestation pour tous » : la république bariolée des enfants de la famille bat le pavé parisien

Crédits : compte @lamanifpourtous

D’autres sont passés avant nous… Mais d’où me vient cette impression d’un flottement dans la manifestation ? Car à chaque réverbère, le même bipède saute sur le mât et éructe la reprise de slogan d’un tract qu’on a eu la chance de pouvoir lire. A chaque carrefour, il saute à nouveau, crie, sourit, hurle sans autre mégaphone que sa glotte jusqu’à ce qu’une extinction de voix la rende de moins en moins audible.

Des petites musulmanes gloussent quand des trublions ajoutent une finale plus corsée au slogan « Ayrault, ta réforme si tu savais où on se la met ta réforme ». Voilà qui galvanise… Pauvre Ayrault d’ailleurs. Y est-il pour quelque chose ? Le reste des slogans, composés de mots trop longs reste sur le papier. Bref, il nous manque de quoi faire crier la foule à l’unisson de la place Vauban à Denfert-Rocherau, du retraité au jeune roquet, blanc, bleu, rose.

Montparnasse est encore dans le jour. Puis le jour tombe mais le dôme des Invalides, la cohorte des réverbères nous guident jusqu’à bon port. Les cloches de l’église Saint François Xavier sonnent un joyeux tocsin. Non, ce n’est pas un oxymore. Puis c’est la fin de la manifestation place Vauban. C’est toujours une forme de nostalgie qui accueille une dislocation de manifestation. La voiture est là, mais pas les grands organisateurs de la manifestation. Sommes nous une famille ? Trop tard. Mais on ne lâche rien.

Philippe de Casabianca


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