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Marie agnes gillot sous apparence

Publié le 17 novembre 2012 par Popov

MARIE AGNES GILLOT SOUS APPARENCE

L'opéra de Paris rend hommage au chorégraphe Merce Cunningham et reprend Un jour ou deux, un ballet créé en 1973 à Paris. A l'initiative de Brigitte Lefèvre directrice de la danse, Marie-Agnès Gillot, danseuse étoile présente sa première chorégraphie Sous apparence.

Sous apparence est la "transcription d'un vécu sur un mode chorégraphique musical et visuel". Ainsi s'exprime la danseuse étoile qui a depuis des années illuminé l'Opéra de sa présence. Soit. Mais, l'apprentie chorégraphe ne s'illusionne-t-elle pas un peu quand elle s'imagine que le spectateur lambda va comprendre que le "Toblerone" autour duquel s'agrègent, grimpent, se frottent ses danseurs (ce pare-char suisse en béton confectionné par le décorateur Olivier Mosset, "chantre de l'abstraction radicale") renvoie à son imaginaire d'enfant, quand elle faisait l'ascension du mobilier urbain des squares de la ville de Caen? Est-elle bien certaine qu'un bunker en forme de chocolat suisse puisse par quelque miraculeuse réminiscence évoquer les collines de sa Normandie natale?

De la modernité en chorégraphie

De la même façon, si l'on faisait un micro-trottoir à la sortie du spectacle et que l'on interrogeait tel ancien ministre de la culture ou tel actuel ministre des Affaires étrangères (le protocole reste le protocole) seraient bien en peine de donner quelque interprétation sémantique du jardin surréaliste composé par l'inestimable styliste Walter Von Beyrendonck... Sapins de tulle, guêpes géantes et roquettes roses peuplent cet univers mystérieux et chimérique.

Drôle certes, mais un peu gratuit sauf à faire un spectacle de Noël pour enfants. Pour que le patchwork contemporain soit complet on a ajouté à ces artistes ultra-branchés, barbus comme des pères spiritains relookés par les Zeezeetops, une musique à hauteur d'abstraction: Morton Feldman, Giörgy Ligeti et une spécialité de la chef (Laurence Equibey), Anton Bruckner. C'est vrai qu'un petit Agnus Dei ou un Kyrie, un continuum de clavecin ne dénotent pas sur atmosphère post-apocalyspe moderne. Un ballet pourtant fut-il intelligent doit avoir quelque argument. A cela, Marie-Agnès répond par un projet d'intention en forme de sujet du bac.

"Les apparences sont innocentes de nos erreurs", dit la géniale danseuse à qui on a envie de répondre: "c'est pas grave". Prima la danse, dopo le blabla... Et de fait, le meilleur de cette chorégraphie réside dans la danse. Dans son journal où elle a noté ses mouvements oubliés, ses gestes endormis. Dans sa passion des pointes (injustement oubliées ou parodiées) à qui Marie-Agnès donne un relief singulier. Expérimenter le langage de la pointe, le renouveler, voilà une excellente idée chorégraphique! La pointe, "objet sacré" et rituel de douleur et de vie... toute une vie de pointes, n'est-ce pas une métaphore de l'existence mais aussi de la confrontation de l'excellence perpétuelle auquelle est confrontée le danseur? Dans sa chorégraphie elle a cherché d'autres facettes de corps, de personnes qu'elle a côtoyées... Elle a rêvé ces glissandos corporels, sortes de travelling floutés, oniriques... Beaucoup de trouvailles qui vont au-delà du "spectacle de danseur", beaucoup de pudeur sans doute, mais d'une pudeur qui aurait gagné à ne pas se dissimuler derrière une panoplie de "branchitude" qui ne protège, au fond de rien. Socle et invention !

Un jour ou Deux de Maître Cunningham est d'un calibre bien différent. Spectacle de styliste où l'abstrait est ici pourvu de quelque nécessité et pas seulement parce que décors et costumes ont été conçus d'après Jaspers Johns. Et pourtant, quand on soulève le capot de cette belle mécanique que de bizarreries: un bouddhisme zen met au centre le danseur puisque dieu et l'homme c'est pareil. Conséquence: un nombre de rôles principaux importants sur scène. Une idéologie efficace: "Le sujet de la danse, c'est la danse elle-même", maxime claquée sur le lyrique( prima la musica...), une complicité avec un musicien parmi les plus détestés...

Spectacle de fièvre aussi où, jusqu'aux plus agaçantes répétitions ne sont pas "trompeuses apparences". Spectacle où nécessité fait loi, où le chorégraphe s'affranchit du "note à note". Spectacle sans doute lourd pour des danseurs sans repères par la virtuosité exigée comme le rappelait à l'origine Michael Denard à la rigueur diabolique auxquelles Emilie Cozette (d'une force intérieure impressionnante) et Hervé Moreau (digne successeur) plient aujourd'hui leurs corps.Spectacle possédé d'une esthétique contemporaine.

Ballet de l'Opéra /Marie-Agnès Gillot/Merce Cunningham. A l' Opéra Garnier jusqu'au 10 novembre 2012.

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