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Je suis un microsillon - la Face A

Publié le 21 mars 2008 par Ingridfarenheit
Voici mon clin d'oeil Daniel (voir commentaire reçu le 13 mars 2008),

Je ne rêve que d'écrire, mais les forces déjouent sans cesse mes plans. Journée typique: je démarre sur les chapeaux de roues, sautant du lit en chantant Y A D'LA JOIE! courant à gauche à droite comme une tête sans poule, dressant des listes prometteuses de projets, confiante d'accomplir mille prouesses, persuadée de l'avoir tournée, cette page.

Mais avant midi je me démantibule, en sueur d'avoir attaché mes lacets, à bout de souffle d'avoir mené de front des activités aussi épuisantes que mettre la cafetière et le grille- pain en marche! Moi qui dévorais les livres à la caisse, me voilà migraineuse après un chapitre!

À la suite des traitements au Herceptin, débutés en novembre 2007, mon coeur a donné quelques signaux d'alarme d'abord en décembre et de nouveau en février, à la suite desquels l'oncologue a mis fin au traitement. Après un essai de retour au travail progressif, je suis de nouveau au repos en raison d'un essouflement inexpliqué.


J'espérais relater mes péripéties plus rondement, finir par rattraper le temps présent, être à jour... J'y aspire toujours. Ce printemps peut-être?

À très bientôt, j'ai tant de choses à vous raconter... La fois où j'ai perdu ma boucle d'oreille, la fois où j'ai subi une commotion cérébrale au Musée des Beaux-Arts, toutes situations plus réjouissantes les unes que les autres, où je surpasse les sommets du ridicule de fois en fois... je les vois, je les entends, elles mijotent, sortes d'engrais à faire repousser les cheveux.

Tandis qu'on y est, parlons-en de mes cheveux! Je me trimballe avec un champs de broussailles sur la tête, foisonnant de tiges hirsutes tournicotant dans tous les sens, et je m'attends, d'un jour à l'autre, à y voir nicher des hirondelles! Comme disait ma soeur, je dois capter CHOM FM.

Quelqu'un de bien intentionné m'a dit, un jour de désarroi, de colère et de peine, il faut que tu te battes pour toi, c'est pour toi que tu dois le faire. La Confrérie des Patients en Jaquettes Bleues, que j'ai assidûment fréquentée depuis janvier 2007, m'a plutôt enseigné ceci. C'est dans la présence de ceux que nous aimons et qui nous aiment, qui nous tendent la main et nous accompagnent sans condition, que nous puisons la force de mettre un pas devant l'autre.

Le cancer, c'est embarquer malgré soi dans d'interminables montagnes russes la tête en bas, perdre son chapeau, ses clés, ses repères, sentir sa tête se dévisser, retourner à GO quand on touchait au but, négocier les virages sans fermer les yeux.
C'est enfiler et enfiler et enfiler des jaquettes bleues, prendre racine dans d'innombrables salles d'attente, se voir semaine après semaine en pièces détachées sur des écrans radio, passer du jogging à la marche rapide, de la marche rapide à la marche lente, mais continuer de croire qu'on les rechaussera, les souliers de course.
Puis, sentir le manège ralentir enfin, approcher du guichet d'entrée, soupirer de soulagement, anticiper la libération imminente, et, au moment où la voiturette allait s'arrêter, constater avec horreur qu'elle repart à toute vitesse pour un nouveau tour.
Et ainsi de suite, plusieurs fois.

C'est en croisant le regard des êtres aimés, tout en bas, qui nous attendent et nous envoient la main, qu'on regagne la capacité, souvent perdue dans le tournant, à croire que la prochaine fois, elle s'arrêtera la voiturette.
Ce sont mes inestimables et fidèles anges-gardiens depuis le début, toujours présents aujourd'hui, ainsi que les messages précieux de lecteurs comme vous, qui alimentent, depuis bientôt un an, mon espoir d'un retour à la santé et d'un arrêt du manège.
S'il n'en dépendait que de ma volonté, mon récit coulerait au quotidien, et vous ne perdez rien pour attendre. Je vous entends déjà vous écrier Grâce! Pitié! Cessez princesse! Nous n'en pouvons plus de vous lire!

Merci de m'attendre quand la tête sautille partout et que le corps peine à la suivre.
Image: Affiche de Klaas Gubbels, Vormgeving R2d, 2001, Plint.
Poème néerlandais de K. Schippers, traduction libre:


Vas-tu à la plage aujourd'hui?

Si tu y vas, me donnerais-tu le sable de tes souliers pour mon aquarium?


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