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45 - Des lois et des peines (1ère partie)

Publié le 02 avril 2008 par Theophile

Avocat Sous la douche, je prends un dernier moment de répit. Je profite de la chaleur. Je profite de la douceur. Je profite de ce dernier moment de liberté.
Je ne sais pas très bien comment tout cela va se dérouler. Ces histoires de juge, d'avocats, de procédures, de convocation me tétanisent du haut de mes 12 ans. C'est aujourd'hui le jour de la convocation au tribunal devant le juge pour le divorce.
En parlant avec ma mère, elle m'a expliqué que quand les parents divorcent, il y a un droit de visite, un droit de garde, et que c'est ce jour-là que tout va se décider. Elle m'a aussi expliqué que cela ne concernait que moi. Joséphine ayant seize ans, elle est en âge de choisir chez quel parent elle décide de vivre, et si elle accepte ou non le droit de visite de l'autre parent.
Tout cela était très flou pour moi, mais j'avais malgré tout envisagé l'importance de ce jour, car il allait définir ma vie pour les quelques années à venir. C'est ce qui était terrorisant. Un trac similaire à celui de mon entrée au collège m'envahissait, mais quelque chose de plus sombre venait s'ajouter à mon émotion.
Lorsque je sors de la salle de bain, je remarque que je suis le seul à présager que c'est un jour pas comme les autres.
Ma mère a l'air calme. Ce jour est un jour important puisque c'est aujourd'hui qu'elle va acquérir sa liberté et que juridiquement, son engagement avec "l'autre" sera pour jamais rompu. Détendue, souriante, attentive, elle passe la main sur mon visage quand elle me croise dans le couloir de l'entrée, et me chuchote son doux et habituel "mon ange".
Joséphine est calme, elle aussi. Et absente, comme à son habitude. Depuis que nous avons fuis Vial, elle a vraiment changée. L'éloignement de Samuel l'enferme dans une présence absente. Presque totalement muette, elle ne manque jamais une occasion de s'isoler. Ses résultats scolaires ne sont pas à la hauteur de son habitude. Elle vient d'entrer au lycée, et le spectacle des amourettes épanouïes de ses copines n'apaisent pas son manque et son chagrin.
Mon grand-père sort la voiture du garage. Il doit nous accompagner au Tribunal de Saint-Velin devant lequel nous devons retrouver Maître D. Pelsmaker, l'avocat de ma mère.

    - Théo, mon ange. Il faut y aller. Papy nous attend.

Ma grand-mère nous embrasse. Ma soeur aussi est là.
Nous sortons ma mère et moi de la maison. J'ai cette impression bizarre que tout est double. Le sourire de ma grand-mère, par exemple, est entre le soutien d'un jour très important, et un détachement qui veut amoindrir la gravité de la situation. Je ne parviens pas à comprendre cette ambiance  sinueuse. Le ciel est gris mais il ne fait pas froid. Ma mère a le coeur qui bat très fort, mais son sourire manifeste un véritable apaisement. Mon grand-père n'est pas coiffé, mais il a vêtit son costume du dimanche.

Ma grand-mère a tenue à ce que mon grand-père nous accompagne. Car "l'autre" sera là. Lui aussi en présence de son avocate. Sur le chemin, beaucoup de paroles sont échangées entre mon grand-père et ma mère. A mon grand étonnement d'ailleurs. Lui qui parle très peu dans les situations importantes, il se déverse en plaisanteries et mots d'esprit. C'est toujours ainsi que je l'ai connu. Il ouvre la bouche pour faire le pitre et pour nous faire rire, comme pour mieux escamoter la difficulté. L'affrontement. La douleur.

A l'arrière de la voiture, je regarde à travers la vitre les gens, les piétons, les autres voitures à l'intérieur desquelles il y a des familles, des enfants à l'arrière, comme moi, mais avec au volant un papa à côté duquel se tient une maman. Puis il y a un garçon de mon âge qui tient sa mère par la main. Ils regardent les vitrines des magasins. Ensemble. Tous les deux. Juste tous les deux.

Lorsque nous arrivons au Tribunal, l'avocat de ma mère vient à notre rencontre. Poignées de main et politesses échangées, il nous invite à entrer à l'intérieur du bâtiment. De gros dossiers sous le bras, il pose une main sur l'épaule de ma mère et tout en l'invitant à se diriger vers l'entrée, il lui dit, doucement, mais normalement :

    - Votre mari est est déjà là. Tout va bien se passer.

(1ère partie)


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