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Matthieu Gosztola : Nécessité de lire la poésie contemporaine … (1/5)

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

Source : La Cause Littéraire 28/11/2012


ou De l’importance des sites Internet la faisant exister

La poésie contemporaine est l’hypostase du quotidien. Hypostase doit être pris ici dans le sens médical de « sédiment » contenu « dans un liquide organique », le courant du quotidien se confondant avec celui héraclitéen d’un liquide, mais au-dedans (devenant par là même « organique »), le quotidien étant le cours du temps et de l’espace (liquide impétueux) qui emporte l’homme plus ou moins loin au-dedans de lui (le mettant face à un soi tout à la fois nouveau et permanent dans le même mouvement, dans un mouvement qui est mouvement constant sans direction), le faisant résonner avec des parties de lui jusqu’ici entrevues seulement, mettant en présence des fragments jamais mis en présence, épousant des recoins qui pouvaient supposément ne pas exister, sans qu’il ait forcément à faire, du reste, le moindre mouvement. Ou peu s’en faut. Le quotidien n’est pas ce qui survient. Le quotidien est uniquement la façon qu’a le dedans d’accueillir.

Pourquoi est-il nécessaire maintenant plus que jamais de lire la poésie contemporaine ? Et d’apprendreà la lire (d’où la nécessité de publier des études sur cette forme d’écriture extrêmement, aujourd’hui plus que jamais, marginale et délaissée, y compris au sein des études universitaires) ? Apprendre à la lire équivalant strictement à désapprendre à lire et à, dans le même mouvement, (ré)inventer (car il n’y a pas d’invention n’étant pas intrinsèquement réinvention) une lecture qui soit remise en cause de tous les a priori concernant la langue et dénaturation de notre horizon d’attente, violence perpétrée et perpétuée vis-à-vis de ce dernier qui ne cesse pas pour autant de nous habiter, mais rudoyé, branlant au sein de notre psyché, malmené, comme sommé de se refaire. De se renouveler. C’est à une relecture constante de notre langue que nous convie la poésie contemporaine en la faisant choir de sesévidences, de ses assises lexicales et syntaxiques, des topoï qu’elle véhicule invariablement. Et comme inlassablement, ce caractère inlassable se confondant avec l’inlassable de nos vies dans leurs mouvances intimes et extimes.

La langue est maternelle, elle est l’expression, par essence, tout à la fois de l’intime et du social, le social étant (pour le sujet) une reconduction de l’intime (cette apparence de reconduction tient à la succession chronologique d’une vie – d’abord, pour le nourrisson, tout est intime avant que l’intimité ne s’ouvre peu à peu au monde qui est sommé de recouvrer l’intime, car c’est alors qu’il semble acquérir toute sa force, toute sa légitimité, tout son poids) alors qu’en vérité c’est le contraire qui se produit : l’intime est bien plutôt une reconduction du social, et par conséquent de la langue qui en est la condition suffisante d’apparition. Que sont l’amour, la tendresse, l’amitié sinon des modalités de la langue (et par conséquent du social) ?

La langue assoit notre rapport au monde et à nous-mêmes (voilà pourquoi, dans de nombreuses psychoses, la langue est dénaturée, signifiant par là un rapport défait, déconstruit au monde et à soi, les deux rapports étant sans cesse, et au plus profond, liés). Elle est ce qui est par définition commun. Elle est le liant commun entre toutes choses pour la conscience humaine, lequel liant autorise toute idée de lien, autrement dit de sens, toute liaison étant l’invention – mais qui paraît être strictementreconnaissance loin d’une trouvaille possible – d’un sens et tout lien la reconnaissance de la valeur de cette invention.

Dans cette communauté du dire nulle surprise ne peut advenir (la surprise se confondant avec le sentiment d’une faute – syntaxique, lexicale – face aux canons dominants qui ont valeur de structures inaliénables, lesquels canons, seuls, prévalent). La poésie contemporaine transforme radicalement la langue en lieu d’étrangeté où tout est surprise car où nulle faute ne peut être considérée puisque tous les carcans ont volé en éclats, loin d’une systématisation possible qui serait un criterium de vérité : chaque auteur peut ainsi hasarder sa propre systématisation, et la mettre, dans le même mouvement presque, s’il le souhaite, en péril, car il n’y a pas de systématisation qui puisse tenir, même pour l’univers singulier d’un auteur, une systématisation quelle qu’elle soit devant pour exister pouvoir s’arrimer à une structure qui soit le hors-champ de sa manifestation (et ayant trait à l’épistémè). Et jamais alors cette systématisation singulière ne fera figure de criterium de vérité pouvant permettre l’approche sensible et intelligible des autres systématisations opérées par les autres poètes, quand bien même évidemment il n’y a pas d’écriture contemporaine qui soit construite de façon orpheline face aux autres écritures, et sans liens nombreux et extrêmement, le plus souvent, protéiformes avec elles.

Il faut lire aujourd’hui plus que jamais la poésie contemporaine tout simplement pour mener à bien le cours de notre vie dans sa plus pure quotidienneté en osmose avec un sentiment aigu de l’Histoire qui soit fondé sur une relecture de la langue (laquelle, sans se confondre bien évidemment avec le réel, se superpose à lui car elle est la seule façon qu’a le réel d’être rendu intelligible et ainsi catégorisé) nécessairement touchée par un sentiment de délabrement et de délitement des sociétés, sentiment né de la conscience unanimement contextualisée (même à un degré infime) des grands conflits qui ont fait, véritablement fait le XX° siècle (plus qu’ils ne l’ont gangrené ; ce sont eux qui lui ont conféré toute son identité).

Matthieu Gosztola


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