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Portaits d’ailleurs et d’ici: Caroline et Yves, au-delà de la nuit…

Publié le 03 décembre 2012 par Chantalserriere

Moi, je joue du piano, dit Caroline,

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Moi, je joue du basson, dirait son père...

Moi, je joue du cor, dit André Monteiro, le mari de Caroline,

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Yves, quant à lui, joue... de l'électronique!

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Et Patricia Weiss, sa compagne, aussi...

Allez savoir, dirait Prévert, qui sont les artistes de cet orchestre là, dont tous les membres ne sont pas musiciens !

C'est que cet orchestre n'existe pas vraiment en tant que tel! Il s'agit, pour tout dire, d'une association. Mais d'une association pas comme les autres. Au départ, il y a la rencontre de Yves, malvoyant, et de Caroline, qui l'est aussi. Bien qu'atteints de pathologies différentes,  tous deux sont privés de vision centrale. Avec leurs conjoints et leurs amis, ils ont créé "Vue-d'ensemble", un groupe interculturel composé de voyants, malvoyants et non-voyants.

- Lorsque j'étais petite, dit Caroline Sablayrolles, je croyais que je voyais comme les chats. C'était comme cela. Avec ma perception latérale, je distinguais des choses étranges dans le jardin. Mes parents ont commencé à s'inquiéter.

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- Pour moi, dit Yves Wansi, j'ai entendu dire, pendant mon enfance, qu'on a toujours un pied plus fort que l'autre. J'en avais déduit  qu'il en était de même pour les yeux. Je ne voyais pratiquement que d'un oeil, mais je trouvais cela normal. Il y en avait un, fort, et l'autre, faible. Jusqu'au jour, autour de mes 16 ans, où une tante, infirmière, s'est inquiétée. Décollement de rétine affirmé de l'oeil "faible" et début de décollement pour l'autre. Je vivais à Yaoundé

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  où mes parents sont enseignants. Il a été décidé de m'envoyer en France pour être opéré. Malheureusement, à Paris, le spécialiste n'a pas voulu tenter l'opération. J'ai consulté à Bordeaux, puis à Lyon. Toujours le même refus. J'ai alors traversé des moments très difficiles. Impossibilité de trouver du travail. Pas d'avenir. Un jour, sur l'invitation d'une tante qui habite Strasbourg et lui conseille de consulter à nouveau, l'impensable se produit: L'ophtalmo qui l'examine propose enfin l'opération nécessaire à la sauvegarde de son oeil dont la rétine se décolle peu à peu. A partir de là, tout va changer. Yves récupèrera un peu de vision bilatérale et surtout de l'énergie nécessaire à son insertion dans la vie active. Etudes. Et la rencontre d'un homme d'exception en la personne de Laurent Girard qui lui permettra par ses encouragements de devenir technicien de basse vision.

Caroline, elle, a suivi une scolarité normale malgré son handicap identifié. ll s'agit de la maladie de Stargardt. Elle a suivi aussi les cours du conservatoire. Elle est pianiste. Mais, avant de s'engager résolument dans cette voie, elle trouvait ses mains trop petites . Un jour, son chemin croise celui de la magnifique pianiste Maria Joao Pirès.

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- J'étais dans le couloir, raconte Caroline. Elle s'est avancée:

- Vous êtes pianiste ? Vous vouliez  me rencontrer ? prononce Maria.

- Je voulais seulement voir vos  mains, dit Caroline.

Car, il est de notoriété que Maria Joao Pirès possède de très petites mains pour une virtuose.

- Alors, poursuit Caroline, Maria Pirès a posé sa main sur la mienne. C'était la même! J'avais les mêmes mains que Maria Joao Pirès!

C'est une belle histoire que raconte Caroline. Une histoire positive, comme celle d'Yves!

La célèbre pianiste à invité la jeune femme au Portugal, dans la ferme où elle accueille des artistes du monde entier. Et Caroline a tout appris. A  dépasser le handicap. A le transformer en atout. A réfléchir sur la vie. Au sens à donner au chemin qu'elle emprunte. Et la musique. Oublier ses mains. Etre libre. Même si la liberté est aussi fragilité!  Jouer en regardant le ciel...

Ce qui est exceptionnel dans cette association, c'est sa dynamique immédiate d'ouverture aux autres. Le témoin qui les approche remarque  en effet, dès les premiers contacts, qu'il ne s'agit jamais pour ses fondateurs, de chercher à pallier des difficultés personnelles, mais bien de s'ouvrir aux autres et de partager la richesse morale et intellectuelle que leur handicap leur a paradoxalement permis d'acquérir plus rapidement. Bien sûr, ils ne le formuleraient pas ainsi. Je sais bien qu'ils seront embarrassés par ces mots. Mais je les assume. Véritable richesse que ce chemin parcouru du déni du handicap à l'atout qu'il représente! Et tant de tendresse dans les gestes, de simplicité dans l'accueil! Une petite et toute jeune association qui ira loin et dont on reparlera bientôt.

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Légende photo du chat: Le chat du Cheshire dans Alice au pays des merveilles illustré par John Tenniel.

La dernière photo a été prise par Nicole Evrard lors de la soirée "Cuisine du monde".


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