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Robin des Bois (Robin Hood)

Par Kinopitheque12

Ridley Scott, 2010 (États-Unis, Royaume-Uni)

Robin des Bois (Robin Hood)

Ridley Scott fond le mythe dans la réalité et, ce qu’il faisait dans Gladiator (1999) et Kingdom of Heaven (2004), réalise une fresque historique, humaniste et riche en batailles.

AUX ORIGINES DU MYTHE
Robin Longstride (Russell Crowe) n’est pas noble. Il est un archer qui, de retour de la troisième croisade, a déserté une armée sans souverain et qui a usurpé l’identité d’un seigneur afin de faciliter son retour en Angleterre. Ses compagnons, en retrait de l’histoire, portent des noms bien connus : Petit Jean, Will l’Ecarlate, Allan A’Dayle le ménestrel (le coq narrateur de Disney dans Robin des Bois de W. Reitherman, 1973). Le personnage de Frère Tuck (Mark Addy) est un peu plus développé : apiculteur (jolie idée), fabriquant et buveur d’hydromel, son péché mignon. Revenu à la chevalerie (Le septième sceau d’Ingmar Bergman, 1956), Max von Sydow est l’aveugle et magnifique seigneur qui adopte Robin. Cette largesse trouve une explication dans les soucis de succession qui concernent sa belle-fille. De cette manière, devient possible le rapprochement entre Marianne (la belle Cate Blanchett, lointaine aïeule d’Elisabeth de S. Kapur, 1998 et 2007) et celui qui n’est encore ni prince ni voleur [1].

POLITIQUE ET FÉODALITÉ : DE L’ANGLETERRE MÉDIÉVALE
Richard Cœur de Lion n’est plus un roi idéalisé. La noble figure de Sir Connery est oubliée (Robin des bois, princes des voleurs, de Kevin Reynolds, 1991). Le souverain s’est écarté du père juste et magnanime qu’il a pu être (Ian Hunter dans Les aventures de Robin des bois de Keighley et Curtiz, 1938). Richard (Danny Huston [2]) est un homme de guerre, un assassin (le massacre de prisonniers turcs en 1191) et un pilleur (le siège du château de Châlus en 1199 [3]). D’autres caractères étoffent le portrait : courageux dans les batailles, il est aussi capable de constater l’échec de sa politique… Mais Richard Cœur de Lion est tué d’une flèche dès les premiers moments du récit.

Second fils d’Aliénor d’Aquitaine, Jean (Oscar Isaac) monte sur le trône et prend la tête d’un royaume épuisé par l’effort fourni pour la croisade et la rançon payée à l’empereur d’Allemagne. Par une sévère réorganisation fiscale et la confiscation des ressources sylvestres, Ridley Scott explique le mécontentement des sujets anglais (Robin se décide à voler à cause des injustices royales). De même, le film s’attache à reproduire les principaux organes de l’Etat alors en construction (évocation de la structure féodale, chancellerie, shérifs…). Au cours du discours plein d’emphase dont les productions hollywoodiennes ne savent pas se défaire, Robin intercède auprès du roi pour lui soumettre une première ébauche de la Grande Charte [4]. Malgré la bataille du littoral contre les Français et Godefroy le félon (Mark Strong, insipide vilain dans Sherlock Holmes, Guy Ritchie, 2008), la réconciliation entre Jean Sans Terre et les barons n’a pas lieu. Le roi est méprisant, Robin hors-la-loi. De là l’exil en forêt…

ORIFLAMMES ET GONFANONS
Par ses moqueries, Mel Brooks avait à sa façon défait le mythe de Robin Hood (Sacré Robin des Bois, 1993). Loin des archétypes, Ridley Scott nous plonge, lui, dans un Moyen Âge plus réaliste et plus historique (en dépit des libertés prises, telles les barges de débarquement…). Sur les vertes collines anglaises, les chevauchées rappellent celles filmées par Richard Thorpe (Les chevaliers de la table ronde, 1953). A d’autres moments, les gestes sont discrets ou délicats (Marianne chancelante un bref instant, ailleurs son pied posé par Robin dans l’étrier…). L’usage qui est fait de la légende, la mise en scène alternant spectacle, politique et intimité ainsi que la reconstitution proposée rendent le Robin des Bois de Ridley Scott palpitant.
[1] Robin Hood (« Robin la Capuche »), peut-être dérivé de Robehod qui désignerait le hors-la-loi en Angleterre au Moyen Âge.
[2] Il est Poséidon dans Le choc des Titans (Leterrier, 2010) et apparaît dans Aviator (Scorsese, 2004) ou 21 grammes (Iñárritu , 2004).
[3] Le mythe du trésor est heureusement abandonné et les liens de vassalité qu’il pouvait y avoir entre le seigneur de Châlus et Richard ne sont pas évoqués.
[4] L’accord conclu seulement en 1215 limite l’arbitraire royal et précise les libertés des barons.



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