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46 - Des lois et des peines (2ème partie)

Publié le 03 avril 2008 par Theophile

Salledattentetribunal Lorsque nous entrons, la grisaille de la journée donne un caractère encore plus lugubre à cette grande salle d'attente. Ce moment très bizarre dans une journée où il fait sombre mais pas encore assez pour allumer la lumière.
Ma mère discute à voix basse avec son avocat. Je me tiens à leurs côtés, les bras croisés. Je regarde le sol. Je ne veux pas que mes yeux croisent son regard.
"L'autre" est assis aux côtés de son avocate Maître E. Bonnard, une très belle femme aux longs cheveux blonds.
Quelques minutes. Nous restons ainsi. Comme de parfaits inconnus. Aucun regard n'est échangé. Une ambiance de tension palpable. Quelques minutes. Un silence dans lequel viennent se greffer parfois quelques chuchotements. Juste quelques minutes.
Puis la grande porte s'ouvre afin que ma mère pénètre dans le bureau avec son avocat. Je reste avec mon grand-père dans la salle d'attente. Sagement. Muré dans mon silence. Les mains moites.
Mon grand-père s'efforce de regarder par la fenêtre. Pour tourner le dos. Il ne veut pas le regarder. Affichant avec franchise son mépris. Son ignorance.
Quelques minutes. Puis c'est au tour de la partie adverse de pénétrer dans le bureau du juge.
Lorsqu'il se lève, un automatisme inexplicable me fait le regarder. Malgré moi.
Je le vois. Quelques secondes. Un regard double de chien battu et de chien de garde.

Ma mère se tient près de mon grand-père, avec son avocat :

    - La tentative de conciliation. Il y en a pour un quart d'heure. Après il entendra votre fils.
    - Il sera assis près de moi ?
    - Oui. Evidemment.
    - Le juge n'a pas l'air très aimable.
    - Oui. Les cas de divorce pour faute. C'est toujours conflictuel. Il ne se laisse pas séduire.

Après quelques minutes, plus longues, la porte s'ouvre.

Ma mère entre à nouveau dans le bureau, suivie de son avocat.
Quand la porte se referme, je ne peux m'empêcher de serrer les mains très fort. Tout en regardant cette porte se fermer, le sentiment insupportable que "l'autre" soit dans la même pièce que ma mère m'envahit comme une crampe soudaine et douloureuse.

A ce moment-là, je ne sais ce qui est dit dans ce grand bureau impartial. Alors, une profonde solitude se présente à moi, même si mon grand-père est avec moi dans cette pièce.
Il ne fait pas trop chaud et pourtant, je sens que ma chemise est humide au niveau de mes aisselles. Une goutte de transpiration glisse le long de mon bras. Comme par surprise.

Le temps est long.

Nous attendons.

Mon grand-père fait quelques pas. Les mains derrière le dos. Il soupire. Puis retourne à la fenêtre. Il ne me dit rien. Il regarde ce paysage qu'il doit maintenant connaître par coeur.

Nous attendons.

Le temps est long.

(A suivre)


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