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Big Boi – Vicious Lies & Dangerous Rumors

Publié le 12 décembre 2012 par Wtfru @romain_wtfru

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Commençons par une confidence sortie tout droit des couloirs fictifs de WTFRU: notre top album serait déjà publié si un album ne retenait pas autant notre attention, sachant qu’il serait potentiellement en mesure de tout changer à la dernière minute. Un seul. Et c’est le second solo de Big Boi.
A défaut d’écouter un nouveau projet d’Ouktast, on prend cette sortie avec autant de plaisir tout de même au vu du talent du bonhomme mais surtout de la qualité de son précédent opus Sir Lucious Left Footdevenu un bon petit classique avec le temps. Tout le challenge consiste donc à faire aussi bien avec Vicious Lies & Dangerous Rumors. Comment ? Voici la réponse.

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S’il y a une chose qui n’a pas changé (et qu’on ne s’attendait pas à voir changer de toute façon), c’est le talent de MC de Big Boi. Son flow ultra-adaptable et ultra-fluide est toujours un plaisir pour les oreilles. Le mec maitrise son sujet en toute circonstance avec une cool attitude de tous les instants. On le dit jamais assez mais il fait sans doute partie des cinq rappeurs les plus techniques du game, en est l’une des meilleures plumes, l’un des plus original et inventif. En résumé, il est dans le gratin du gratin du rap depuis des années. Et sur ce disque, la chose saute d’autant plus à la figure. Parce qu’il prend de gros risques.
Bon, le duo d’Atlanta n’a jamais fait dans le classique, on est d’accord, mais jusqu’ici c’était plutôt ce casse-cou d’Andre 3000 qui poussait les limites du groupe toujours un peu plus loin. Sauf que Dédé n’est pas (/plus ?) là et que l’autre Andre doit se débrouillait seul pour user d’originalité. Et le choix ici est d’aller se frotter aux affres de la pop culture, électronique de son état.
Pour assouvir son envie, il a fait appel au duo indie-pop new-yorkais Phantogram, présent à trois reprises sur l’album, et caution « nouveauté » par la même occasion. Si on est surpris aux premiers abords, le plus fou est la capacité d’adaptation de Big Boi, comme un poisson dans l’eau dans l’exercice de style. On a l’impression qu’il a toujours fait ça et l’étonnement laisse place à l’admiration. Autant sur Lines (avec A$ap Rocky) ou Objctum Sexuality, il y a une tournure rap qui l’aide à garder le cap, autant sur CPU, il est totalement en roue libre alors qu’on est quand même proche de Crystal Castles que de la « cadillacmuzik ». Une révélation.

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Big Boi – CPU (feat. Phantogram)

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Big Boi – Lines (feat. A$ap Rocky & Phantogram)

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Dans le même genre, on notera la présence du groupe électro-pop Little Dragon sur Thom Pettie (avec l’ami Killer Mike) et on appréciera le minimalisme génial de Raspberries.
Si elle peut en refroidir certains, cette (r)évolution prend tout son sens et son poids face à certains morceaux plus « classiques » pour Big Boi, notamment ceux à consonance R&B. Comme sur le précédent album, les envolées mielleuses viennent ternir l’assemblage , notamment la doublette de fin (Tremendous Damage/Descending), stratégiquement très mal placée puisqu’elle casse l’élan du disque et vient maladroitement le conclure. On sait que c’est le kiff de Big Boi depuis toujours, qu’il n’est pas à la recherche du portrait parfait, bien au contraire, l’inégalité bordélique fait quelque peu partie de l’ADN Outkast. C’est pour ça que l’on lui avait allégrement pardonné sur Sir Lucious…, puisqu’on pouvait dire que ça faisait également le charme de l’album.
Ici c’est un peu différent. Déjà les morceaux du style sont moins bons, moins inspirés. She Hates Me avec Kid Cudi va justement trop dans le monde de Cudi et en est une mauvaise représentation, quelque peu caricaturale. Mama Told Me rappelle l’ambiance funky du précédent album mais en version « chute de studio » dispensable. Bref, deux titres pas foncièrement mauvais, seulement trop déjà-vu dans cette recherche d’innovation.
Le seul qui tient la route est Shoes for Running avec B.o.B et Wavves. Ca sent bon le single calibré radio et les reprises en jingle tv sportif.

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Big Boi – Shoes for Running (feat. B.o.B & Wavves)

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Que les ans se rassurent, on a quand même le droit à quelques Big Boi rap pur jus. Le déjà nommé Lines, bien que original, s’inscrit bien dans le style du bonhomme avec sa lourde basse. L’excellent The Thickets et son sample magique de Jodeci ouvre magistralement l’album et que dire de l’épique In the A, véritable pierre angulaire de l’opus, accompagné des copains T.I. et Ludacris. Un morceau cuivré comme on les aime et comme ils les aiment avec juste ce qu’il faut de violence au clavier. Cinq minutes de plaisir 100% rap avec du mceeing de premier rang et des envolés en veux-tu, en voilà.

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Big Boi – The Thickets

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Big Boi – In The A (feat. T.I & Ludacris)

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En lisant cette chronique (mais surtout en écoutant l’album finalement), on a l’impression de faire face à un pot-pourri. Et comme dit plus haut, l’homogénéité absolue n’a jamais été en surface la recherche fondamentale du groupe et de Boi en solo. Mais le plus fort justement c’est qu’on y trouve toujours un fil conducteur quand même. Dans les textes déjà. Rien qu’au titre de l’album et des titres, on comprend où il veut en venir: l’amour et les relations. Du bonheur à la destruction morale. C’est comme d’habitude finement bien joué et écrit.
Et même dans les productions, aussi surprenant soit la chose, on retrouve un semblant de cohérence. On pioche toujours dans les grosses basses (normaaaaal), l’exploration pop indie-électro en fond sonore, de la funk ambiance. On passe du rap à l’électronique ou au R&B certes, mais tout est toujours lié.
Pareil pour les hommes aux manettes du disque. On retrouve les habitués Organized Noise, Mr Dj, Big Boi lui même, Royal Flush, aidés donc par Phantogram cette fois-ci. Un style différent du précédent album mais toujours le même entourage. Le talent de ces gars-là est autant sous-estimé que remarquable.
On notera avec plaisir et étonnement la présence de Chris Carmouche qui n’était d’autre jusqu’ici que le troisième cerveau derrière l’immense Speakerboxxx/The Love Below (en tant qu’ingénieur du son/producteur exécutif) et qui
a décidé de mettre la main à la patte directement.

Malgré un changement en profondeur dans la forme, le fond reste le même: de la qualité. Un peu plus inégal, un peu moins explosif que son prédécesseur, ce Vicious Lies & Dangerous Rumors ne manque cependant pas d’arguments en sa faveur. De grands moments, un rappeur de très haut niveau, on ne demande pas plus. Patton sait vivre dans son époque et mélange tout ce qui se fait de mieux pour être toujours à la page. Le seul véritable regret que l’on puisse vraiment avoir, c’est que dans cet esprit rap-pop il manque la présence de ce diable d’Andre 3000 qui n’aurait sûrement pas dépareillé. Non, ces mecs ne seront jamais dissociables.

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4

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