L’éducation en question

On aura tout vu. Des lycéens qui se battent pour leurs enseignants, et des enseignants qui s’unissent à eux, dans un concert de voix uniformes et concordantes pour continuer à travailler ensemble dans de bonnes conditions… Et ils ont bien raison. On n’accorde pas assez de prix à l’éducation.

L’éducation aide au développement de l’esprit, mais qui s’intéresse à cette maturation ? On croit que l’école a pour but d’éveiller des vocations. On veut faire des élèves les prochains travailleurs, nos futurs collaborateurs. Les moyens éducatifs doivent servir à cette fin, et la simplicité de cette fin suffit à en restreindre les moyens.

On veut donner des compétences, distribuer le savoir, développer des aptitudes. Il faut faire d’eux des médecins, des ingénieurs, des professeurs et mathématiciens. En somme on veut des techniciens. Mais cette ambition suffit-elle, et la transmission du savoir épuise-t-elle la mission de l’école ?

Telle était l’angoissante question que se posait par exemple Rousseau. Car déjà en son temps il diagnostiquait les maux cachés de cette ambition aveugle de la société. Telle est la profonde teneur de ses sarcasmes et l’unique motif de sa critique sociale. Nous accordons trop au savoir, peu aux mœurs et pour ainsi dire rien au développement moral. On pense que la grandeur de la société tient dans la puissance de ses savants et dans l’efficacité soulageante de ses arts. Mais ce n’est pas assez – d’où sa critique aussi célèbre qu’incomprise des sciences et des arts…

Nous avons des physiciens et des poètes, des artisans et des géomètres, des comédiens, astronomes et athlètes, reconnaît-il, mais avons-nous des citoyens ? Une société ne repose pas sur la seule complémentarité des spécialistes, et l’école ne peut se réduire à être l’usine préalable de nos futurs travailleurs… Il faut réinventer l’école.