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Marathon de Sfax: mon récit d'un week-end marathon!

Publié le 18 décembre 2012 par Sylvainbazin
Je retrouve l'aéroport de Lyon. Décidément celui là, je l'emprunte pas en bon état psychique cette année 2012... La dernière fois, c'était en mars, pour aller au Canada, et j'étais pas au mieux, c'est le moins que je puisse dire, même si après j'avais su, j'avais pu, me reprendre, notamment pour mener à bien mon chemin vers St Jacques, le plus beau moment de cette curieuse année dont j'hésite encore à faire le bilan.
Là, même si bien sûr je suis avant tout présent pour découvrir un marathon, une nouvelle épreuve, vous en rendre compte, faire mon métier en somme et y conjuguer ma passion toujours présente pour la course, je vais sans doute profiter de ce voyage pour faire un point, c'est très court, ça sera dense, mais me revoilà en mouvement et curieusement cela me permet souvent de mieux penser. Déjà, assis dans l'avion, je commence à essayer de prendre un peu de recul sur mes dernières semaines passées en Savoie.
Je traverse, vous avez du le sentir à la lecture de mes derniers posts, une phase de doute et de tristesse, presque teintée d'angoisse. Vais je pouvoir entreprendre et mener à bien la suite de mes projets sur les chemins de randonnée qui me tient tant à coeur, quelles sont mes perspectives professionnelles, et même de savoir si tout cela a encore un sens, voilà pour résumer ce qui agite mon âme.
Il faut dire que depuis mon accident, c'est bien cette dernière période qui est pour moi la plus pénible. Depuis que mes bras sont libres à nouveau (mais pas encore bien opérationnel et encore douloureux). D'une part parce que j'ai plus d'impatience à repartir, d'autre part à cause des énormes doutes évoqués plus haut et de grosses déceptions.
Au début de ma convalescence, et même quelques semaines après mon rapatriement, c'était bien plus doux; J'étais entouré, recevait plein d'appels de soutien, tout le monde venait aux nouvelles, c'était très réconfortant. J'étais aussi heureux d'être encore là, tout simplement d'avoir échappé au pire après être passé si près. Je récupérais chaque jour un peu, malgré la douleur et la fatigue, j'étais concentré sur cette guérison. Trop affaibli aussi pour regretter de ne plus trop bouger, la suite et la reprise m'apparaissaient comme de belles perspectives, je me voulais serein, j'allais repartir.
Et puis d'ailleurs, tout s'enchaînait bien. Mes bras récupéraient bien, l'opération était un succès; on me libérait les coudes, je pouvais à nouveau me déplacer, je reprenais le footing, et tout doucement une activité professionnelle. Mais ces toutes dernières semaines sont finalement bien plus difficiles. Mes bras sont libérés, signe que ça va bien mieux. Certes, c'est un peu vrai et je suis bien content de les avoir presque récupéré. Mais la vraie reprise est difficile.
Les perspectives sont floues, je ne sais pas encore du tout si mes partenaires repartent avec moi sur les grands chemins, si je vais pouvoir continuer à mener cette vie de saltimbanque, ce défi global que j'aime tant. C'est aussi dans ces moments là, quand les mauvaises nouvelles s'accumulent, que je sens la précarité de ma situation professionelle, certes voulue et assumée, lorsque les sorties d'argent sont sûres et les rentrées plus aléatoires, beaucoup plus... par ailleurs, comme mes bras ont meilleur mine, les amis prennent moins de mes nouvelles, ce qui est normal et je ne leur en veux absolument pas.Le jolie sourire qui m'accompagnait dans cette drôle de période juge que sa bonne action peut s'arrêter là et qu'il est temps pour elle de reprendre des distractions plus sérieuses avec d'autres que moi, et malgré ou à cause de la belle nouveauté de notre relation, cela m'affecte beaucoup, je suis un garçon trop sensible et j'ai eu bien des déboires sur ce plan là cette année.
A Sfax, je viens donc aussi essayer de prendre un peu de recul. Courir, sortir de ce train-train qui me pèse, faire le point sur mes projets et sur les perspectives, sur ce qui est envisageable et ce qui l'est moins.
Un petit coup d'avion plus tard, me voilà donc sur le sol tunisien. L'affaire est rondement menée, un responsable du tourisme m'attend dès la sortie de l'avion, je passe la douane en deux secondes.
Par contre, ensuite, le voyage vers Sfax sera bien plus long. Avec mon collègue nigérian, venu couvrir la course pour africa athletics, nous poussons d'abords la voiture pour aider notre chauffeur à démarrer. Sfax est à 300 kilomètres. Nous roulons assez bien, mais entre le stop pour grgnoter un peu et un nouvel arrêt imposé par la marréchaussée nous arrivons à l'hôtel vers 22H. Là, impossible de retrouver trace de notre réservation et comme je n'ai aucune et je dois redonner le téléphone de l'organisateur au réceptionniste pour obtenir le césame d'une chambre. Ces négociations prennent encore un peu de temps et c'est donc tout de même fatigué mais cependant bien content d'être à nouveau en mouvement, ou presque, que je commence à écrire ce récit et dans le même temps à essayer de poser un peu les choses dans mon esprit perturbé.
Le lendemain matin, après un petit déjeuner qui me permet de découvrir une vue sur le port de Sfax, je pars me promener un peu dans la vieille ville en compagnie de mon nouvel ami nigérian. De beaux remparts me rappellent un peu, avec l'ambiance maritime, Essaouira.
Nous ne traînons cependant pas trop. La conférence de presse, nous a dit Naamen, le maître d'oue-- de ce marathon dont je fais la connaissance ce matin, à lieu une heure plus tard. En fait, nous attendrons longtemps, sur le perron de l'hôtel de ville, que cela puisse commencer. Mais cette latence me permet de faire des rencontres: Bernard, un marathonien de 67 ans qui visite le monde par ses marathons depuis cinq, le groupe des coureurs "internationaux", des kenyans, ethiopiens et marocains managés par Adil Goumrhi un ancien coureur que j'avais déjà croisé, et le franco-marocain Larbi Es Sraidi, un des tous meilleurs marathonien français (un record à 2h10'08). Ils sont tous venus à l'invitation de l'organisateur, qui a tenu à monter un beau plateau pour lancer son évènement.
Bernard, lui, est venu à Sfax pour une raison bien particulière: faisant parti des "déçus" du marathon de New York, il a vu l'existence de ce marathon sur le Net et comme il est né à Sfax... Il y retourne ainsi pour la première fois depuis 58 ans et il vivra sans doute un week end qu'il n'oubliera pas. Il devient vite d'ailleurs l'attraction locale. Son histoire est belle et plait beaucoup aux organisateurs et aux élus locaux.
Lors de la conférence, Bernard est présenté comme l'enfant prodige de retour au pays. Il est assez ému et c'est un beau moment. Par ailleurs, c'est un homme très liant et à la discussion intéressante. Ancien fonctionnaire territorial, il s'est mis à courir à la retraite, il y a six ans, et a depuis couru des marathons un peu partout sur la planète. "Je cherchais une occupation pour ma retraite, courir m'a semblé une bonne idée. Depuis je cherche surtout les courses lointaines, tant que j'en ai encore l'énergie. Je "rattrape" un peu toutes ces années de travail où je n'ai pas fait de sport du tout. Demain, Bernard courra son 20e marathon pour ce retour aux sources.
L'après midi se passe tranquillement. J'essaie de récupérer un peu, assiste à quelques unes des courses programmées l'après-midi pour les jeunes. Une course féminine est également organisée, dans le centre ville. Enfin un 200m en djellaba conclu cette après midi. Le succès populaire est au rendez-vous, plus de 200 gamins s'inscrivent à chaque course. La foule est très enthousiaste. Je reste un moment, mais ne goûtant que modéremment à l'agora, je rentre ensuite à l'hôtel. La journée de demain s'annonce très chargée et la soirée également. Nous sommes en effet convié à un dîner de gala, un peu curieusement programmé avant la course.
Là, dans une grande salle, la présentation de l'épreuve et de ses artisans reprend, comme à midi... C'est très sympathique, le groupe folklorique est de bon niveau, mais au bout d'un moment, nous pensons surtout à rentrer nous coucher. La musique résonne très fort, nous attendons très longtemps les plats. Bernard semble très fatigué. Dès que notre couscous arrive enfin, nous l'avalons et quittons la salle. Ca fait un peu beaucoup pour une avant-course mais bon, c'est le ton de l'évènement.
Ces belles rencontres et cette journée bien remplies m'ont largement distraits, mais c'est vrai que je pense beaucoup à ces dernières semaines, à l'avenir proche, à mes projets et mon destin...J'espère, en m'endormant dans la nuit de Sfax, que l'introspection de la course de demain m'aidera à y voir plus clair et me donnera en tous cas l'impression de me relancer un peu.
Le lendemain matin, je me réveille donc tôt, pour profiter du bon petit déjeuner offert à l'hôtel. Dans cette belle salle qui domine le port de Sfax et d'où j'aperçois la mer, je retrouve Larbi, qui va courir ce marathon pour se préparer aux suivants et selon la forme tenter un chrono ou non, puis Bernard, qui lui veut bien entendu simplement finir autour des 5 heures. Les autres athlètes du "plateau" sont là...
Un peu plus tard, nous prenons le bus, un trajet d'une heure, pour nous rendre au départ de la course. Le décor est posé: une route qui ondule sur de longues lignes droite, bordée de champs d'oliviers ou de zones désertiques. Le parcours est d'une simplicité déconcertante: un aller-retour de 10 kilomètres, à parcourir une fois pour le semi-marathon et deux fois pour le marathon. Cela promet un bon exercice de motivation et de concentration. Mais après tout, c'est ce que je suis un peu venu chercher ici.
En attendant, l'ambiance est sympa et la course se met en place. Les coureurs, nous sommes tout de même 200 sur les deux courses (mais beaucoup se contenteront du semi), affluent par petits groupes. Quelques clubs locaux ont fait le déplacement, même si la course à pied n'a guère de tradition en Tunisie. Les bénévoles, très enthousiastes, se postent sur le parcours. Je discute bien agréablement avec Alexandra, une amie maintenant professeure au lycée français de Tunis, rencontrée naguère à Zagora, et que je n'ai pas vu depuis quelques temps déjà, Fred, un français qui travaille souvent à Sfax et qui a appris l'existence du marathon hier, et quelques autres.
Je me place un peu en arrière sur la ligne, ne pensant pas jouer les premiers rôles. Le départ est donné, devant, ça fuse déjà, même si nombreux sont ceux qui donnent l'impression de forcer énormément dès les premiers mètres, ce qui se confirmera par la suite. A ma grande surprise, j'arrive à courir à un bon rythme et les sensations ne sont pas si terribles, en tous cas plutôt meilleures que lors de mes footings. Je passe même en 3'50" au kilomètre. La route s'étire, en ondulant par des faux plats bien marqués, le long des champs et des jachères. Le regard se perd vers un horizon lointain, fixant les tentes des postes de ravitaillement. Un décor d'une monotonie extrême, propre au dialogue intérieur. Mais pour l'heure, le peloton est dense et animé et du coup je ne m'ennuie pas du tout. Je me concentre sur mon rythme, tente de retrouver des sensations presque oubliées. J'atteins tout de même le 10e kilomètre en 40', c'est lent mais après tout il y a des mois que je n'ai pas couru à 15 km/h...
Je croise le peloton de tête qui a déjà fait demi-tour: ça aussi, ça anime. L'allure devant a l'air plus que costaude, malgré le parcours et la dureté du bitume, un macadam granuleux et extrêmement agressif pour les articulations. Je ne regrette pas d'avoir mis mes Hokas qui semblent tout de même bien protéger de cette surface traumatisante.
Sur ce premier retour, malgré un léger vent de face, je ne faiblis pas trop: je remonte même quelques coureurs partis trop vite, et du coup cela m'encourage. Je me plonge dans mes sensations, ne pense plus guère qu'à courir, c'est si bon... Je sais aussi que la deuxième partie de la course sera bien plus pénible, car les coureurs de marathon sont peu nombreux et je vais donc accomplir le deuxième aller-retour seul.
Ca ne manque pas, après le demi-tour, atteint tout de même en 1h28, je me retrouve totalement isolé. Mon rythme se dégrade petit à petit. Le soleil monte, il fait maintenant une trentaine de dégré sur le macadam. Ca tape, comme mes pieds sur l'asphalte. Seuls les bénévoles et leurs gentils encouragements rompent la monotone symphonie du ruban de macadam.
Le deuxième retour est très long. Je n'ai qu'une motivation, celle de courir jusqu'au bout. Ce n'est pas si dur, rien par rapport aux souffrances que j'ai enduré ces derniers temps en tous cas, mais c'est tout de même un bon exercice de volonté pure. Je trottine à dix à l'heure. Cependant personne ne me rattrapera, je me rapproche même un peu du coureur devant moi, qui s'arrête de temps en temps.
Je passe ainsi au 35, 37e puis 40 e kilomètres. Ils me paraissent deux fois plus long qu'à l'aller... Cependant, quand je passe la ligne au bout de 3h21 de course je ne suis pas si mécontent. Avec ma préparation plus que légère, le parcours et ce qu'il m'est arrivé ces derniers temps, il ne fallait sans doute pas trop en demander et puis je n'ai pas tant forcé que cela.
Pour l'instant, je goûte à un repos mérité en compagnie de mes amis, sous l'ombre des palmiers et des cyprès situés dans un jardin un peu en retrait de la route, où se tient ensuite la remise des prix. Nous passons ainsi presque tout l'après midi à discuter. La course s'est gagnée en 2h14, un temps très impressionnant sur un tel parcours. Larbi s'est contenté de la 3e place, en 2h25, le bitume lui a paru trop dur pour prendre des risques et se blesser.
Nous assistons ensuite à l'arrivée émouvante de Bernard, qui boucle ce marathon si symbolique pour lui après 5h30 d'efforts, porté en triomphe par les bénévoles. Il s'en souviendra pour toujours. C'est une belle image, celle que je retiendrai de ce marathon organisé avec une bonne volonté évidente et sur lequel, malgré ce parcours rectiligne et quelques erreurs de jeunesse, j'ai pris du plaisir. Pour moi aussi, il restera comme un moment particulier, à un niveau j'imagine différent de ce que peut ressentir Bernard.
Ma journée marathon n'est cependant pas fini: nous reprenons assez tard un bus pour Sfax, où je discute avec Fred, puis le temps de me doucher et de quelques échanges sympas avec Naamen et l'équipe de Top Chrono qui assurait le chronométrage, et me voilà déjà en compagnie des athlètes internationaux, kenyans, éthiopiens et marocains (plus Larbi!) dans un autre bus qui nous amènera bien tard sur Tunis.
C'est donc tout de même bien fatigué, mais heureux au final de retrouver cette fatigue de coureur, que je termine mon court séjour tunisien. J'ai pas mal réfléchi tout de même.
A mon retour, je déjeune avec mon ami Matthieu, vous connaissez sans doute ses dessins (DBDB), avec qui nous parlons de beaux projets. Cela aussi me remotive.
 Pourtant rien ne sera facile sans doute en 2013. Le soir, j'apprends, c'est plutôt un confirmation en fait, que Terres d'Aventure, pour des raisons financières et de choix stratégiques, ne poursuivra pas l'aventure du TWT avec moi l'an prochain. Je vais donc essayer de trouver d'autres financements pour poursuivre l'aventure. Un challenge de plus, alors que j'aimerai bien trouver quelques bonnes nouvelles dans cette fin d'année si difficile pour moi. Mais je vais me battre.
Il me faut continuer à marcher, à courir les chemins, à écrire, pour essayer de donner un sens à ma vie. Je n'ai pas grand chose à perdre, non plus, alors je peux tenter de prendre des risques jusqu'au bout. Cela en vaut la peine. C'est en tous cas ma démarche. Je vais peut-être devoir me blinder encore un peu, éviter certains sentiments qui me font ensuite si mal, même si je n'en suis plus trop capable, pour mener à bien mon entreprise. En tous cas, je vais y remobiliser mon énergie. Pas celle d'un désespoir. Non, comme l'énergie déployée à Sfax pour organiser le marathon, une énergie positive. Celle de la création et de la passion, celle qui construit une vie, un peu décalée, un peu spéciale, mais au moins intéressante et qui, je pense, peut inspirer. La mienne. J'ai bien failli la perdre il y a peu, alors je sais que je dois au moins tenter de continuer à la vivre ainsi, tenter d'y trouver le bonheur. Pour l'instant en tous cas, seule la voie des grands chemins semble pouvoir me l'apporter.

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